Le thème de ce numéro des Cahiers d’histoire concerne les anciennes colonies françaises de l’Amérique. Il s’agissait de traiter des points d’histoire concernant le premier empire colonial français, dont la majeure partie se situait sur les rives de l’Atlantique. Cet empire s’est construit progressivement du XVIe siècle au XVIIe siècle pour se disloquer au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, marquant les étapes de l’affaiblissement de la France face à la Grande-Bretagne et au monde anglo-saxon. Au niveau commercial, on a souvent mis de l'avant le principe de l’Exclusif pour expliquer le manque de développement des îles, qui aurait obligé les planteurs, appelés « habitants » dans ces territoires, à vendre et acheter à des prix dont ils n’étaient pas maîtres et à produire des denrées coloniales, sucre et rhum d’abord puis café et coton principalement ensuite, à partir d’un système basé sur l’emploi d’une main-d’oeuvre servile. Les habitants auraient été dépendants des marchands des ports européens, qui recevaient les produits coloniaux et leur fournissaient les denrées et les outils nécessaires à la marche des habitations, et qui contrôlaient le marché des esclaves. Ce qui est en partie exact. Un premier article nuance cependant cet aspect en montrant que les habitants et les commerçants antillais contournaient largement l’Exclusif, en se livrant au commerce interlope avec les marchands des colonies britanniques de l’Amérique du Nord, commerce qui se poursuivit quand ces dernières constituèrent les Etats-Unis d’Amérique. Il est vrai que les conditions étaient idéales : nombreuses îles difficilement contrôlables et productions complémentaires, alliées à une distance moindre de celles des métropoles. D’autre part, ces contacts clandestins se doublaient et supposaient des relations humaines entre les populations des ports américains et les colons et marchands des îles qui se poursuivirent malgré les aléas politiques. Le second article qui analyse les travaux de Charles Frostin sur Saint-Domingue partie française devenue Haïti, complète et conforte cet aspect en montrant comment les relations interaméricaines basées sur l’interlope ont favorisé un esprit autonomiste parmi les colons qui supportaient assez mal la tutelle des administrations centrales. La vraie richesse de ces territoires était constituée par les hommes qui les peuplaient, car comme on le proclamait aux Antilles, « la terre n’est rien sans les bras ». Dans ces dernières, les engagés des débuts de la colonisation furent remplacés par les esclaves à partir des années 1660. Cependant, en Louisiane, colonisée plus tardivement, on tenta de favoriser un peuplement européen. Un troisième article retrace l’épopée d’un groupe d’Allemands recrutés pour aller en Louisiane ; leurs difficultés pour s’intégrer et construire des villages malgré les maladies, le climat, la qualité et la position géographique des terres mises à leur disposition. Toutes les difficultés de peuplement de cette colonie sont résumées dans cette aventure. Le recul de la France en Amérique s’accentue avec la Guerre de Sept Ans, et se poursuit au début du XIXe siècle avec la perte de Saint-Domingue, devenue Haïti, et la vente de la Louisiane aux Etats-Unis. Les évènements de Saint-Domingue eurent une grande influence sur ce dernier territoire, avec la venue de planteurs originaires de l’île, qui arrivent avec leur mentalité et leurs esclaves. A travers les aventures d’un ancien habitant de Saint-Domingue, on perçoit une partie importante de l’histoire de la Louisiane en relation avec les évènements qui suivirent la Révolution française dans la zone. La dispersion de la population française de Saint-Domingue renforça le peuplement des territoires proches, Cuba et la Louisiane en ce qui nous concerne, au moment où le gouvernement américain voulait « américaniser » le nouvel État dont il avait fait …
Le mot du directeur[Record]
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Gérard Lafleur
Le Parnasse