Abstracts
Résumé
L’Austrasie est une échelle régionale pour l’historien du haut Moyen Âge. Or, ce royaume du Nord-Est de la Gaule issu des partages et des conflits qui suivirent la mort de Clovis († 511) est très fuyant tant dans les sources que dans ses limites changeantes. En lien avec l’épiscopat franc, qui, tout comme l’élite aristocratique, serait le liant principal de cet espace éphémère, cette contribution propose un bilan historiographique ainsi que des pistes de recherche.
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Bien que l’échelle chronologique choisie pour notre sujet de thèse relatif à la construction de la figure épiscopale et sa mise en mémoire dans l’espace austrasien entre l’époque mérovingienne et carolingienne pourrait à elle seule faire l’objet d’une contribution distincte pour ce numéro consacré aux échelles en histoire—car ces deux époques ne sont que trop rarement prises en compte conjointement dans l’historiographie—nous avons préféré aborder la question de l’épiscopat alto médiéval en regard d’une problématique régionale singulière : l’Austrasie. Cette région située grosso modo entre la Moselle, la Meuse et le Rhin est un royaume du Nord-Est de la Gaule issu des partages successifs suivant la mort de Clovis († 511).
Le choix de réaliser un article propre à ce territoire, à cette échelle géographique distincte, à cet espace vécu[1], s’est imposé rapidement pour diverses raisons qui constitueront l’arrière-plan de notre exposé. Comme nous l’évoquerons plus en détails ci-après, les contributions scientifiques à l’égard de l’Austrasie se font rares dans l’historiographie médiévale. En effet, l’Austrasie s’est rapidement effacée vis-à-vis du royaume, puis de l’Empire franc qui l’englobèrent. Par après, la Lotharingie, qui se dressa sur cet espace à la suite du Traité de Verdun de 843, permit au processus de damnatio memoriae[2] de poursuivre sa progression au sein de la mémoire collective, historiographie comprise. Le nom Austrasie tomba en désuétude pour n’être ravivé qu’à de rares occasions. Lorsque nous débutions la rédaction de notre exposé, ce sujet nous apparaissait comme étant à nouveau d’une brulante actualité, puisque le 1er janvier 2016, la France entama un redécoupage régional et une consultation populaire afin de choisir les nouvelles appellations pour ces espaces récemment créés. Ainsi, pour l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine nouvellement rassemblées, le référendum proposa aux citoyens, parmi plusieurs dénominations sorties presque ex nihilo par un « comité d’experts », celle de Nouvelle-Austrasie pour désigner cet espace qui doit dorénavant être désigné en tant que « Grand-Est »[3].
Soulignons aussi le fait que l’étude des sociétés inscrites au sein d’un espace occasionne des nombreux travaux et rencontres que l’on retrouve généralement sous diverses appellations et méthodes : géohistoire, spatialisation, espace du vécu, etc. Comme le rappellent si bien Stéphane Boisselier et Nathalie Boloux « à l’image de toute la médiévistique, écartelée entre archéologie et approche de « l’idéel » et oubliant de ce fait le lien social, ces travaux négligent l’immense majorité des sources médiévales »[4].
Dès lors, après un bilan historiographique, nous reviendrons plus précisément sur l’Austrasie en elle-même, cette échelle dont une spécificité—non surprenante—réside aussi dans le fait que ses frontières furent sans cesse fluctuantes durant sa courte existence, englobant parfois des espaces situés bien loin de son « centre de gravité » habituel. Ainsi, spatialiser le royaume d’Austrasie représente un défi pour l’historien. Plus qu’une simple réalité géographique, l’Austrasie existerait surtout par et pour les hommes qui la forment, qui la vivent et qui la pensent tant par « l’imaginaire » que par les discours[5].
Enfin, nous proposerons quelques pistes confrontant cette échelle à notre objet d’étude principal—l’épiscopat franc—afin de tenter de mesurer l’impact que peut avoir cette échelle spatiale sur notre objet historique. Nous tenterons in fine d’apporter quelques réponses et hypothèses aux questionnements suivants : dans quelles mesures cette échelle singulière et inusitée permettrait de poser un regard novateur sur l’épiscopat franc ? Comment cette recherche propre à l’épiscopat prendrait-t-elle davantage de sens à travers l’échelle austrasienne ? Comment l’étude de l’épiscopat permettrait-elle d’atteindre la réalité du royaume austrasien ? L’épiscopat franc aurait-il été un des liants de cet espace oublié ?
Un bilan historiographique paradoxal : analyse et commentaires
L’histoire des lieux de mémoires et des regna—exception faite de l’Austrasie, qui, paradoxalement, a peu retenu l’attention—ont souvent fait l’objet d’une recherche poussée[6]. Avant les années 2000, l’Austrasie ne semblait pas être un topos de la mémoire collective. Il s’agirait plutôt d’un lieu de mémoire oublié, récemment ravivé.
Jusqu’il y a peu, le royaume des Austrasiens n’a que très peu attiré l’attention du public et des chercheurs contrairement aux autres royaumes mérovingiens. En effet, la Neustrie, l’autre grand royaume mérovingien fréquemment opposé aux contrées austrasiennes, a fait l’objet, quant à lui, de grandes rencontres universitaires ; notamment l’incontournable colloque international de Rouen du mois d’octobre 1985[7].
Le royaume des Burgondes fut régulièrement le sujet de divers colloques et journées d’étude ; ce fut encore le cas à Besançon en octobre 2014[8]. L’Austrasie n’a pas fait l’objet d’autant d’attention avant les années 2000, ce qui est paradoxal lorsque l’on sait que la lignée des Pippinides, ancêtres de la dynastie carolingienne, émergea de ces contrées à partir du VIIe siècle. Région totalement ignorée ou presque, les rencontres propres à l’Austrasie se firent exceptionnelles.
Outre quelques travaux[9], parmi les rares rendez-vous scientifiques, nous devons mentionner les journées internationales d’archéologie mérovingienne de Nancy en septembre 2005[10].
En septembre 2015, dans une perspective interdisciplinaire, se tint la rencontre internationale de Saint-Dizier et de Reims où une trentaine de contributions ont été proposées en vue de redorer le blason de ce royaume oublié[11]. Le principal objectif de cette rencontre était de déterminer ce qu’est véritablement l’Austrasie et de cerner quel est notre point de vue actuel sur ce qu’a pu être le royaume austrasien. Les conclusions de ce colloque auquel nous avons assisté furent d’ailleurs très nourrissantes pour notre propre réflexion en lien avec l’épiscopat franc, lequel, tout comme les autres membres de l’aristocratie franque, c’est-à-dire l’élite laïque ou plutôt les pairs, formerait le véritable liant de cet espace fuyant.
Enfin, mise à jour nécessaire pour la publication de ce numéro spécial, soulignons le fait qu’une exposition, résultant de quinze années de recherche, se tient en ce moment à Saint-Dizier (Haute-Marne) où l’Austrasie, le royaume mérovingien oublié, refait à nouveau surface : du 16 septembre 2016 jusqu’au 26 mars 2017 dans les salles de l’Espace Camille Claudel et, ensuite, au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye[12]. Pour l’occasion un ouvrage relatif à l’exposition de belle facture fut publié[13].
En guise de commentaires et éclaircissements, nous pourrions expliquer ce phénomène mémoriel—le fait que l’Austrasie fut longtemps négligée, voire même totalement oubliée—par l’incontestable succès de ses élites, celui des Pippinides, qui n’ont que trop bien réussi leur ascension en réalisant l’unification du royaume franc. Cette même fusion en un royaume et, puis, en un Empire franc unifié sous l’égide des Carolingiens fit disparaitre à jamais ce territoire qui perdit peu à peu sa pertinence politique au gré des conquêtes et assimilations successives menées par les Carolingiens, mais aussi (et surtout) en raison des remaniements historiques et sélections entamés par les Carolingiens pour légitimer leur dynastie.
Nous pouvons autant expliquer cette disparition mémorielle par la création de la Lotharingie[14] issue de la partition de l’Empire en 843 ou encore par la spatialisation fuyante du royaume d’Austrasie, car « c’est par l’espace, c’est dans l’espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisées par de longs séjours. L’inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles, d’autant plus solides qu’ils sont mieux spatialisés »[15].
Comme nous l’avons déjà mentionné, une possible raison du manque d’intérêt des scientifiques pour cet espace viendrait peut-être du changement constant de ses frontières. Ces mêmes limites sont difficiles à identifier en raison de leur absence dans la documentation. En effet, au gré des changements, des conquêtes et des partages successifs, ces frontières sont devenues bien trop rapidement désuètes pour être consignées et, surtout, conservées par la suite dans les écrits. Le royaume austrasien aurait en effet cumulé près de 620 000 km² si nous prenons en considération l’ensemble de ses zones, même les plus australes comme le sud-ouest du Massif central avec les villes de Cahors et Clermont ou encore une partie de la Provence[16].
Outre les partitions traditionnelles du royaume franc qui complexifient considérablement la tâche du chercheur désireux de spatialiser un tel espace, nous pouvons sans hésitation expliquer le manque d’attrait pour l’Austrasie en raison de son éclatement entre différents pays actuels : ce territoire se trouve aujourd’hui partagé entre l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse.
Enfin, les traditions historiographiques ont parfois du mal à coopérer alors qu’en même temps la matière propre à l’espace austrasien se trouve elle-même dispersée entre les disciplines. En effet, bien que les sources relatives à l’Austrasie soient peu fréquentes, l’histoire de cet espace se trouve à la croisée de l’histoire, de l’histoire des idées, de la littérature, de la philologie et, bien évidemment, de l’archéologie. Or, comme le rappelait en septembre 2015 Bruno Dumézil, il ne serait pas inopportun d’affirmer que les rencontres interdisciplinaires sont parfois rares et relèvent d’un exercice plutôt périlleux, et ce, même si le phénomène tend enfin à vouloir se répandre[17].
Austrasie ? Un espace fuyant
Le terme même d’Austrasie apparait à la fin du VIe siècle chez Grégoire de Tours, dans ses Histoires, sans jamais y être explicité. À la fin du quatorzième chapitre de son cinquième livre, l’évêque tourangeau mentionne presque fortuitement au sein d’un paragraphe que les Austrasiens (Asutrasii) ont refusé en 576 d’accueillir Mérovée, un prince neustrien[18].
Le terme Austrasie (Austria), quant à lui, se manifeste encore plus rarement. C’est notamment le cas dans le livre relatif aux miracles et vertus de saint Martin où le mot fait son apparition[19].
Le territoire austrasien semble réellement exister, mais n’apparait dans les sources qu’à la fin du VIe siècle. Il est par contre impossible de savoir quand ce terme a été forgé. Il semblerait néanmoins qu’il désigne une réalité antérieure et bien ancrée lorsqu’il est employé par Grégoire de Tours au VIe siècle. Dans les textes, d’autres termes, plus vagues, sont utilisés pour indiquer cet espace tel que le royaume du roi Thierry dans des circonstances plutôt politiques, tandis que Belgique ou Germanie sont employés lorsque les contemporains recouraient davantage à l’imagination, aux représentations et à la poésie.
Le terme Austrasie désignait, semble-t-il, essentiellement les territoires issus de sa partie cisrhénane sise entre la Moselle, la Meuse et le Rhin qui correspondaient grosso modo aux anciennes provinces romaines de Belgique I et II (en partie pour cette dernière), de Germanie I et II. Le terme disparait au milieu du VIIIe siècle après l’accès au pouvoir en 751 de la dynastie des Pippinides et sa légitimation par l’onction du pape Etienne II en 754[20]. Dès lors, l’Austrasie s’éclipsa des sources et fut employée comme un archaïsme dans les textes carolingiens. Ultérieurement, elle fut même remplacée par une autre terminologie, la Lotharingie, qui désignait un espace similaire et aussi, par effacement et substitution d’une autre réalité, condamna l’Austrasie à une damnatio memoriae. L’Austrasie est donc un terme fugace dont la réalité historique semble bien succincte. Nonobstant ce constat, le colloque de septembre 2015 a pu démontrer que l’Austrasie, existe avant tout par et à travers les Austrasii : un réseau d’hommes prêtant serment au roi d’Austrasie. Cet espace serait avant tout une somme de rapports personnels, de fidélités, de droits et de devoirs, mais aussi une réalité fiscale. Elle serait une somme de familles très interconnectées, parmi lesquelles les Pippinides se démarquèrent. Ces familles formeraient le véritable liant d’un territoire changeant au gré du temps et, surtout, des conquêtes et conflits internes.
Ainsi, l’Austrasie, véritable espace vécu, est une construction politique progressive, un royaume qui se situe à l’est du monde franc, parfois également en Auvergne ou encore un peu plus au septentrion de la Gaule. Malgré ses frontières changeantes, elle reste animée par certaines permanences, notamment à travers ses diocèses. Une approche territoriale de ce royaume aux contours incertains peut néanmoins être réalisée. En effet, dès la fin du IVe siècle, les anciennes provinces romaines de Belgique seconde et les deux provinces de Germanie ont été fortement perturbées tant par les invasions extérieures que par les troubles internes. Comme Bruno Dumézil le souligne dans ses propos introductifs, « ces contrées connurent une installation précoce de « barbares », mais surtout une transformation rapide de ses élites locales. Au sein de ce terroir, des identités nouvelles et fusionnelles ont pu voir le jour et des logiques territoriales ont pu se substituer à l’ancien cadre impérial »[21]. Ensuite, entre 511 et 717, malgré de nombreuses péripéties, l’est du royaume franc connut une unité politique forte faisant de ce royaume l’une des entités les plus influentes. À la suite de Thierry Ier, fils ainé de Clovis, une série de rois a pu maintenir sa domination presque constamment sur l’est du monde franc et procéder à des accroissements progressifs. De plus, cette contrée disparait parfois lorsque le royaume franc est unifié, comme ce fut le cas sous le règne de Clotaire II à partir de 613 ou sous celui de son fils Dagobert Ier de 623 à 632. Dès lors, réaliser la cartographie d’un tel espace fluctuant est une opération des plus délicate, puisqu’il est le résultat de l’agglomération de différents terroirs aux contours flous et mouvants. C’est pourtant ce qu’a pu réaliser Thomas Lienhard et son équipe en 2012 dans le cadre de l’entreprise Production d’une cartographie des mondes médiévaux mise en ligne sur Ménestrel[22].
Enfin, ajoutons que l’identité de l’Austrasie existe aussi et, surtout, parce qu’il y a des espaces extérieurs avec lesquels elle entre en échange et avec lesquels il y a des conflits : la Neustrie, l’Aquitaine ou encore la Bourgogne. Ainsi, l’Austrasie existe dans les sources à travers quelques rares apparitions, néanmoins la définir reste un tout autre exercice.
Penser l’épiscopat du haut Moyen Âge en regard de l’Austrasie
Selon Michel Grossetti, les échelles qui définissent les différents niveaux d’analyse peuvent être employées pour qualifier les niveaux d’action. « On considère alors que les niveaux d’action ne sont pas différents seulement dans l’oeil de l’observateur mais aussi dans la réalité sociale elle-même. Cela signifie que les échelles ne sont pas réservées à la définition des opérations cognitives. Elles permettent aussi de caractériser des actions ou des formes sociales »[23]. Cette qualification passe nécessairement par les discours car les territoires sont essentiellement des circonscriptions issues d’une volonté politique.
En variant les échelles (surtout locale et régionale), le colloque Le lexique du territoire et la nomination des lieux dans les oeuvres savantes et les sources documentaires, en latin, langues romanes et arabe organisé par le CESM à Poitiers les 9 et 10 décembre derniers avait pour dessein de croiser la documentation—les sources—avec une approche qui étudie les « conceptions » de l’espace à travers le vocabulaire [24].
Ainsi, pour le haut Moyen Âge, outre le souverain, chaque évêque était responsable de sa parochia, c’est-à-dire de son diocèse et de sa cité, la civitas, au sein du royaume tandis que Rome possédait davantage une forme de prestige spirituel qu’un réel contrôle des églises locales[25]. Fréquemment, lorsque le cadre géographique du diocèse est envisagé, les délimitations des provinces tardo-antique sont employées par confort par les chercheurs dans la description des délimitations des évêchés et des royaumes en raison d’une stabilité apparente de leurs limites. Comme pour l’Austrasie, cette continuité doit cependant être nuancée, puisque les premiers pouillés conservés pour les diocèses proviennent généralement du bas Moyen Âge. Un seul document, souvent maladroitement employé, a longtemps servi comme étant révélateur de la configuration des diocèses et de leur permanence tout au long de la période mérovingienne et carolingienne. Il s’agit de la Noticia provinciarium et civitatum Galliae, véritable inventaire des cités gallo-romaines, qui date de la fin du IVe ou du début du Ve siècle et fut dressée par l’administration de l’Empire. Cette source apporte quelques précisions approximatives sur les délimitations des civitates de la Gaule. Les renseignements sont peu éloquents pour les siècles qui nous préoccupent et, en supposant qu’il y ait eu une certaine stabilité de ces délimitations depuis le haut Empire romain selon un principe de continuité bien trop souvent admis, seuls des contours très généraux du diocèse peuvent être réellement considérés. En effet, même si ces délimitations constituent des repères utiles, il est important de mentionner que les diocèses ne conservent pas toujours les cités romaines de leur fondation et ne coïncident que tardivement avec des territoires bien arrêtés[26].
Le dernier ouvrage de Florian Mazel atteste bien de ce problème. Nous devons nuancer ce semblant de continuité et l’affirmation selon laquelle les circonscriptions religieuses connaissent une grande pérennité vis-à-vis d’autres entités civiles plus exposées aux changements[27]. Attentifs aux diverses constructions et reconfigurations territoriales, ainsi qu’aux pratiques socio-spatiales propres à une identité, l’approche de Florian Mazel prend directement place dans une historiographie qui s’emploie de plus en plus à considérer le diocèse comme un lieu où les représentations, la mémoire, les pratiques et les pouvoirs peuvent être spatialisés[28].
Le terme même de « territoire » témoigne néanmoins de la forte organisation de l’espace dès l’Antiquité. Comme évoqué précédemment, ce territoire est directement ancré sur les cités (civitas) et géré par une autorité publique. Les Romains considéraient le territoire—un terme provenant du mot « effrayer », terrere en latin—comme étant « l’espace de la cité sur lequel les magistrats étaient en droit d’exercer la terreur au nom de l’intérêt public »[29]. Pour les siècles nous concernant, cette autorité n’est autre qu’entre les mains de l’évêque qui administre son diocèse et maitrise un espace dont il est le responsable aux yeux du souverain qui le désigne dans ses fonctions et même, aux yeux de Dieu, dans une perspective eschatologique. L’évêque devait y propager et contrôler la foi de ses ouailles, notamment en centralisant et en divulguant l’information. Ces relations sociales et spirituelles s’accompagnaient de prise de décisions, de rationalisations, de contrôles et d’une administration qui se voulait être la plus efficace possible, accompagnée d’une hiérarchie bien établie : les prêtres au sein des paroisses et les évêques à la tête de ces derniers. Ils avaient un ensemble de pouvoirs et de compétences, pouvant même aller jusqu’au contrôle et la frappe de la monnaie, comme le faisait l’évêque Eloi de Noyon († 660)[30], lesquelles étaient cumulées et concentrées dans les mains d’un seul homme : l’évêque. Il s’agit d’un pouvoir considérable qui pouvait attiser bien des jalousies et même conduire à des évictions politiques. Le nombre d’assassinats politiques des VIe et VIIe siècle peut en être la preuve, notamment dans les sombres années de la guerre civile franque. Les cas sont bien documentés, notamment grâce aux hagiographies[31]. Comme exemple de cette rude compétition, mentionnons le cas de saint Lambert, évêque de Tongres-Maastricht, assassiné dans sa villa de Liège un 17 septembre vers 705 par Dodon dans le contexte d’une opposition entre deux clans[32].
En outre, en lien avec le concept de topolignée développé par Anita Guerreau-Jalabert s’intéressant à l’ancrage de liens de parenté dans l’espace[33], indiquons d’emblée que les Chrodoïnides, les Pippinides ou encore les Robertiens furent des clans aristocratiques bien implantés en Austrasie. Leurs ambitions politiques sont observables dès le VIIe siècles pour l’occupation de la mairie du Palais ou d’autres postes de l’administration du royaume franc, ils pouvaient envisager de pourvoir leur famille en sièges épiscopaux. Plusieurs de ces évêques furent canonisés à la suite de leur décès, ce qui faisait de ces clans ce que l’on peut appeler une famille sacerdotale[34]. De nombreux évêques provenaient d’une aristocratie en quête d’emprise sur un territoire par le biais de l’épiscopat ; une fonction plus difficilement révocable qu’une charge administrative laïque. Ce phénomène peut être visible dans les dynasties épiscopales que constituèrent certains clans/familles sacerdotales, comme celui de Lambert qui contrôla la Meuse, Maastricht et ses environs, ou encore le cas de Nantes avec Eumerius († post. 14 mai 541), Félix († 6/8 janvier 583) et Nonnechius († post. 591), ou bien le célèbre cas des Liudgerides pour Münster et Halberstadt. Nous pouvons également supputer la présence du clan de Lambert ou, autrement dit, des Lambertides-Hugobertides en Auvergne avec le siège épiscopal de Clermont. En effet, la mention d’un évêque du nom de Nordebertus au début du VIIIe siècle sur ce siège épiscopal interpelle. Cet évêque fut placé par les Pippinides à la suite des derniers évêques à être sanctifiés, Avit II (676-690) et Bonnet (690—?), deux frères issus de la famille des Syagrii ou plus exactement des Avit-Apollinaire, également connus pour leur proximité avec les Pippinides alors que l’Auvergne était sous influence austrasienne. L’épiscopat franc serait donc un des liants possibles de l’espace oublié que fut l’Austrasie. Si ces exemples ne suffisent pas, ajoutons le cas d’Arnoul de Metz († 640)[35]. Issu d’une famille aristocratique, il fut éduqué par le maire du palais de Théodebert, Gundulfus, et élevé à la cour du roi d’Austrasie en tant que nutriti, puis domesticus. Soutenu par le maire du palais Gundulfus, il fut conseiller du roi. Il devint évêque de Metz en 614 tout en gardant ses charges civiles. Cette promotion au siège épiscopal messin n’est pas anodine puisqu’elle correspond à l’époque où Clotaire II évince la reine Brunehaut pour contrôler le royaume d’Austrasie avec le soutien de plusieurs familles austrasiennes parmi lesquelles nous retrouvons Arnoul. Ensuite, en 614, Clotaire II promulgue un édit garantissant la nomination des dirigeants dans leur région d’origine et convoque par la même occasion un concile. À l’issue de ce dernier, le roi affirme son autorité sur l’épiscopat et nomme Arnoul évêque, vraisemblablement en raison de son appui et de son aide lors du conflit. En 623, Clotaire II confia à Arnoul l’éducation de son fils Dagobert Ier qui devint pour l’occasion roi d’Austrasie afin de satisfaire le particularisme de ce royaume. Avec Pépin de Landen, le maire du palais d’Austrasie, Arnoul était alors au summum de sa carrière et fut l’un des grands hommes du VIIe siècle. Qui plus est, si l’on en croit Paul Diacre, rédacteur des célèbres Gesta episcoporum Mettensium, le fils d’Arnoul Ansegise aurait épousé Begge la fille de Pépin de Landen et d’Itte. Cette union ferait d’Arnoul un ancêtre des Carolingiens. Dans cette même optique, il n’est d’ailleurs pas surprenant de voir Carloman, fils de Charles Martel, élever les reliques de l’évêque Hubert († 30 mai 727) le 3 novembre 743 à Liège[36]. Le clan des Pippinides n’hésiterait pas à se doter d’une certaine aura de sainteté par l’intermédiaire d’une parenté d’évêques et de saints (Arnoul, Gertrude, Hubert, Lambert, etc.).
Ajoutons que pour une approche de l’Austrasie à travers l’épiscopat, outre la présence des évêques austrasiens au côté du souverain dans une cour itinérante, nous pouvons fixer toutefois leur présence dans les sièges dont ils avaient la charge. Ces civitas furent établies dans d’importantes agglomérations antiques au sein de territoires romanisés et christianisés depuis les IVe-Ve siècles. Pour l’Austrasie, nous comptabilisons Metz, Toul, Trêves et Verdun en Belgique I, Châlons-en-Champagne et Reims en Belgique II, Mayence, Spire, Strasbourg et Worms pour la Germanie I, Cologne et Tongres-Maastricht pour la Germani II ainsi que les civitas de Cahors, Clermont, Limoges, Marseille, Poitiers et Tours depuis les extensions de l’Austrasie du VIe siècle en dehors du noyau originel de cet espace centré autour des axes sacrés[37] que constituent la Moselle, de la Meuse et du Rhin[38]. Il s’agit d’un territoire que les sources hagiographiques n’hésitent pas à spatialiser en vue d’ancrer durablement un culte dans la mémoire[39].
Alors que l’histoire l’Austrasie—nous l’avons vu—a peu retenu l’attention, par le biais de l’étude des mentalités, des scientifiques cherchent à spatialiser à nouveau l’histoire en s’intéressant aux représentations et à la cohérence d’espaces aux frontières fluctuantes et incertaines tels que la Lotharingie[40]. Ceux-ci postulent le partage d’une identité en un espace donné. Cette conscience commune serait véhiculée par les discours sur le long terme[41] ou actualisée à l’occasion par le pouvoir et les familles en place[42]. La conscience est exprimée à travers le territoire, lequel induit des pratiques sociales et des sentiments d’appartenances. L’analyse des traditions manuscrites et de lieux ou espaces de production des textes en serait d’ailleurs révélatrice[43]. Dans cette optique, pour notre projet de thèse, nous nous intéressons aux manipulations dictées et aux mutations successives des textes qui participent à la construction de la figure épiscopale, de sa sainteté et de sa mise en mémoire en Austrasie. Ces textes sont étudiés entre l’époque mérovingienne et carolingienne dans l’optique de déceler les revendications émanant d’une situation et d’un contexte distinct. Dans Wissen über Bischöfe[44], Steffen Patzold affirme notamment que les Carolingiens figèrent l’épiscopat et transformèrent la perméabilité et l’influence existante entre les différents modèles de vies de saints (ce que l’on peut désigner par typologie des saints : moines, prêtres, ascètes, etc.)[45]. Notre projet de thèse, quant à lui, propose de voir pour la période antérieure si l’implication de l’épiscopat ne transforme justement pas, peu à peu, ce point de vue. Aussi, les guerres civiles qui opposèrent les successeurs de Clovis, la stabilisation de la géographie politique franque qui fait suite au long règne de la reine Brunehaut, les réunifications rares du royaume sous les règnes de Clotaire II et de Dagobert Ier ou encore la montée des Pippinides au pouvoir et, entre autres, le contexte entourant la figure de Charles Martel et son épiscopat, pourraient également modifier considérablement cette opinion. L’étude de l’épiscopat à l’échelle austrasienne prendrait ici tout son sens.
Pour ce faire, l’historien aurait tout à gagner à se pencher sur l’épiscopat et sur le culte des saints, sur son utilisation politique et religieuse[46] ainsi que sur l’analyse des sources hagiographiques comme étant un paramètre de représentations collectives partagées[47]. Promouvant les cultes, l’autorité épiscopale et son dynamisme ferait d’ailleurs la différence dans ce processus de construction identitaire présent dans la mémoire collective qui peut être à l’origine de stratégies de distinction[48]. Mis à part l’article d’André Vauchez[49], encore aucune étude sérieuse ne tisse de réels liens entre l’utilisation politique et religieuse de l’épiscopat, d’une part, et le culte des saints, de l’autre[50].
En outre, l’Austrasie nous sert aussi de grille de lecture pour aborder cette approche sise entre histoire politique et hagiographique. Elle nous permet aussi de réduire raisonnablement le corpus de sources de notre projet de thèse. Il faut savoir que pour le Moyen Âge seul l’on comptabilise 1162 saints munis d’un document hagiographique dans la BHL des Bollandistes (les saints étrangers non gaulois dont un culte est présent en Gaule ne sont d’ailleurs par compris dans ce total). Il s’agit d’une somme considérable si l’on tient compte du fait que pour la seule période allant de 500 à 750, en somme la période mérovingienne, l’on comptabilise 509 saints dont une grande majorité d’évêques[51].
Enfin, si l’on en croit les auteurs précédemment mentionnés comme Schneider, la singularité de l’Austrasie serait surtout visible dans les textes narratifs, tels les hagiographies épiscopales, qui rendent compte d’une évolution de l’épiscopat et de la sainteté. Cette singularité serait palpable dans le fonctionnement de l’épiscopat—notamment dans les logiques territoriales autour d’un siège épiscopal, par le tissage d’un réseau de familles aristocratiques[52], par le biais des familles sacerdotales, par l’utilisation du sacré[53], des reliques[54], etc.—dans ses reprises (textuelles) et, surtout, dans sa représentation du territoire défini.
Les actes de conciles seraient tout aussi éclairants pour l’étude de l’épiscopat austrasien. En effet, l’absence ou la présence des évêques aux conciles organisés par les souverains francs peuvent être révélatrices de dynamiques spatiales. À titre d’exemple, l’absence des évêques austrasiens au concile national d’Orléans organisé par Clovis le 10 juillet 511 dénote particulièrement alors que ce type de réunion a une portée considérable sur l’organisation du royaume[55].
Pour ces raisons, il serait plus qu’intéressant de mener une étude comparative pour le processus de définition de la figure épiscopale dans l’espace, en regard des autres régions du royaume franc, notamment avec l’espace aquitain, bien étudié et documenté, ou encore le contexte bourguignon, avec le fameux martyrologue hiéronymien qui présente un calendrier universel de la sainteté où figure de nombreux évêques.
Nous pouvons également nous demander si, par une double fonction—politique et spirituelle—l’épiscopat, lorsqu’il est utilisé à dessein, peut créer une cohérence dans un espace qui se veut hétérogène comme l’Austrasie. Face aux multiples tensions en présence et aux aléas politiques tels que la guerre civile franque, l’épiscopat et la sainteté seraient vraisemblablement enrôlés au service du temporel. La quête et l’acquisition effrénée des reliques à cette période pour ancrer le culte d’un saint et son pèlerinage dans un espace donné en sont d’ailleurs une parfaite illustration, puisque ce procédé de mise en mémoire est l’occasion rêvée de développer à la fois le pouvoir et l’influence d’individus et d’institutions sur le temporel[56].
En définitive, hormis l’apport de l’échelle austrasienne à l’étude de l’épiscopat franc, nous avons tenté de démontrer—dans la mesure du possible—que l’épiscopat, par sa fonction, ses multiples interactions et son ancrage, serait un possible liant de l’espace vécu, pensé, rêvé et même oublié que fut l’Austrasie dont la réalité pourrait être mesurée à travers son organisation, par la prégnance de groupes sur cet espace, par le pouvoir, les discours et les représentations d’une institution ecclésiastique—l’épiscopat—et de ses acteurs principaux—les évêques.
Appendices
Notes
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[1]
Voir les deux excellents ouvrages suivants, La géographie au Moyen Âge : espaces pensés, espaces vécus, espaces rêvés. Actes du colloque organisé à Arras en 1998 par la Société de langue et de littérature médiévales d’oc et d’oïl, « Perspectives médiévales », supplément au n 24, 1998 ; Benoît Cursente et Mireille Mousnier, dir., Les Territoires du médiéviste, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005.
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[2]
Dans l’Antiquité, la damnatio memoriae ou ignominia post mortem est une décision politique qui condamne à un oubli perpétuel. Le terme doit être compris ici comme un effacement progressif du terme « Austrasie » au sein la mémoire collective et non comme la frénésie destructrice ou furor frappant le souvenir d’un condamné à une telle peine (voir notamment, Pline, Panégyrique, 52).
-
[3]
Le Monde, Nouvelle Austrasie, Rhin-Champagne ou Terres-du-Nord… les nouvelles régions se cherchent un nom, en ligne, http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/03/13/nouvelle-austrasie-rhin-champagne-ou-terres-du-nord-les-nouvelles-regions-se-cherchent-un-nom_4881982_823448.html (page consultée le 11 décembre 2016) ; Patrick Roger, Austrasie, Coeur d’Europe, Nord de France, ACAL : les nouvelles régions cherchent leur nom, en ligne, http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/01/08/les-nouvelles-regions-cherchent-leur- nom_4843678_823448.html (page consultée le 11 décembre 2016) ; M. C. et D. L. avec AFP., Grand Est plébiscité par 75 % des votants à la consultation citoyenne, en ligne, http://france3-regions.francetvinfo.fr/alsace/rhin-champagne-acalie-nouvelle-austrasie-ou-grand-est-reponse-lundi-966965.html (page consultée le 11 décembre 2016).
-
[4]
Stéphane Boissellier et Nathalie Boulloux, dir., Le lexique du territoire et la nomination des lieux dans les oeuvres savantes et les sources documentaires, en latin, langues romanes et arabe, Colloque, Poitiers, 9—10 décembre 2016, en ligne, https://rmblf.be/2016/11/29/colloque-le-lexique-du-territoire-et-la-nomination-des-lieux-dans-les-oeuvres-savantes-et-les-sources-documentaires-en-latin-langues-romanes-et-arabe (page consultée le 12 décembre 2016).
-
[5]
L’espace médiéval est loin des étendues homogènes et limitées. Stéphane Boissellier et Nathalie Boulloux, « Introduction », dans Id., dir., Les Territoires du médiéviste, p. 10.
-
[6]
L’Austrasie n’a pas retenu l’attention de l’ouvrage de Pierre Nora. Pierre Nora, dir., Les Lieux de mémoire, 7 vol., Paris, Gallimard, 1984-1992. Sur les regna et places de pouvoir, voir également, Hartmut Atsma, dir., La Neustrie : les pays du nord de la Loire de 650 à 850. Colloque historique international, 2.t., Sigmaringen, Jan Thorbecke, 1989 ; Mayke de Jong. et Frans C. W. J. Theuws, dir., Topographies of Power in the early Middle Ages, Leiden, Brill, 2001 ; Étienne François et Hagen Schulze, Deutsche Erinnerungsorte, Munich, CH Beck Verlag, 2001 ; Michel Parisse, Histoire de la Lorraine, Rennes, Éditions Ouest-France, 2005 ; Karl Ferdinand Werner, « Von den “Regna” des Frankenreichs zu den “deutschen Landen” », dans Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik, n°94 (1994), p. 69-81.
-
[7]
Hartmut Atsma, dir., La Neustrie…
-
[8]
Anne Wagner, Nicole Brocard, Alain Dubreucq et Jessika Nowak, org., Les royaumes de bourgogne jusque 1032 à travers la culture et la religion, Colloque international organisé par le Laboratoire des sciences historiques, Besançon, 2-4 octobre 2014.
-
[9]
Michèle Gaillard, « Quand Champagne et Lorraine ne faisaient qu’une, l’Austrasie mérovingienne », dans Annales de l’Est, série 6, n°59, numéro spécial (2009), p. 45-54 ; Alain Larcan, « Austrasie—Lotharingie—Lorraine ou France de l’Est ? », dans La Lorraine, la France, l’Europe, Paris, Éditions Messene, 1996, p. 7-30 ; Michel Parisse, Austrasie, Lotharingie, Lorraine, Nancy, Presses Universitaires de Nantes, Éditions Universitaires de Lorraine, 1990.
-
[10]
Jacques Guillaume et Édith Peytremann, dir., L’Austrasie. Sociétés, économies, territoires, christianisation. Actes des XXVIe Journées internationales d’archéologie mérovingienne, Nancy, 22-25 septembre 2005, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2008.
-
[11]
Bruno Dumézil, Sylvie Joye et Adrien Bayard, L’Austrasie. Pouvoirs, espaces et identités à la charnière de l’Antiquité et du Moyen Âge, Actes du colloque international de Saint-Dizier et de Reims, 9-12 septembre 2015 (en préparation).
-
[12]
Historia, Austrasie, le royaume oublié, en ligne, http://www.historia.fr/expositions/austrasie-le-royaume-oubli%C3%A9 (page consultée le 11 décembre 2016) ; Ville de Saint-Dizier, Austrasie, le royaume mérovingien oublié, en ligne, http://www.saint-dizier.fr/evenement/austrasie-le-royaume-merovingien-oublie-882.html (page consultée le 11 décembre 2016).
-
[13]
Virginie Dupuy, dir., Austrasie. Le royaume mérovingien oublié, Milan, Silvana Editoriale, 2016.
-
[14]
L’historiographie relative à l’Austrasie est sous-entendue par celle propre à la Lotharingie, Thomas Bauer, Lotharingien als historischer Raum. Raumbildung und Raumbewußtsein im Mittelalter, Cologne-Weimar-Vienne, Böhlau, 1997 ; Michel Parisse, Histoire de la Lorraine, Rennes, Éditions Ouest-France, 2005 ; Jean-Charles Picard, « L’Austrasie, entité géographique ou politique ? », dans Lorraine Mérovingienne, 1988, p. 13-21 ; Jens Schneider, « La Lotharingie était-elle une région historique ? », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, n°37 (2006), p. 425-433 ; Id., Auf der Suche nach dem verlorenen Reich. Lotharingien im 9. und 10. Jahrhundert, Cologne, Böhlau, 2010.
-
[15]
Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, 3e édition, Paris, Presses universitaires de France, 1961, p. 37.
-
[16]
Thomas Lienhard, « Partages mérovingiens et frontières de l’Austrasie », dans Virginie Dupuy, dir., Austrasie. Le royaume mérovingien oublié,p. 22-23.
-
[17]
L’ouvrage cité en première note est justement le fruit d’un tel travail qui se place justement dans cette perspective et qui propose pour la France méridionale et médiévale des grilles d’analyse et un protocole de travail.
-
[18]
Merovechus prope duos menses ad antedictam basilicam resedens, fugam iniit et ad Brunichildem reginam usque pervenit ; sed ab Austrasiis non est collectus. Grégoire de Tours, Historia Liber V, éd. par Bruno Krusch et Wilhelm Levison, dans Monumenta Germaniae Historica. Scriptores rerum Merovingicarum (MGH SS rer. Merov.), t. 1, pars. 1, Hanovre, 1951, p. 213.
-
[19]
[…] si aliquando ad basilicam beati Martini Turoni occurrissem. Dixi, quod, quomodo in Austria ambularem, sic ibi me praesentassem. Grégoire de Tours, Liber IV. de virtutibus sancti Martini episcopi, éd. par Bruno Krusch, dans MGH SS rer. Merov., t. 1, pars 2, Hanovre, 1885, p. 206.
-
[20]
L’accès au pouvoir des Pippinides fait suite au coup d’état de 751 organisé par Pépin III, dit le Bref qui évinça, avec l’appui du pape, le dernier roi de la dynastie mérovingienne. Toutefois, il ne put asseoir durablement sa lignée qu’à la suite de la disparition de Grifon et de Drogon. En 754, toujours en raison de ses relations diplomatiques avec l’évêque de Rome, Étienne II sacra par l’onction Pépin et ses deux fils, Carloman et Charles, le futur Charlemagne. Le pape y conféra à Pépin les titres de roi des Francs et de Patrice des Romains. Ce geste permit à Pépin de recevoir la soumission de ses derniers opposants. Florence Close, « Le sacre de Pépin de 751 ? Coulisses d’un coup d’État », dans Revue belge de philologie et d’histoire, t. 85, fasc. 3-4 (2007), p. 835-852.
-
[21]
Bruno Dumézil, Introduction, communication orale du mercredi 9 septembre 2015, dans Id., Sylvie Joye et Adrien Bayard, L’Austrasie. Pouvoirs, espaces et …
-
[22]
Ménéstrel, Production d’une cartographie des mondes médiévaux, en ligne, http://www.menestrel.fr/spip.php?rubrique1621&lang=fr (page consultée le 12 décembre 2016).
-
[23]
Michel Grossetti, « Trois échelles d’action et d’analyse. L’abstraction comme opérateur d’échelle », dans L’Année sociologique, vol. 56 (2006), p. 5.
-
[24]
Stéphane Boissellier et Nathalie Boulloux, dir., Le lexique du territoire et la nomination.
-
[25]
Le rôle pontifical est alors tout autre que celui rencontré à partir de Grégoire VII. Marie-Céline Isaïa, Histoire des Carolingiens, VIIIe-Xe siècle, Paris, Points, 2014, p. 55.
-
[26]
Nathanaël Nimmegeers, Évêques entre Bourgogne et Provence. La province ecclésiastique de Vienne au haut Moyen Âge (Ve-XIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 12. À ce sujet, cf. Florian Mazel, dir., L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’Occident médiéval (Ve-XIIIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
-
[27]
L’auteur postule d’ailleurs que le pouvoir épiscopal est à l’origine d’une souveraineté établie sur un rapport territorialisé. Id., L’évêque et le territoire. L’invention médiévale de l’espace (Ve-XIIIe siècle), Paris, Seuil, 2016, p. 15-30.
-
[28]
Dans cette perspective se tiendra entre le 15 et 16 juin 2017 à Saint-Flour un colloque relatifs aux nouveaux territoires diocésains de l’époque médiévale à nos jours. Outre les travaux de Florian Mazel voir, Gérald Chaix, Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs. France, XVe-XXe siècle, Paris, Cerf, 2002 ; Nathanaël Nimmegeers, Évêques entre Bourgogne et Provence, 2014 ; Anne Lunven, Du diocèse à la paroisse. Evêchés de Rennes, Dol et Alet/Saint-Malo (Ve-XIIIe siècle), Rennes, Presses universitaire de Rennes, 2014.
-
[29]
Benoît Cursente et Mireille Mousnier, « Introduction », dans Id. dir., Les Territoires du médiéviste, p. 9.
-
[30]
Outre ses capacités d’orfèvres, il fut le responsable des finances du roi Dagobert Ier. Vita Eligii episcopi Noviomagensi, éd. par Bruno Krusch, dans MGH, SS. rer Merov., t 4, Hanovre et Leipzig, 1902, p. 634-761, voir par exemple les chap. 3 (p. 671) et 5 (p. 672-673) du livre I.
-
[31]
L’apport de l’hagiographie est considérable pour l’étude de la société et de la culture du haut Moyen Âge. Guy Philippart, « L’hagiographie comme littérature : concept récent et nouveaux programmes ? », dans Revue des sciences humaines, vol. 251 (1998), p. 25.
-
[32]
D’après le texte, Pierre et Andolet, les neveux de l’évêque débutèrent le conflit en tuant Gall et Riold en raison de leur empiètement sur l’autorité et l’immunité épiscopale de Lambert. Tous deux étaient apparentés à l’administrateur du domaine royal Dodon. Lequel, résolu de se venger, attendit que l’évêque Lambert soit hors de sa cité épiscopale de Maastricht. Il s’agit d’un ancien oppidum romain, c’est-à-dire une cité fortifiée où la parentèle de l’évêque demeure présente à ses côtés en cas de nécessités comme celle de prendre les armes afin de défendre les biens d’une église qu’ils considèrent comme une pleine propriété. Vita prima Lamberti Leodiensis, éd. par Bruno Krusch, dans MGH, SS rer. Merov., t 6, Hannovre, 1913, p. 364-365.
-
[33]
Anita Guerreau-Jalabert, « La parenté dans l’Europe médiévale et moderne : à propos d’une synthèse récente », dans L’Homme, n 110 (avril-juin 1989), p. 69-93.
-
[34]
Pour paraphraser Paulin de Nole († 431) la notion de famille sacerdotale renvoie à Aaron qui a souhaité que ses fils remplissent la même charge que lui (Nb III, 10 ; Jos XVIII, 7 ; 1 Ch IX, 30 ; Ne XII, 12 et XII, 22 et Ac. IV, 6.). Au sein d’un poème célébrant le mariage de deux amis, Paulin de Nole leur souhaite d’avoir une famille sacerdotale. [...] uotorum prior hic gradus est, ut nescia carnis membra gerant ; quod si corpore congruerint, casta sacerdotale genus uentura propago, et domus Aron sit tota domus Memoris christorumque domus sit domus haec Memoris. Paulin de Nole, Carmen 25, dans Opéra, t II, Carmina, Indices et Addenda, éd. par Wilhelm von Hartel, dans Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, 30 (1894), rééd. et augm. par Margit Kamptner (1999), vers. 235-238, p. 245. Marie-Céline Isaïa rappelle que cette image de famille sacerdotale n’implique pas forcément le sacerdoce du père. Elle ajoute que « les familles d’évêques sont une norme souhaitable ». Marie-Céline Isaïa, Rémi de Reims, p. 48-49.
-
[35]
Vita Arnulfi, éd. par Bruno. Krusch, dans MGH, SS. rer. Merov., t. 2, Hanovre, 1888, p. 432-446. Sur Arnoul voir entre-autre, Corey M. Nason, « The Vita Sancti Arnulfi (BHL 689-692) : Its Place in the Liturgical Veneration of a Local Saint », dans Sacris Erudiri. A Journal of Late Antique and Medieval Christianity, vol. 54 (2015), p. 171-199 ; Gérard Nauroy, « La Vita anonyme de saint Arnoul et ses modèles antiques. La figure du saint évêque entre vérité historique et motifs hagiographiques », dans Mémoires de l’Académie Nationale de Metz, 138e année, série VII, t 15 (2003), p. 293-322 ; Id., « La Vita anonyme de saint Arnoul face à la tradition hagiographique antique », dans Id. et Mireille Chazan, Écrire l’histoire à Metz au Moyen Âge. Actes du colloque organisé par l’Université Paul-Verlaine de Metz, 23-25 avril 2009, Bern, 2011, p. 69-96 ; Monique Goullet, « Les saints du diocèse de Metz : Arnulfus » dans Ead. et Martin Heinzelmann, dir., SHG X-XII : dossiers des saints de Metz et Laon et de saint Saturnin de Toulouse, Paris, 2006, p. 212-234.
-
[36]
Vita prima sancti Hugberti, éd. par Wilhelm Levison, dans MGH., SS. rer Merov., t 6, Hanovre - Leipzig, 1913, chap. 18-20, p. 473, 493-495.
-
[37]
Sur la spatialisation du sacré, Barbara A. Hanawalt et Michal Kobialka, éd., Medieval Practices of Space, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2000.
-
[38]
Ce territoire avait une valeur supérieure par rapport aux autres terroirs annexés ensuite. Thomas Lienhard le compare à une relation que pouvait avoir une métropole vis-à-vis de ses colonies. Lors des partages du royaume austrasien, cette région faisait d’ailleurs l’objet de plus d’attention. Thomas Lienhard, « Partages mérovingiens et frontières de l’Austrasie », p. 23.
-
[39]
Les exemples sont nombreux, mentionnons ceux de la Vita Arnulfi, qui, outre les palais royaux, des villae, basiliques ou églises non identifiées ou encore un certain cours d’eau (cap. 24 p. 443), évoque avec bien plus de précision la cité épiscopale de Metz (cap. 7 p. 434, cap.10 p. 435, idemp. 436, cap. 14 p. 438, cap. 20 p. 440, cap. 23 p. 443, cap. 26 p. 444, cap. 28 p. 445) et de Tours (cap. 12 p. 436), Remiremont (cap. 22 p. 442 et c. 23 p. 442), le Chaumontois (c. 25 p. 443) les Vosges (cap. 9 p. 435, cap. 15 p. 438, cap. 19 p. 440) et la Moselle (addition de P. Diacrep. 434).
-
[40]
Frank Göttmann, « Über den Raums als Forschungsgegenstand und Forschungsansatz der Geschichte - ein Problem nicht nur der Landens—und der Regionalgeschiche », dans Ludger Grevelhörster et Wolfgang Maron, dir., Region und Gesellschaft im Deutschland des 19. und 20. Jahrhunderts. Mélanges K. Hüser, Paderborn, Paderborner Historische Forschungen, 1995, p. 42-63 ; Id., « Zur Bedeutung der Raumkategorie in der Regionalgeschichte », intervention lors du colloque Regionalgeschichte. Bestandsaufnahme und Perspektiven, Munster, 19 mars 2004.
-
[41]
Thomas Bauer, Lotharingien als historischer Raum. Raumbildung und Raumbewußtsein im Mittelalter, Cologne-Weimar-Vienne, Böhlau, 1997.
-
[42]
Jens Schneider, « La Lotharingie était-elle une région historique ? », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, n°37 (2006),p. 425-433 ; Id., Auf der Suche nach dem verlorenen Reich. Lotharingien im 9. und 10. Jahrhundert, Cologne, Böhlau, 2010.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Steffen Patzold, Episcopus. Wissen über Bischöfe im Frankenreich des späten 8. bis frühen 10. Jahrhunderts, Ostfildern, Thorbecke, 2008.
-
[45]
Pour une excellente introduction aux vies des saints, Walter Berschin, Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter, vol. 2, Merovingische Biographie. Italien, Spanien und die Inseln im frühen Mittelalter, Stuttgart, A. Hiersemann, 1988.
-
[46]
Brigitte Beaujard, Le culte des saints en Gaule. Les premiers temps. D’Hilaire de Poitiers à la fin du VIe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2000 ; Ead., « Le culte des évêques en Gaule au VIe siècle », dans Isabelle Cartron, Dany Barraud, Patrick Henriet et Anne Michel, éd., Autour de Saint-Seurin, lieu, mémoire, pouvoir. Des premiers temps chrétiens à la fin du Moyen Âge, actes du colloque de Bordeaux (12-14 octobre 2006), Bordeaux, Ausonius Éditions, 2009, p. 71-78 ; Martin Heinzelmann, « Die Funktion des Wunders in der spätantiken und frühmittelalterlichen Historiographie », dans Id., Klaus Herbers et Dieter R. Bauer, éd., Mirakel im Mittelalter : Konzeptionen, Erscheinungsformen, Deutungen, Stuttgart, Steiner, 2002, p. 23-61.
-
[47]
Peter Brown, Le Culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris, Éditions du Cerf, 1984 ; Thomas Bauer, Lotharingien als historischer Raum...; Martin Heinzelmann, « Sainteté, hagiographie et reliques en Gaule dans leurs contextes ecclésiologique et social », dans Lalies, n°24 (2004), p. 37-62 ; François Bougard F., Cristina La Rocca et Régine Le Jan, dir., Sauver son âme et se perpétuer. Transmission du patrimoine et mémoire au haut Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2005. Françoise Prévot, « L’utilisation de la mémoire du passé à travers quelques Vies de saint aquitains », dans Maurice Sartre et Claire Sotinel, dir., L’usage du passé entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge. Hommage à Brigitte Beaujard, Rennes, Presses universitaire de Rennes, 2008, p. 105-131 ; Marie-Céline Isaïa, Rémi de Reims. Mémoire d’un saint, histoire d’une Église, Paris, Éditions du Cerf, 2010.
-
[48]
Thomas Bauer T., Lotharingien als historischer Raum... ; Hans Hubert Anton, « “Bischofsherrschaften” und “Bischofsstaaten” in Spätantike und Frühmittelalter. Reflexionen zu ihrer Genese, Struktur und Typologie », dans Friedhelm Burgard, Christoph Cluse et Alfred Haverkamp, dir., Liber amicorum necnon et amicarum, FS Alfred Heit, Trèves, 1996, p. 461-473.
-
[49]
André Vauchez, « Le culte des saints et la construction d’une mémoire historique diocésaine : quelques exemples médiévaux », dans Luciano Vaccaro, dir., Storia della Chiesa in Europa tra ordinamento politico-amministrativo e strutture ecclesiatiche, Brescia, Morcelliana, 2005, p. 401-410.
-
[50]
Michèle Gaillard, Les évêques et le culte des saints du haut Moyen Âge (Ve-IXe siècle), allocution lors Colloque FRS-FNRS Translatio. Antiquité tardive—haut Moyen Âge, La fonction épiscopale dans l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge, Liège, Archéoforum de Liège, 16 février 2015.
-
[51]
Martin Heinzelmann., « L’hagiographie mérovingienne : panorama des documents potentiels », dans Monique Goullet, Martin Heinzelmann M. et Christiane Veyrard-Cosme, dir., L’hagiographie mérovingienne à travers ses réécritures, Ostfildern, Thorbecke, 2010, p. 27-82.
-
[52]
Voir, Isabelle Réal, Vies de saints et vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Turnhout, Éditions Brepols, 2001.
-
[53]
Pour le concept du sacré au haut Moyen Age, nous renvoyons au travail suivant qui propose une étude originale de ce concept en regard de celui de la compétition/coopétition, influencée notamment par des approches issues de l’anthropologie et principalement de la Game Theory (J.F. Nash). Philippe Depreux, François Bougard et Régine Le Jan., dir., Compétition et sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, Turnhout, Éditions Brepols, 2015.
-
[54]
Voir cette étude édifiante relative au développement du culte des reliques de la Vraie Croix, Stephan Borgehammar, How the Holy Cross Was Found. From Event to Medieval Legend, Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1991.
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[55]
Cette approche centrée sur les conciles devrait être systématisée et mériterait plus d’attention et de développement ; nous ne pouvons malheureusement nous le permettre dans les limites de cette publication.
-
[56]
Voir entre-autre, Edina Bozóky et Anne-Marie Helvétius, dir., Les reliques. Objets, cultes, symboles, Turnhout, Éditions Brepols, 1999. Sur les aspects politiques et communicationnels des reliques et du culte des saints, cf. Hedwig Röckelein, Reliquientranslationen nach Sachsen. Über Kommunikation, Mobilität und Öffentlichkeit, Stuttgart, Jan Thorbecke Verlag, 2002.