Volume 32, Number 2, Fall 2013 Antilles et Louisiane Guest-edited by Gérard Lafleur
Table of contents (9 articles)
Dossier Antilles et Louisiane
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Le mot du directeur
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Liens commerciaux entres les Petites Antilles et l’Amérique du Nord sous l’Ancien régime
Gérard Lafleur
pp. 13–39
AbstractFR:
La proximité géographique de l’Amérique du Nord, les possibilités offertes par les cultures du Nord-est du territoire, le besoin des productions coloniales, en faisaient naturellement un partenaire commercial naturel pour les Antilles à partir du moment où les colonies américaines s’étaient organisées et qu’une marine marchande locale pouvaient s’appuyer sur un arrière-pays agricole.
Ce commerce était interdit par les deux puissances principales, qui tentaient de faire appliquer l'Exclusif en opposition avec leurs sujets américains (français et britanniques) qui voulaient faire des affaires les plus fructueuses possibles. Les puissances centrales, lointaines, n’avaient pas les moyens de l'interdire complètement. Les productions étaient complémentaires ; morue et boeuf salés, poissons séchés, farine, bois de construction (lumber), légumes secs d’une part, sucre, rhum, mélasses d’abord puis coton, cacao ensuite et café à partir des années 1730 d’autre part.
Le commerce entre les colonies britanniques des Antilles et de l'Amérique du nord était naturellement autorisé mais il devint suspect à partir de 1770 au moment où la tension s'accentua entre la Grande-Bretagne et ses colonies nord américaines.
Deux îles concentraient le commerce interlope dans la zone, Saint-Eustache (Statius) île néerlandaise située au centre des Petites Antilles et plus tardivement, Saint-Barthélemy devenue suédoise, pour les Petites Antilles et Saint-Thomas et Sainte-Croix, îles danoises dans les îles Vierges, proche des Grandes Antilles.
Malgré les oppositions des métropoles, notamment la Grande-Bretagne et la France, le commerce avec l'Amérique du Nord se développa clandestinement en utilisant toutes les ressources de l'interlope et les autorités locales mirent beaucoup de mauvaise volonté à exercer la répression préconisée par les métropoles.
Après la Guerre de Sept Ans et l’occupation des territoires français par les Anglais, puis surtout après la Guerre d’Amérique et la naissance des Etats-Unis d’Amérique, alliés de la France, la situation changea et le commerce put se développer sans entraves avec les Nord-américains par les ports d’entrepôts mais aussi grâce à des pratiques clandestines favorisées par les règlements.
La Révolution stoppa cette coopération car l’Etat américain choisit le camp Anglais sous la pression de l’administration britannique à l’inverse des habitants des ports qui adhérèrent aux idées de la Révolution et qui restaient fidèles à leurs anciennes amitiés.
Après 1794, avec la politique agressive de Victor Hugues, les alliances se renversèrent et les Américains devinrent, provisoirement, les ennemis à combattre mais le commerce avec l’Amérique du nord reprit de plus belle au XIXe siècle.
EN:
The geographical closeness of North America, the possibilities offered by the cultures of the Northeast of the territory, the need for the colonial productions, made naturally a natural business partner from the moment the American colonies had got organized and from the moment a local merchant navy could lean on an agricultural hinterland.
This trade was forbidden by both main powers, which tried to make apply the Exclusive in opposition with their American subjects (French and British) which wanted to make the most fruitful possible business. The central, distant powers did not have the means to forbid it completely. The productions were complementary ; cod and beef salted, dried fishes, flour, wood of lumber, dried vegetables on one hand, sugar, rum, molasses at first then cotton, cocoa then and coffee from 1730s on the other hand.
The trade between the British colonies of the Antilles and North America was naturally authorized but it became suspect from 1770 as the tension became more marked between Great Britain and its North American colonies.
Two islands concentrated the shady trade in the Dutch zone, Saint Eustache ( Statius) island situated in the center of Lesser Antilles and more late, Saint-Barthélemy become Swedish, for Lesser Antilles and Saint Thomas and Sainte-Croix, Danish islands in the Virgin Islands, close to Greater Antilles.
In spite of the oppositions of metropolises, in particular Great Britain and France, the trade with North America developed in secret by using all the resources of the shady and the local authorities made many of the bad will to exercise the repression recommended by the Metropoles
After the War of Seven Years and the occupation of the French territories by the English, then especially after the American War of Independence ( War of America) and the birth of United States of America, allies of France, the situation changed and the trade was able to develop freely with the North Americans by the ports of warehouses but also thanks to secret practices favored by the regulations.
The Revolution stopped this cooperation because the American state chooses the English camp under the pressure of the British administration contrary to the inhabitants of the ports who adhered to the ideas of the Revolution and who remained faithful to their former friendships. After 1794, with the aggressive policy of Victor Hugues, the alliances overturned and the Americans became, temporarily, the enemies to fight but the trade with North America started up again with renewed vigor in the XIXth century.
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La contrebande caraïbe et la première « américanisation » de l’empire (1723-1763)
Giovanni Venegoni
pp. 41–59
AbstractFR:
En 1967, Charles Frostin, historien spécialiste de l’étude de la colonie française de Saint-Domingue, proposait une première interprétation « atlantique » du procès d’« américanisation » de la société locale. À son avis, au XVIIIe siècle, le rôle de la contrebande avait été centrale, à la fois comme instrument de communication et vecteur d’échange de sentiments autonomistes. Cette approche historique, minoritaire à l’époque, fut largement reprise depuis les années 1980. Toutefois, de récentes recherches ont démontré qu’il reste encore beaucoup à étudier pour comprendre la complexité des lignes évolutives des communautés dominguoises du XVIIIe siècle.
EN:
In 1967, Charles Frostin, historian who devoted large part of his researches at studying the evolution of the French colony of Saint-Domingue, proposed a first “Atlantic” interpretation of the local society “Americanization” process. In his opinion, during the XVIII century, the role played by contraband was crucial, both as communication instrument and as a way to share autonomist thoughts. This historical approach, in minority at the time, was largely resumed during the ’80. Nevertheless, recent analyses has shown that much remain to be studied to better understand the complex evolution of the XVIII century Saint-Domingue communities.
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Les habitants, le paysage et l’agriculture des villages allemands de la Louisiane française en 1724
Ariane Côté
pp. 61–89
AbstractFR:
Cette étude de cas trace un portrait des villages allemands de la Louisiane française en 1724 en se basant sur un recensement. Des informations quantitatives révèlent des détails sur la largeur des terres, la démographie, l’élevage et les récoltes de maïs et de riz. Des éléments qualitatifs nous renseignent sur l'identité des habitants, leurs conditions de vie, leur environnement et leurs pratiques agricoles et alimentaires. L’auteur du document aborde également la question de l'approvisionnement alimentaire de la Nouvelle-Orléans et propose un plan pour gérer la distribution des esclaves. Quelques caractéristiques des villages allemands serviront de base à une comparaison avec la Nouvelle-France.
EN:
This case study aims to use the 1724 census to paint a portrait of life in the German villages of French Louisiana. Quantitative and qualitative data offers insight into the identity of the settlers and the conditions in which they lived as well as details of their environment, farming practices and food preparation. The author of the census also suggests that the German villages could be used as food suppliers for New Orleans and the surrounding plantations, and discusses the management and distribution of the enslaved. Finally, this article will examine some features of these German villages to serve as a base of comparison with settlements in New France.
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Parcours d’un exilé de Saint-Domingue dans le monde atlantique : le cas d’Henri de Ste Gême et son passage en Louisiane entre 1809 et 1818
Mickaël Cadorette
pp. 91–110
AbstractFR:
Cet article étudie le parcours d’Henri de Ste Gême, un réfugié de Saint-Domingue, dans l’espace atlantique entre 1769 et 1842. Ce militaire français d’origine sera au coeur des Révolutions française et haïtienne et ses activités reliées à la flibusterie, à la contrebande ainsi qu’au négoce l’amèneront autant à Cuba qu’à La Nouvelle-Orléans. Son arrivée en 1809 en Louisiane s’inscrit dans un grand mouvement migratoire, puisque plus de 10 000 réfugiés saint-dominguais immigrent cette année-là. Ste Gême sera notamment reconnu pour être un financier des corsaires Lafitte, et sa participation à la Bataille de La Nouvelle-Orléans lui vaudra les félicitations du Général Andrew Jackson. Ste Gême quittera définitivement La Nouvelle-Orléans en 1818 pour retourner en France avec son épouse, laissant derrière lui trois enfants illégitimes ainsi qu’une habitation prise en charge par des amis.
EN:
This article relate the story of Henri de Ste Gême, a Saint Dominguan refugee who travelled across the Atlantic world between 1769 and 1842. Involved as a military in the French and Haitian Revolutions, his privateering, smuggling and business activities will lead him in Cuba as well as in New Orleans. His arrival in 1809 is related to a great migration wave where 10,000 saint-dominguan refugees set a foot in New Orleans. Ste Gême will be recognized as a principal financier in Lafitte’s privateering as much as his participation in the Battle of New Orleans where General Andrew Jackson will recognized Ste Geme as valuable. Ste Geme left New Orleans in 1818 to get back in France with his wife, leaving behind him three colored children and give control of his habitation to some friends. management and distribution of the enslaved. Finally, this article will examine some features of these German villages to serve as a base of comparison with settlements in New France.
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Voyage sur les rives du Mississippi : diversité culturelle et influence atlantique dans la Louisiane antebellum
Geneviève Piché
pp. 111–133
AbstractFR:
Au début du XIXe siècle, la Louisiane est une région agricole fort prospère, qui connaît un essor spectaculaire. La population servile augmente considérablement, alors que le système esclavagiste se développe et se radicalise. La Louisiane antebellum est ainsi le théâtre parfait pour étudier la rencontre entre religion et esclavage. Comment les esclaves parviennent-ils à se forger une culture religieuse bien distincte de celle de leurs maîtres ? Comment cette culture apparaît-elle aux yeux des voyageurs qui atteignent la Nouvelle-Orléans au XIXe siècle ? En quoi les pratiques religieuses des esclaves des Antilles, qui arrivent en grand nombre au tournant du siècle, ont-elles influencé la religion des esclaves louisianais ? En se basant sur les récits de voyage du XIXe siècle, cet article nous permettra de partir à la découverte de la culture religieuse des esclaves de Louisiane.
EN:
In the beginning of the 19th century, Louisiana is a prosperous agricultural area. Slave population increases dramatically while the slavery system becomes more radical. Antebellum Louisiana is the perfect scene to study the relation between religion and slavery. How do slaves build a distinct religious culture, different from the culture of their masters? How this culture appears to travelers who visit New Orleans in 19th century? How and what religious practices of the Caribbean slaves, who arrive in large numbers at the turn of the century, influenced the religion of Louisiana’s slaves? Based on travelers’ accounts of the 19th century, this article will allow us to explore the religious culture of slaves in Louisiana.
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Mythes et réalités de la Martinique catholique à la fin de la période coloniale
Lucien Séverin
pp. 135–154
AbstractFR:
A travers l’étude des ouvrages parus à l’occasion du tricentenaire de la célébration de l’appartenance de la Martinique à la France en 1935, cet article a pour but de présenter quelques éléments montrant la constitution d’un récit historique de la Martinique catholique en parallèle de l’inventaire sociopolitique. Entre évènements et personnages fondateurs, il s’agit de voir l’interprétation qui en est faite par les principaux auteurs de l’historiographie religieuse martiniquaise de l’époque. Cela permet de mettre ainsi en évidence quelques aspects de la mentalité religieuse martiniquaise et antillaise, notamment ceux concernant l’interprétation des évènements au travers du filtre religieux, souvent décriés par les autorités religieuses comme étant des relents de paganisme.
EN:
Many books were published upon the celebration of the 300th anniversary of the belonging of Martinique to France in 1935. Through the study of these publications, this article aims to present some information that show the historical construction of a catholic Martinique as well as the first socio-political colonization inventory. From major events to founding characters, we have to consider the interpretation made by the main authors of the religious martinican historiography. We can now understand some aspects of the martinican and West Indian religious mentality, especially the interpretation of common events through the religious filter, frequently denounced as traces of paganism by the catholic authority.
Recensions
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Bouvier Félix, Michel Allard, Paul Aubin et Marie-Claude Larouche, L’histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement, Québec, Septentrion, 2012, 508 pages
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Walter E. Wilson et Gary L. McKay, James D. Bulloch, Secret Agent and Mastermind of the Confederate Navy, Jefferson, NC, London, McFarland, 2012, 362 pages