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Cette rentrée 2017, James Delbourgo enrichit d’une nouvelle étude l’historiographie de la transmission du savoir par le biais d’une biographie captivante. Historien très présent dans les études transatlantiques, son ouvrage fait suite à un article publié en 2011 dans la revue History of Science, dans lequel il étudie particulièrement le recueil d’espèces sous-marines[1]. La monographie dont il est ici question couvre tout le processus : de la collecte, au transport, à la classification et à l’exposition des spécimens ; le tout replacé dans le contexte politique, religieux, impérial et social de la fin du 17e siècle au début du 18e.
Delbourgo base son étude sur Hans Sloane (1660–1753), médecin, naturaliste et grand collectionneur britannique : très populaire de ses contemporains, mais longtemps ignoré des historiens des sciences. Les dernières biographies sur le personnage remontent aux années 1950, ce qui rend l’ouvrage d’autant plus utile que ses ambitions dépassent le simple récit biographique.
Le choix de Sloane pour une telle mission se veut tout à fait pertinent puisque cet homme connaît une réussite professionnelle admirable et parvient, malgré sa naissance modeste, à se placer au centre de réseaux de correspondances et d’influences tout à fait remarquables. Le résultat d’une telle sociabilité est la collection la plus imposante rassemblée par un individu au 18e siècle qui sera à l’origine du British Museum.
La trame biographique suggère une division chrono-thématique de l’ouvrage, commençant par une partie, en 3 chapitres, sur Sloane comme un naturaliste « acteur ». Delbourgo commence par offrir une contextualisation de l’Irlande du Nord où naît Sloane en 1660, puis il s’intéresse aux différentes influences qui ont pu forger le jeune homme avant son départ pour la Jamaïque, en tant que médecin personnel du gouverneur de la colonie, Christopher Monck, le duc d’Albermarle[2]. Sur place, il continue d’élaborer ses réseaux auprès des propriétaires de plantations pour se déplacer et découvrir l’île et utilise l’aide des populations esclaves pour collecter les spécimens sur ce territoire colonial.
L’auteur développe par la suite des aspects plus pratiques en décrivant le processus de conservation, d’illustration et de transport des spécimens. Delbourgo rappelle donc la perspective transatlantique de ce processus entre la collection sur place et les recherches effectuées sur le vieux continent.
La seconde partie se concentre davantage sur Sloane « le collectionneur ». À l’image du premier chapitre, le chapitre 4 propose une contextualisation de l’Angleterre dans laquelle Sloane entreprend une ascension sociale fulgurante. Il se marie à une riche veuve et se créer une clientèle de renom lui permettant d’amasser une imposante fortune. Son influence lui permet d’être élu secrétaire de la Royal Society en 1693, le consacrant tel un « trafiquant de nouvelles scientifiques. »[3]
L’auteur nous plonge, par la suite, au coeur des réseaux de correspondances et les manières dont Sloane opère pour construire sa fabuleuse collection transcontinentale sans quitter l’Angleterre. S’il utilise les réseaux coloniaux et le patronage d’expéditions scientifiques pour rapatrier des espèces des Amériques, l’épreuve se veut plus ardue avec l’Orient. Il sécurise des relations avec la Compagnie des Indes orientales, ignore les conflits religieux existants pour s’assurer une pénétration en Chine par la présence jésuite et commissionne également des personnages tout à fait inhabituels tels que le pirate William Dampier, premier voyageur à décrire des espèces venant du Panama ou d’Australie.
Suivant la logique de la première partie, le chapitre 6 s’intéresse au traitement des espèces après leur collection, soit leur organisation au sein du cabinet et leur classification. La position de Sloane comme responsable de la revue Philosophical transaction, lui confère des opportunités uniques pour diffuser ses propres recherches et mettre en avant les meilleures pièces de sa collection.
Le dernier chapitre concerne le devenir de la collection après la mort de Sloane en 1753. Son testament se présente sous forme d’ultimatum, laissant au parlement britannique un an pour acquérir sa collection au prix du quart de sa valeur dans le but de créer un musée gratuit et ouvert à tous. Dans le cas contraire, elle sera proposée à d’autres académies européennes. Comptant sur le patriotisme des parlementaires, ses conditions sont acceptées le 7 juin 1753 avant une ouverture 5 ans et demi plus tard. Si les remaniements du musée au cours du 19e siècle éclipsent les objets et le nom de Sloane, son idée de dédier un lieu « à l’amélioration de la connaissance et de l’information de toutes personnes » perdure à travers les âges[4].
Ce livre est tout à fait passionnant et la contextualisation systématique des différentes aires géographiques abordées rend sa lecture particulièrement aisée. Se basant sur une quantité astronomique de correspondances, il permet au lecteur d’imaginer sans difficulté la forme de ces échanges si précieux. Les ouvrages sur la transmission du savoir se concentrant majoritairement sur les aspects transnationaux ou transatlantiques, il est particulièrement innovant de se centrer sur un seul personnage pour comprendre de manière très concrète la mise en place de réseaux à l’échelle mondiale. Si l’on peut regretter le manque d’une conclusion significative, les sublimes illustrations qui agrémentent l’ouvrage ne rendront le voyage que plus agréable.
Appendices
Notes
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[1]
James Delbourgo, « Divers things: collecting the world under water », History of science, vol. 49 (2011), pp. 149–185.
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[2]
Cela représente une bonne opportunité car rares sont les naturalistes qui voyagent si loin au 17e siècle, il apparaît donc comme un correspondant de choix auprès de ses homologues botanistes.
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[3]
James Delbourgo, Collecting the World: Hans Sloane and the Origins of the British Museum, Cambridge, Harvard University Press, 2017, p. 159
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[4]
Ibid. p. 311