Largement construites à travers les discours, les lois et les traités par les pouvoirs politiques, religieux et idéologiques, les normes sont diffusées par les institutions et partiellement intériorisées par les individus. Elles tracent la ligne qui, formellement, au quotidien et jusque dans l’intimité des foyers, partagent les comportements acceptables de ceux qui relèvent de la déviance. À travers les époques et sur différents territoires, par le jeu conjugué des pressions sociales, étatiques ou spirituelles, les normes se sont diversifiées et ont été diffusées ; elles ont également été rejetées et transgressées, volontairement ou inconsciemment, individuellement ou collectivement. Véronique Pillon affirme dans son ouvrage Normes et déviances que les différents points de vue et interprétations des normes gravitaient « autour de l’idée qu’[elles] garantissent la vie sociale ». Pillon soutient que ce sont les normes qui octroient aux individus une grille d’interprétation des comportements : elles prescrivent ce que l’on attend de l’un, ce que l’on rejette de l’autre. Par conséquent, des normes découlent une série de contraintes qui comportent leur propre lot de conséquences et de sanctions—des sanctions parfois « externes », imposées par un groupe, des institutions, des lois, etc. ; ou des sanctions « internes », comme l’autodésapprobation ou la désapprobation par les pairs. Ces sanctions internes « [revêtent] plusieurs formes émotives : honte, culpabilité, remords, craintes, ou seulement dissatisfaction ». Le XXVIe colloque de l’Association des étudiant.e.s diplômé.e.s du département d’histoire de l’Université de Montréal, tenu les 20-21-22 mars 2019, a proposé à ses participantes et participants de penser et repenser leurs interprétations et analyses historiques sous le thème de la normativité. Les présentatrices et présentateurs ont été nombreux à répondre à cet appel et nous avons eu le plaisir d’assister à une série de conférences qui ont mis en relief les différents aspects relatifs aux normes. Il a notamment été question des normes, de leurs applications, de leurs transformations ou de leurs transgressions, dans la religion et la spiritualité, dans la construction identitaire ainsi que dans l’art et l’esthétique. Il s’agit ici des thèmes qui orienteront la lecture des présents actes de colloque. Dans l’historiographie récente, l’étude des relations entre normes et transgressions démontre les évolutions normatives des institutions religieuses et de ses acteurs sociaux, du Moyen-Âge à l’époque moderne. Plusieurs participantes et participants du colloque se sont penchés sur les normes religieuses, observant de facto comment les croyantes et croyants de confessions diverses ont détourné ces normes pour les adapter à leurs besoins ou encore pour les transgresser. L’ adhésion à la norme sociale du Moyen-Âge au XVIIe siècle correspond en grande partie à l’appartenance des individus à la christianitas, la communauté chrétienne. En lisant ces actes de colloque, nous voyons cependant que l’acceptation des normes fluctue selon le contexte et est en constante mouvance. La norme instaure un idéal à observer et prescrit la conformité : elle participe par conséquent à l’exclusion de celles et ceux et celles qui adoptent des comportements dits « déviants »—ceux-ci se retrouvent alors relégués dans un espace en marge de la « normalité ». La transgression des normes religieuses engendre également plusieurs conséquences : elle peut être à l’origine de transformations au sein des institutions comme elle peut entraîner une répression des minorités, notamment des hérétiques ou membres d’une autre confession. Sur le sujet des normes religieuses, nous débuterons avec l’article d’Amélia Lecousy. L’autrice se concentre sur les tensions émergentes entre chrétiens et juifs au XIIIe siècle dans le sud de la France. Grâce à l’analyse de responsa, lettres rédigées par un savant de renom qui apporte des réponses à des controverses, l’autrice …
Introduction : préface aux actes[Record]
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Nadine Auclair
Candidate à la maîtrise en histoire, Université de Montréal, CanadaRachel Berthiaume
Candidate à la maîtrise en histoire, Université de Montréal, Canada