Abstracts
Résumé
Cet article s’intéresse aux rapports de l’art canadien, moderne et contemporain, à l’identité nationale. Il est un fait connu que les représentations picturales du paysage produites au Canada et au Québec entre 1910 et 1940 furent intimement liées aux nationalismes politiques. Palliant au traumatisme de la Première Guerre, les terres vierges dans la peinture du Groupe des sept furent associées à un nationalisme pancanadien, « viril » et salutaire. L’engouement pour la représentation de paysages ruraux chez les Québécois Clarence Gagnon, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté et Marc-Aurèle Fortin firent plutôt écho au nationalisme d’un Lionel Groulx. À tort ou à raison, Paul-Émile Borduas incarna, quant à lui, les valeurs du nationalisme et de l’humanisme libéral qui caractérisèrent le Québec des années 1960. Aujourd’hui, le réfèrent identitaire national ne peut plus être considéré comme un réfèrent organisateur fort. Aussi, les performances de Rebecca Belmore et le travail de Lori Blondeau dénoncent l’eurocentrisme et les postulats phallocentriques que sous-tend l’histoire canadienne. Le déracinement, la dérive et l’exil traversent des pratiques diverses, celles de Christoper Pratt, de Rodney Graham, d’Isabelle Hayeur, de Camille Turner ou de Kinga Araya, entre autres. Ces entreprises de déconstruction n’ont pourtant pas mené à l’abandon d’une quête identitaire fondée sur l’appartenance à une communauté imaginée dans son rapport au « paysage ». Les images d’Isabelle Hayeur nient en même temps qu’elles l’éveillent le désir d’être en relation avec la nature. Et le travail récent d’Irène Whittome offre des images archétypes d’une communauté régionale dont l’identité collective se définit dans son rapport à la géologie du lieu.
Abstract
This article looks at the connections between modern and contemporary Canadian art and national identity. It is a known fact that, between 1910 and 1940, pictorial representations of landscapes produced in Canada and in Québec were intimately linked to politics of nationalism. Disguising the traumas of the First World War, virgin lands in the work of the Group of Seven were associated to a pan-Canadian nationalism—"virile" and salutary. For Québécois like Clarence Gagnon, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté and Marc-Aurèle Fortin, infatuation with representations of rural landscapes rather echoed the nationalism of Lionel Groulx. And rightly or wrongly, Paul-Émile Borduas, for his part, incarnated the values of nationalism and liberal humanism that characterized Québec in the 1960s. Today, the national identity referent can no longer be considered as a strong organizing referent. Also, the performances of Rebecca Belmore and the work of Lori Blondeau denounce Eurocentrism and the phallocentric premises that underlie Canadian history. The uprooting, the drifting and the exile run through diverse practices—those of Christopher Pratt, Rodney Graham, Isabelle Hayeur, Camille Turner or Kinga Araya among others. Yet, these enterprises of deconstruction did not lead to an abandonment of the quest for identity-one founded on belonging to an imagined community in its relation to the "landscape." The images of Isabelle Hayeur both deny and awaken the desire for a connection with nature. And the recent work of Irène Whittome offers archetypal images of a regional community whose collective identity is defined in its relationship to the geology of place.