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Dirigé par Louis-Patrick St-Pierre, jeune historien nouvellois, Fiers de nos origines : Nouvelle, d’hier à demain souligne le 150e anniversaire de fondation (1869) de la municipalité de Nouvelle, sise dans la Baie-des-Chaleurs. Ce collectif rassemble plusieurs auteur-es de générations différentes : universitaires en herbe, chercheur-es établi-es, personnes impliquées dans le milieu communautaire et patrimonial. La plupart sont des locaux, ce qui explique sans doute que l’ouvrage prenne les allures d’un hommage envers l’histoire de la communauté. Avec cette particularité à l’esprit, on saura apprécier ce livre d’histoire locale. Par ailleurs, ceux et celles qui se sont familiarisé-es avec l’historiographie gaspésienne savent que Fiers de nos origines n’est pas le premier volume du genre. Soulignons celui de Réginald Day, Histoire de Nouvelle (1992), abondamment cité dans le recueil recensé. L’introduction rédigée par St-Pierre est claire à ce sujet : l’objectif est de bâtir sur les connaissances acquises et, au passage, d’éclairer quelques zones méconnues du passé de la municipalité.
La première partie traite de « “Nouvelle” avant Nouvelle » : sont notamment abordées l’historique géologique, paléontologique et biologique du lieu (ch. 1), son histoire démographique au 19e siècle (ch. 3) et celle de la seigneurie de Shoolbred, l’une des rares concédées par la Couronne britannique (ch. 4). La deuxième partie, quant à elle, porte sur le siècle et demi qui s’est écoulé depuis 1869. Elle regroupe cinq sections traitant d’histoire religieuse, sociale, économique, politique et culturelle. Divers secteurs sont traités : l’agriculture (ch. 13), les métiers de la pêche et de la forêt (ch. 12 et 14) l’ancienne carrière de pierre à chaux (ch. 11), l’éducation (ch. 10), les maires (ch. 15) et des lieux de sociabilités culturelles (ch. 16).
Mentionnons que Fiers de nos origines fait la part belle à la falaise de Miguasha et son musée, site du Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999. Les premier et neuvième chapitres donneront probablement envie de (re)visiter l’emplacement qui abrite une importante collection de fossiles issus de la période du Dévonien—l’Âge des poissons. Côté histoire socioculturelle, on trouvera intérêt dans le témoignage d’André Philippe (ch. 6) selon qui la religion catholique fut « le premier critère d’intégration » des habitants à la communauté nouvelloise. La prégnance de l’univers religieux qui se dégage d’autres chapitres renforce cette idée. Philippe relate également l’itinéraire de la « communauté chrétienne de Nouvelle à l’heure de Vatican II », un moment de renouvellement. Félix Leblanc-Savoie (ch. 7), quant à lui, aborde de façon plus académique l’histoire religieuse, à travers l’architecture de l’église du village. Il y décèle les traces d’une adaptation à la « modernité » au milieu des années 1930, sous forme d’innovation technique et esthétique à partir de principes du Moyen Âge, fruit de l’influence du moine-architecte Dom Paul Bellot. Le Topo 1, qui porte sur des curés qu’eût Nouvelle, illustre aussi la tension entre tradition et nouveauté qui a toujours caractérisé l’Église catholique au Québec. C’est le cas de Joseph-Alexis Saint-Laurent, curé de 1916 à 1955, qui fut un acteur important des débuts du coopératisme gaspésien tout en étant d’un rigorisme moral déconcertant et d’une méfiance surannée envers l’automobile. On se convaincra également de cette dynamique par le récit que font Estelle et Roch-André LeBlanc (ch. 8) de l’histoire de Saint-Jean-de-Brébeuf, sorte d’extension éphémère (1930–1971) de Nouvelle : malgré le puritanisme avec lequel les curés colonisateurs de l’endroit cherchaient à encadrer la population, le texte souligne avec reconnaissance leur apport au développement du village et rapporte, avec nostalgie, que « les paroissiens se serr[aient] les coudes » autour d’eux.
Si certains chapitres paraissent plus faibles sur le plan du contenu, de la forme et de l’analyse—pensons au second qui présente des problèmes de synthèse et d’objet, ou le troisième qui semble exagérer la singularité tout comme l’aspect « mosaïque » du paysage ethnoculturel nouvellois—d’autres se démarquent. C’est le cas du texte de Tremblay-Lamarche (ch. 15). Spécialiste des milieux élitaires québécois, ce dernier offre une prosopographie des maires de Nouvelle se distinguant par sa mise en contexte rigoureuse et l’efficacité de sa structure. D’un autre côté, concernant le livre dans son ensemble, certains détails—surnoms, anecdotes—sont loin des intérêts du lectorat général. C’est le cas, parfois, des six Topos répartis à travers le volume. Toutefois, pour les Nouvellois-es, ceux-ci sont d’une convenance certaine : ils et elles trouveront fierté dans l’histoire de leurs « figures marquantes » (Topo 3) et se reconnaîtront dans les récits, parmi d’autres, de carrières vouées au domaine forestier (Topo 6).
Il faut en somme prendre ce collectif pour ce qu’il est : un livre écrit en grande partie par des locaux fiers de leur histoire. Ce n’est donc pas un recueil qui honore toujours les canons de la recherche scientifique ; là n’était pas non plus son objectif. Toutefois, sa valeur de témoignage est grande—notons l’abondance de photographies et les nombreuses enquêtes orales inédites. Fiers de nos origines intéressera ainsi tous ceux et celles qui aiment en apprendre sur le Québec, ses régions et ses petites communautés.