Abstracts
Résumé
La naissance du théâtre français, et particulièrement de la tragédie française, date des dernières années du XVIe siècle et des vingt premières années du XVIIe, au moment où émerge ce qu’on peut appeler la « modernité ». Maintenant oublié, et recouvert par le mythe du classicisme français, ce « théâtre de l’échafaud » s’apparente au théâtre élisabéthain et à la comedia espagnole, aussi bien pour son esthétique générale que pour sa manière de représenter le sang, les crimes et les viols, par des actions spectaculaires. Les exemples d’Alexandre Hardy et de Nicolas-Chrestien des Croix, montrent ainsi que cette nouvelle tragédie entend mettre en scène des actions tragiques (sanglantes) en même temps qu’elle pose à un nouveau public et dans de nouveaux lieux, des questions philosophiques, politiques et religieuses, soulevées par les faits sanglants du temps, par les troubles qui ont saisi la France et par les récentes horreurs des guerres de Religion dont le public a nécessairement le souvenir. La loi, l’ordre, la nature humaine, la souveraineté, la légitimité, le Salut, sont les grands sujets dont la scène s’empare. Ce faisant, elle oblige les spectateurs à les voir, à en être saisis, mais aussi à les penser. Car si le théâtre veut intéresser son public, il doit le faire d’une part grâce à la représentation de transgressions et de contradictions en acte, d’autre part en plaçant l’assemblée des spectateurs face à des corps souffrants et dans une position où chacun devient une sorte de juge : un juge impuissant mais impliqué. La naissance de la modernité et la naissance du théâtre moderne apparaissent donc simultanément en Europe et célèbrent l’invention d’une nouvelle distance critique.
Abstract
Birth of French theater, and particularly of French tragedy, really takes place during the very last years of the XVIth Century and the twenty first years of the XVIIth, exactly at the same time the emergence of “modernity” can be conceived. Now forgotten, after the myth of the French classicism had been built, this “theater of the scaffold” (in French, “échafaud” means “stage” and “scaffold” as well) goes with the Elisabethan drama and the Spanish comedia, as they have the same main aesthetic stakes, especially the representation of blood, crimes, rapes, through a theatrical action. Alexandre Hardy and Nicolas-Chrestien des Croix, for instance, took part in the creation of a new tragedy, setting on stage tragic (bloody) actions and addressing philosophical issues, which raised political and religious questions for a new audience, in new places, representing, from a distance, the murderous times, the terrible events of France's recent history, and the horrors of the Religion Wars, which every audience was then accustomed to. Law, order, human nature, sovereignty, legitimacy, and Salvation, are those essential matters which the stage takes over, leading the spectators to see them, to be dazzled by them, and also to reflect upon them. Theater, performing transgressions and contradictions interest the audience, setting the assembly of the spectators in front of suffering bodies, in a position where everyone can be a sort of judge: impotent but involved. Hence, the birth of Modernity and the birth of modern theater appear simultaneously in Europe, through the invention of a new critical distance.
Download the article in PDF to read it.
Download