Abstracts
Résumé
Le relief de Carthage[1] fait partie, avec celui d’Alger, d’un monument de Carthage (Colonia Julia Karthago antique) réalisé durant l’époque augustéenne, entre 13 av. J.-C. et 14 apr. J.-C. L’iconographie représentée laisse penser que nous avons affaire à une réplique du relief de Florence[2] issu de l’Ara Pacis Augusta. La ressemblance entre les deux panneaux est frappante et leur interprétation iconographique est encore sujette à discussion. Néanmoins, une particularité du panneau de Carthage pourrait permettre d’élucider une partie du problème. Certains éléments pourraient indiquer qu’il ait pu faire partie d’une réutilisation un peu plus d’un siècle après sa création, afin, peut-être, de décorer un autre monument après avoir subi une retouche.
Abstract
The relief of Carthage is part, with the one of Algiers, of a monument of Carthage (the ancient Colonia Julia Karthago), realized during the augustean period, between 13 BC and 14 AD. The iconography represented on this relief is reminiscent of the one of Florence from the Ara Pacis Augustae. The resemblance between both panels is striking and their iconographic interpretation is still subject to discussion. Nevertheless, a particularity of the panel of Carthage could allow to clarify a part of the problem. Some elements could indicate that it was possibly a part of a re-use a little more than a century after its creation, maybe in order to decorate another monument having undergone a retouch.
Article body
Le relief augustéen de Carthage
Présentation du relief
Le relief de Carthage est un panneau qui a été retrouvé en 1838 à la Malga[3], quartier de Carthage situé sur le flanc nord-ouest de la colline de Byrsa (acropole antique). Ce panneau est taillé dans un marbre blanc grisâtre ; ses dimensions conservées sont de 0,79 m de hauteur et de 1,11 m de large. Il se trouve actuellement au Musée du Louvre à Paris[4], cela depuis son don au musée en 1856 par Léon Roches, alors Consul général de France à Tunis.
Il représente en son centre une figure féminine assise sur un rocher, accompagnée de deux enfants, l’un assis sur sa cuisse gauche et l’autre assis à sa droite. Les deux enfants ont le bras droit levé en sa direction, lui tendant une fleur ou un fruit[5]. Sur le côté droit du relief, on peut voir un personnage barbu et torse nu sortant de l’eau. Il est enveloppé d’une étoffe laissant le haut de son corps nu. À côté de lui se trouve un kétos[6] dont on aperçoit la tête et le col sortant des eaux. Dans les eaux sur le côté droit, on observe également deux dauphins. Dans la partie basse située sur la gauche du panneau se trouve une amphore de laquelle s’écoule de l’eau qui traverse toute la partie inférieure du relief, avant de se jeter dans la mer symbolisée dans la partie de droite. Au-dessus de l’amphore, on peut voir, dans une végétation composée de roseaux, un ibis, un serpent et une grenouille. Surplombant la faune et la flore, une figure féminine en buste, acéphale[7], tient un objet allongé dans sa main gauche, vraisemblablement une torche. Elle apparaît dans ce qui semble être une végétation de hautes herbes où l’on peut distinguer un autre serpent[8]. Aux pieds de la personnification centrale se trouvent un boeuf allongé vers la droite et une brebis qui paît vers la gauche et semble s’abreuver dans le cours d’eau issu de l’amphore.
Diverses interprétations de l’iconographie du relief
On a avancé de nombreuses interprétations sur l’identification des personnages du relief. La figure centrale a été perçue tour à tour comme la représentation d’une nymphe, de Cérès, la personnification de Pax, de Terra Mater / Tellus, ou encore celle de l’Égypte et de sa fécondité.
L’interprétation de la nymphe fut suggérée, dans un premier temps, dans une dépêche de Léon Roches, datée du 18 février 1856, lors de son don au Musée du Louvre[9]. Cette hypothèse repose sur la proximité de la découverte avec l’aqueduc d’Hadrien. Pour cette raison le relief fut daté du iie siècle apr. J.-C. par le musée, comme on peut encore le voir aujourd’hui. Léon Roches crut y voir un panneau appartenant à un nymphée alimenté par l’aqueduc. Le nymphée se trouve à l’extrémité de celui-ci. L’iconographie représente, selon lui, la nymphe de Zaghouan au centre, la divinité de cette même cité à gauche et la personnification du fleuve, duquel provenait l’eau qui alimentait l’aqueduc, à droite. Barbette Stanley Spaeth, quant à elle, identifie la figure de Cérès, divinité de la fertilité, accompagnée de Proserpine, à gauche, et de Neptune, à droite. Elle émet cette idée en comparant, le relief à celui de l’Ara Pacis. Selon elle, ce dernier représente la divinité de l’agriculture, des moissons et de la fécondité. Elle l’associe à Tanit, divinité carthaginoise de la fertilité dont le symbole est le lotus, fleur tendue par l’un des deux enfants[10]. Les tenants de l’interprétation de Pax se fondent sur une comparaison avec le panneau de l’Ara Pacis Augusta. L’Ara Pacis, l’autel de Rome, dédié à la paix, ne pourrait, selon eux, que représenter Pax. Le relief de l’Ara Pacis représenterait la prospérité du territoire à travers la fécondité de la faune et de la flore. Ainsi, Nancy De Grummond va jusqu’à voir dans l’autel un monument dédié à la Pax, avec des panneaux illustrés par différentes constellations, ainsi que de Sol et Luna[11]. Michael Rostovtzeff soutient l’identification de Terra Mater / Tellus en comparant la figure centrale avec celle d’une mosaïque retrouvée dans les thermes E d’Antioche, la « mosaïque de Gè et Karpoi »[12]. Il y voit la représentation de Gè, Tellus romaine, tout comme Héron de Villefosse qui la voit, de plus, entourée de la Lune et d’une divinité marine[13], et Stefan Weinstock, qui compare le panneau avec celui de l’Ara Pacis[14]. Nombreux sont aussi ceux qui voient au centre de la représentation la personnification de l’Égypte ou de sa fécondité. Charles Picard s’inspire des dires d’Hérodote, « L’Égypte est le présent du Nil », pour y voir la fécondité de l’Égypte avec la représentation du Nil à droite[15]. Quant à Jean Charbonneaux, il décrit le personnage central de la composition comme étant « une grande figure assise semblable à une déesse-mère » et donne une interprétation générale du panneau, voyant dans ce personnage « une allégorie de l’Égypte » et de « la fécondité du sol égyptien »[16]. Marie-Thérèse Picard-Schmitter fait allusion à l’Égypte pour une tout autre raison. Selon elle c’est « Isis, reine des deux terres », qui est évoquée par les fleurs que lui tendent les enfants, ainsi que la guirlande de fleurs et de fruits posée sur ses genoux. Elle s’étonne toutefois de l’absence du crocodile et de l’hippopotame, ainsi que du lotus et du papyrus « caractéristiques des scènes ‘nilotiques’ »[17]. Ce raisonnement est suivi par Marie-Odile Jentel, qui voit sur la droite du panneau, la figure d’Okeanos ou Neilos[18]. En raison de sa ressemblance frappante avec le relief de Florence, appartenant à l’Ara Pacis, son interprétation est étroitement liée à ce relief[19].
L’interprétation qui semble la plus pertinente est sans aucun doute celle de Terra Mater / Tellus, en raison de l’iconographie habituellement associée à la « mère des dieux »[20], souvent accompagnée d’enfants. À sa gauche, bien que le personnage soit acéphale, on peut reconnaître Cérès pour plusieurs raisons. Elle est représentée avec une torche, en référence à l’épisode où Déméter (Cérès romaine) cherche sa fille Korè (Proserpine) dans les bois et change les arbres en torches[21]. De plus, juste sous son buste se trouve un serpent ; en étudiant l’iconographie de la divinité, on peut s’apercevoir qu’elle est souvent en compagnie d’un serpent qui se trouve à ses côtés ou qu’elle tient dans la main ; dans d’autres cas, plusieurs serpents tirent son char[22]. Quant au personnage de droite, trois identifications peuvent être proposées : Okeanos, Neilos ou encore Neptune. Les deux premières hypothèses paraissent les plus plausibles. En effet, cette figure semble personnifier soit le cours d’eau qui sort de l’amphore et traverse le territoire, soit l’étendue d’eau dans laquelle il se jette. En examinant de plus près le relief, on peut voir, comme il a été dit, que la personnification est entourée d’un kétos et de dauphins, ce qui indique plutôt un milieu océanique. Dans ce cas, Okeanos semble l’hypothèse la plus plausible.
Ainsi, nous aurions affaire à Terra Mater / Tellus, au centre de la composition, à Cérès sur la gauche et à Okeanos sur la droite du panneau.
Le Relief d’Alger
Il existe un autre relief retrouvé à Carthage, sur le même site : le « Relief d’Alger ». La date de sa découverte est inconnue. Néanmoins nous savons par une lettre datée du 4 juin 1856 qu’il fut donné au Musée d’Alger par Léon Roches. Cette source précise qu’« un assez beau bas-relief [a été] trouvé à Maalga, près du plateau de Birsa »[23]. Ce panneau est certainement en relation avec celui de Carthage. Il a probablement fait partie du même monument. Il a été donné par la même personne que le relief de Carthage, la même année, et taillé dans le même marbre, avec la même facture. Il semble évident que les deux reliefs ont été trouvés et entreposés ensemble jusqu’à leur don aux musées du Louvre et d’Alger[24].
Il représente une femme accompagnée d’un enfant, d’un homme barbu et armé, et d’un homme à moitié nu. On a pu identifier ces représentations comme étant celles de Venus Genitrix avec Cupidon, Mars Vltor et Diuus Iulius. Ce dernier personnage est identifié comme Diuus Iulius, sans grande certitude par Stefan Weinstock[25]. Stéphane Gsell identifie en 1899 ces quatre personnages comme étant la déesse Venus Genitrix en compagnie de Cupidon, Mars Vltor et un personnage qu’il considère être un membre de la gens Iulia, divinisé. Il penche lui aussi pour la figure de César en raison du trou situé sur sa chevelure, au-dessus du front. Il y voit là le témoignage de l’insertion d’une étoile de bronze[26]. Theodor Kraws s’est penché avec intérêt sur l’identification de ce personnage[27]. Il émet l’hypothèse que l’orifice aurait pu servir à insérer une couronne. En observant la présence d’étoiles sur le support monétaire on s’aperçoit que ce signe n’est pas uniquement réservé à César. Toutefois, Theodor Kraws fait le rapprochement avec le relief de Ravenne qui représente plusieurs personnages dont l’un est identique à celui du relief d’Alger, avec une étoile sur la tête, identifié comme Jules César.
Le groupement de ces personnages correspond vraisemblablement à celui du temple de Mars Vltor sur le forum d’Auguste, à Rome. En effet, selon le témoignage d’Ovide, dans le temple se trouvaient les statues cultuelles de Venus Genitrix et de Mars Vltor[28]. Ovide ne mentionne pas la présence d’une troisième statue, celle de Jules César divinisé, mais elle est vraisemblable dans la logique du programme iconographique célébrant la gens Iulia. Selon Filippo Coarelli, la présence d’une troisième statue, en plus de celles de Venus Genitrix et Mars Vltor, mentionnées par Ovide, ne fait aucun doute du fait de la largeur de l’abside accueillant ces sculptures[29]. Ainsi, le relief d’Alger a été utilisé comme indice pour confirmer la présence d’une statue de César dans la cella du temple de Mars Vltor. La représentation de César divinisé faisant partie des thèmes récurrents de l’iconographie augustéenne[30], on peut donc dater le relief d’Alger de la période augustéenne[31] et par la même occasion celui de Carthage, puisque les deux reliefs font partie d’un seul et même monument.
Hypothèses sur le monument accueillant les deux reliefs
Il est probable que le monument qui accueillait les deux panneaux de Carthage et d’Alger reprenait l’iconographie utilisée à Rome sous Auguste, dont la commémoration de la double ascendance des Romains avec, d’un côté, Énée évoqué par la présence de sa mère, Vénus, et de l’autre côté Romulus avec son père, le dieu Mars[32], et la prospérité de l’Empire après près d’un siècle de guerres civiles.
Le relief de Carthage est fortement similaire, par son iconographie, à l’un des panneaux de l’Ara Pacis. Quant à celui d’Alger, il reproduit les sculptures du temple de Mars Vltor, situé dans le forum d’Auguste à Rome. Quel que soit le monument, il est certain que nous sommes confrontés à une volonté de représenter le pouvoir impérial, en Afrique du Nord, plus précisément à Carthage, non loin du forum situé sur la colline de Byrsa, à partir de l’iconographie utilisée dans la « propagande » augustéenne à Rome. Quoi qu’il en soit, le monument est étroitement lié à Auguste, qu’il s’agisse d’architecture publique ou d’architecture privée.
Le monument augustéen
En ce qui concerne l’attribution de ce relief à un complexe architectural ou à un monument en particulier, nous avons très peu de données fiables. En effet, l’urbanisme de cette partie de la cité — la Malga — est mal connu pour l’époque augustéenne. Nous savons qu’il s’agissait du centre de Carthage à l’époque punique, par la suite déplacé sur la colline de Byrsa, qui en devient le centre politique. La Malga aurait principalement concentré un ensemble hydraulique de citernes ; son urbanisme se développe à la limite de la cité si l’on en juge par les vestiges conservés. Malheureusement, aucune architecture religieuse ne nous est connue à cet endroit et aucun rapport n’a été écrit quant à la découverte de ces deux reliefs. Les seules indications que nous avons sur leur lieu d’extraction sont les lettres de correspondance entre Léon de Roches et les Ministères d’État des Beaux-Arts et de la Maison de l’Empereur, par l’intermédiaire des Affaires étrangères. D’après l’un de ces documents, nous savons que le panneau a été retrouvé à proximité des citernes de la Malga et de l’aqueduc d’Hadrien, amenant les eaux en provenance de Zaghouan. Ce manque de données a laissé place à toutes sortes de suppositions[33].
Faute de connaissances sur l’architecture de cette partie de la ville, à supposer que le monument concerné se trouvait bien à la Malga, nous n’avons aucune information sur celui-ci. Nous ne pouvons, dans ce cas, qu’émettre des hypothèses en comparant la taille du relief à d’autres types architecturaux connus.
D’après les dimensions du panneau, 0,79 m. de hauteur sur 1,11 m. de largeur[34], le relief se rapproche de l’Autel de la Gens Augusta, également situé à Carthage, au nord-est de la colline de Byrsa. Les panneaux de l’autel mesurent 1,03 m de largeur sur 0,665 m de hauteur. Le relief de Carthage pourrait, avec celui d’Alger, constituer un autel comme le suggèrent fortement Stéphane Gsell et Louis Poinssot[35]. Par comparaison avec l’Ara Pacis, monument proche du nôtre de par son iconographie, ses reliefs, dont celui de Florence, sont hauts de 1,55 m sur une largeur 2,37 m, ce qui donne une ampleur beaucoup plus importante à ce dernier monument, avec des dimensions quasi doublées. Quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de comparer l’Ara Pacis avec l’Autel de Gens Augusta pour deux raisons. D’une part, l’Ara Pacis est un monument de grande envergure, voté par le Sénat Romain pour célébrer la victoire d’Auguste et s’inscrit donc dans la perspective d’une architecture monumentale, tandis que l’Autel de la Gens Augusta fait partie d’un templum construit à titre privé par un affranchi[36] soucieux de remercier l’empereur et sa famille avec des moyens plus modestes que ceux du Sénat local. D’autre part, le relief de l’Ara Pacis ne se trouve pas sur l’autel même, mais sur son enceinte ; or l’autel de la Gens Augusta est directement décoré des reliefs, comme la majorité des autels existants.
Quoi qu’il en soit, l’autel, s’il s’agit bien d’un autel, faisait partie d’un ensemble architectural qui reste indéterminé pour les motifs indiqués précédemment. Néanmoins, un sanctuaire dédié à Magna Mater pourrait être concevable pour diverses raisons. Sur le relief de Carthage, la figure centrale est identifiée comme étant cette divinité, la Grande mère des dieux. De plus, une inscription retrouvée à Carthage[37] mentionne peut-être un sanctuaire ayant pu faire partie de l’architecture de la Colonia Julia Karthago.
Retouche du relief à l’époque hadrianique
Comme on a pu le voir auparavant, le relief est interprété par certains comme une figuration de l’Égypte et de sa fécondité. Une représentation de Magna Mater paraît toutefois plus plausible pour les raisons évoquées plus haut.
L’hypothèse selon laquelle il s’agit de l’Égypte et qui a séduit de nombreux chercheurs n’est pas impossible, à un détail près. Si la présence de la faune et de la flore typiques de la province d’Égypte pourrait bien caractériser l’illustration du paysage égyptien à partir de « trois scènes représentant la nature sur la côte, dans le delta et à l’intérieur du pays »[38], la faune, avec l’ibis, le serpent et la grenouille ne correspond pas à celle habituellement retrouvée pour l’époque augustéenne. Il est établi que durant cette période l’Égypte est représentée à l’aide du crocodile. Le certifient les monnaies d’Auguste illustrées d’un crocodile avec pour légende aegyptvs capta, symbolisant l’Égypte soumise à Rome[39]. On retrouve également cette iconographie de la province sous les empereurs Julio-Claudiens, avec la mosaïque des provinces d’Ostie, datant du règne de Claude. On y observe le buste d’une figure féminine accompagné d’un crocodile[40].
Toutefois, la présence de cette faune et de cette flore typiques d’un territoire, qui ne correspondent pas à l’iconographie de l’Égypte à l’époque augustéenne, est intrigante ; d’autant plus qu’en observant le panneau de plus près, on peut constater qu’à cet endroit le style iconographique est totalement différent du reste de la représentation.
Deux factures pour un seul relief
Après une longue observation à partir des photographies du relief qui m’ont été fournies par le Musée du Louvre, un détail a attiré mon attention. Sur la partie en bas à gauche, où figurent la faune et la flore sur les rives du fleuve, il semblerait que l’on ait affaire à une facture particulière. On y trouve en effet une stylistique beaucoup plus fine. Une comparaison peut être effectuée avec le reste du relief grâce aux deux serpents qui figurent, l’un dans la partie en question, l’autre un peu plus haut, sous la figure acéphale de gauche. Alors que le second est représenté de façon grossière, l’autre est ciselé avec une telle finesse que l’on en vient à se demander pourquoi il y aurait eu un tel changement de style dans la façon d’illustrer.
Deux suppositions peuvent être formulées : la première serait que le relief a été effectué par plusieurs artistes. La seconde, que le relief a été retouché dans la partie en bas à gauche, là où figurent la faune et la flore égyptiennes. Si retouche il y a eu, cela peut être pour plusieurs raisons. On pourrait avoir une retouche immédiate par un autre artiste à la demande du commanditaire, ou une retouche plus tardive, dans le but de mettre en avant la signification principale du relief, ou d’en changer. Si cette dernière hypothèse est la bonne, alors ce relief n’aurait pas eu la même signification lors de sa taille.
Sur les clichés, on peut voir à cet emplacement comme une démarcation, formant une sorte de rectangle avec des irrégularités. S’y trouvent les roseaux, l’ibis, le serpent et peut-être la grenouille, tout juste au-dessus de l’amphore. En examinant personnellement le relief[41], afin de chercher un éventuel retrait de matière ménagé pour l’exécution d’une nouvelle iconographie, je me suis aperçue que l’hypothèse d’une retouche du relief était la bonne, même si le retrait de matière n’est pas facile à déceler. Sur la tranche gauche du relief ne figure aucun creux permettant d’identifier une quelconque retouche ; cette tranche est identique à celle de droite, qui, elle, est régulière mais légèrement plus fine. Néanmoins, sur le côté droit certains détails me laissent supposer qu’une retouche a pu être effectuée. En effet, l’épaisseur de cette partie diminue soudainement après le groupe en relief formé par la figure marine, le kétos et les dauphins. Sur la partie gauche, il n’y a pas de relief comparable dans la partie basse, mais il y en a un dans la partie supérieure, avec la figure acéphale. Certains de mes interlocuteurs[42] m’ont fait remarquer qu’il s’agissait d’un décor de fond, et que pour cette raison il était tout à fait normal de le retrouver représenté à peine incisé, avec finesse, afin de marquer l’idée de profondeur. Je suis tout à fait d’accord avec cette remarque à deux points près. Le premier est que nous avons au-dessus de cette faune et cette flore, la représentation d’une figure qui est en relief, qui semble être mise en avant au même titre que les autres représentations. Pourquoi représenter ainsi une figure au-dessus d’une représentation d’arrière-plan ? Cela n’a aucun sens, d’autant plus qu’un éventuel creusement du relief déjà taillé semble visible sous cette figure et sous le serpent qui l’accompagne. Cette retouche expliquerait pourquoi la figure semble sortir de nulle part, tout en étant représentée en buste au-dessus d’un arrière-plan. S’il y avait une volonté de la représenter sortant d’une végétation, il y aurait une cohérence entre celle représentée dans la partie inférieure et celle qui se trouve en dessous de son buste, avec le serpent.
Le second point est la présence d’un très léger changement de teinte du marbre, virant vers une couleur plus blanchâtre au niveau de la partie remise en question[43], correspondant à la partie la plus creusée, comme si cette partie avait été plus vulnérable à l’érosion suite à une retouche qui aurait abîmé le marbre. En tout état de cause, cette anomalie du marbre n’est pas anodine. Le fait que ce changement de couleur corresponde exactement à l’endroit creusé du relief et à la facture différente du reste du décor indique bien la présence d’une retouche.
Changement de l’iconographie et de la signification du relief
Nous avons dans la partie retouchée la présence des éléments caractéristiques de la faune et de la flore d’Égypte utilisés sous Hadrien comme on a pu le voir auparavant.
Contrairement à l’iconographie augustéenne, celle de l’époque hadrianique représente la faune égyptienne principalement avec l’ibis et le serpent. Sur le support monétaire, on retrouve cette personnification uniquement sur les revers des monnaies d’Hadrien. On y voit Aegyptus accompagnée d’un ibis, d’un serpent et du sistre. Ces éléments, outre l’inscription AEGYPTVS, certifient bien la personnification et permettent son identification[44]. Le crocodile et l’hippopotame sont, quant à eux, utilisés en tant que faune accompagnant la personnification du Nil, comme en témoigne la numismatique de l’époque[45]. Sur le relief de Carthage se trouvent l’ibis, le serpent et la grenouille, ce qui ne semble pas être un hasard. Si ce relief a vraiment été retouché à cet endroit, il serait donc fort probable que ce soit durant la période hadrianique. Dans ce cas cela manifesterait la volonté de mettre en avant l’Égypte par la diversité des espèces qui bordent le Nil.
Quoi qu’il en soit, si le panneau a été retouché à une période plus tardive que celle de sa confection, l’idée que fut représentée, à l’origine, la figuration d’Aegyptus ou de la fécondité de l’Égypte n’est pas plausible[46]. Il s’agirait plutôt de la représentation de Tellus, la Terre en général, comme c’est probablement le cas pour le relief de l’Ara Pacis.
Il est probable que ce relief a été retouché dans une de ses parties afin d’y représenter la fécondité du territoire égyptien, même s’il a conservé l’image de Tellus en son centre. On retrouve un tel programme iconographique, mêlant Tellus et une évocation de l’Egypte, dans la mosaïque de Gè et Karpoi à Antioche, mosaïque à laquelle nous avons fait référence auparavant avec Michael Rostovtzeff. On y voit au centre la figure féminine de Gê allongée et accoudée sur un sphinx, symbole égyptien et, comme nous le fait remarquer Marie-Thérèse Picard-Schmitter, « son nom, ΓΗ, est inscrit au voisinage de la tête. Mais cette Terre peut être plus précisément localisée : son bras gauche prend appui sur le dos d’une sphinge […] »[47]. On pourrait en effet avoir la symbolisation de la Terre en lien avec l’Égypte et la représentation générale de la fécondité de ce territoire au cours du iie siècle ap. J.C. De plus, lorsque l’on observe l’iconographie d’Aegyptus sur les revers monétaires d’Hadrien, on s’aperçoit que celle-ci est à demi allongée sur le flanc, telle la représentation traditionnelle de Tellus. L’Égypte représente, à l’époque romaine, le « grenier à blé de Rome », il est donc tout naturel de mettre en avant, à travers la personnification provinciale, sa fertilité due essentiellement au Nil, présenté à travers sa faune et sa flore sur le panneau, comme à travers les paysages nilotiques fréquemment représentés dans l’art romain[48].
Il serait tentant de dire que le relief a été réutilisé dans un autre monument que celui d’origine mais, comme nous l’avons vu précédemment, nous ne pouvons pas savoir quel monument il aurait pu décorer sous Auguste, faute de connaissances sur l’architecture de la Malga. En ce qui concerne un éventuel réemploi, il est intéressant de faire un rapprochement entre la possible retouche du relief sous Hadrien et le monument à proximité duquel il a été retrouvé, l’aqueduc d’Hadrien[49].
À supposer que le relief de Carthage et celui d’Alger aient été retrouvés ensemble[50], soit les deux reliefs ont été réemployés, soit seule l’iconographie du relief de Carthage a changé tout en restant sur le même monument d’origine[51]. Comme il n’y a, dans le quartier de la Malga, que des vestiges de bâtiments hydrauliques, l’idée que le monument accueillant le relief de Carthage ait eu un lien avec l’aqueduc semble très intéressante. L’hypothèse émise par Léon Roches lors de son don était que le relief ait appartenu à un « nymphée qui terminait le grand aqueduc à Carthage, de même que la nymphée bien connue de Zaghouan en marquait le point de départ »[52]. Cette attribution très vite oubliée pourrait finalement s’avérer plausible, dans le cas d’un réemploi sur un autre monument que celui d’origine.
À l’origine, ce relief reprend clairement les thèmes de la propagande impériale retrouvée à Rome. Le commanditaire de cette représentation a voulu, par référence au modèle de l’Ara Pacis de Rome, mettre en avant les bienfaits de la mise en place de l’Empire et de son princeps, Auguste, légitimant ainsi sa position. Il serait donc tout naturel de retrouver ce relief dans un monument dédié à l’empereur. Mais la contradiction entre l’iconographie habituellement utilisée à cette période et celle ayant cours un siècle et demi plus tard, ainsi que l’anomalie remarquée sur le panneau à ce même emplacement, laissent présager que ce relief connut non pas une mais deux utilisations durant la période impériale. Contrairement à certains reliefs réutilisés en réemploi dans des fondations d’architectures, ce panneau, fut certainement utilisé dans un but décoratif après retouche. Ce changement d’une partie de l’iconographie est fortement intéressant, car il ne concerne pas le visage d’un empereur remplacé par un autre, comme on peut souvent le rencontrer[53]. Son iconographie, qui représentait à l’origine la fertilité de la Terre, met désormais clairement en avant la fertilité de la terre d’un territoire, celui de la province d’Égypte, à travers sa faune et sa flore. Cette allusion à la fertilité de l’Égypte est mise en avant dans le support monétaire frappé sous Hadrien, probablement effectué, avec la retouche du relief, lors de la mise en place de cette iconographie de l’abondance du territoire.
Appendices
Annexes
Planche I
Le relief de Carthage est un panneau qui a été retrouvé en 1838 à la Malga, quartier de Carthage situé sur le flanc nord-ouest de la colline de Byrsa (acropole antique).
Planche II
Il représente en son centre une figure féminine assise sur un rocher, accompagnée de deux enfants, l’un assis sur sa cuisse gauche et l’autre assis à sa droite.
Après une longue observation à partir des photographies du relief qui m’ont été fournies par le Musée du Louvre, un détail a attiré mon attention (B).
Planche III
Sur les clichés, on peut voir à cet emplacement comme une démarcation, formant une sorte de rectangle avec des irrégularités.
Notes
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[1]
Conservé au Musée du Louvre à Paris, sous le numéro d’inventaire MA 1838, NIII 975.
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[2]
Le relief de Florence est un panneau représentant Tellus sur l’Ara Pacis, ara situé sur le Champ de Mars à Rome. Le relief a été nommé « de Florence » à la suite de sa découverte en 1568, car il fut conservé au Musée de Florence.
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[3]
On retrouve deux écritures différentes pour Malga : Maalga et Malga. On rencontre également le terme de la Malka dans certaines lettres.
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[4]
Ce relief est enregistré au Musée du Louvre sous le numéro d’inventaire MA 1838, NIII 975. Je tiens tout particulièrement à remercier le Musée du Louvre et Agnès Scherer, documentaliste du département Antiquités Grecques, Étrusques et Romaines du Musée du Louvre, qui m’ont permis de consulter toute la documentation en leur possession et d’observer le relief dans les réserves du musée. Sans cela, cet article n’aurait sans doute pas vu le jour. Je tiens à transmettre à Madame Scherer toute ma sympathie pour son écoute et les longues discussions que nous avons partagées.
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[5]
La corrosion du relief rend difficile l’identification précise.
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[6]
D’après Janusz Ostrowski, l’hypothèse du kétos est la plus plausible ; Janusz Ostrowski, Les personnifications des provinces dans l’art romain, Varsovie, Comer, 1990, no 2, p. 77-78, pl. II. 2. Le terme définit un poisson avec une queue serpentine ou un monstre marin, comme c’est le cas sur le relief ; Jean Charbonneaux y voit un pistrix ; Jean Charbonneaux, La sculpture grecque et romaine au Musée du Louvre, Paris, Éd. des Musées Nationaux, 1963, p. 93-94 ; Pline l’Ancien, H. N. (Histoire Naturelle), IX, 2, 4.
-
[7]
La figure est acéphale en raison d’un manque de la partie supérieure gauche du panneau.
-
[8]
Cette partie du relief est très difficile à déchiffrer. La présence d’un serpent ne fait aucun doute mais il est impossible de déterminer avec certitude s’il se trouve dans une végétation dense ou s’il est entouré d’un autre élément indéterminé.
-
[9]
La dépêche est intitulée : « Notice sur un bas-relief romain trouvé dans les ruines de Malga ».
-
[10]
Barbette Stanley Spaeth, « The Goddess Ceres in the Ara Pacis Augustae and the Carthage Relief », dans American Journal of Archaeology (AJA), 98 (janvier 1994), p. 65-100.
-
[11]
Nancy Thomson de Grummond, « Pax Augusta and the Horae on the Ara Pacis », dans AJA, 94 (janvier 1990), p. 674-677.
-
[12]
Héron de Villefosse, Musée africain du Louvre, Paris, 1921, p. 6, no 56, pl. VIII. 1 ; voir encore Alain Pasquier, Le Louvre : les antiquités grecques, étrusques et romaines, éd. Paris, La Scala, 1991, p. 80.
-
[13]
Idem.
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[14]
Stefan Weinstock, « Pax and the “Ara Pacis” », dans Journal of Roman Studies (JRS), 50, 1960, p. 54, pl. VIII. 2.
-
[15]
Charles Picard, « Observations sur l’origine et l’influence des reliefs pittoresques dits ‘alexandrins’ », dans Mélanges Maspero, II : Orient grec, romain et byzantin, Institut Français du Proche-Orient (IFPO), Le Caire, 67. 2 (1935-1937), p. 329-335 ; Hérodote, Histoires, II, 10.
-
[16]
Jean Charbonneaux, La sculpture grecque… , p. 93-94.
-
[17]
Marie-Thérèse Picard-Schmitter, « “L’allégorie de l’Égypte” sur un relief de Carthage », dans Revue Archéologique, no 1 (1971), p. 32.
-
[18]
Marie-Odile Jentel, sv. « Aigyptos » dans Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae, I, 1 (1981), no 9, p. 380, 2 fig. Aigyptos 9, p. 295.
-
[19]
Durant la Renaissance, au moment de sa découverte, le relief de Florence était interprété par Stuart Jones comme une représentation des trois éléments avec, à droite l’eau, au centre la terre et à gauche l’air ; cf. Marie-Thérèse Picard-Schmitter, « L’allégorie de l’Égypte... », p. 29 ; Eugénie Strong, « Terra Mater or Italia ? », JRS, 27 (1937), p. 121. De par sa ressemblance, certains firent la même constatation pour le relief de Carthage. Jusqu’en 1912, l’interprétation de la figure en tant que Terra Mater ou Tellus fut prééminente pour le relief de Florence. L’année suivante, un étudiant américain propose d’y voir la figuration de la « Saturnia Tellus » de Virgile ; cf. Albert William Van Buren, « The Ara Pacis Augustae », JRS, 1913, p. 134 ss., pl. IV-V ; Virgile, Énéide, VIII, 328. Depuis, les interprétations sont diverses pour les deux reliefs, avec principalement Tellus, l’Italie / l’Égypte ou encore la déesse Cérès.
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[20]
Les Romains décernaient à la divinité le nom complet de Mater Deum Magna Idaea (Grande mère des dieux, déesse de l’Ida). Ce terme est confirmé par l’existence d’inscriptions dont l’une a été retrouvée à Carthage, étudiée par Alfred Merlin, « Dédicace à la Mère des dieux trouvée à Carthage », dans Bulletin archéologique du Comité des Travaux Historiques et scientifiques, 1917, p. 85 ss. ; et d’autres au Palatin de Rome, cf. Alfonso Bartoli, « Il culto della Mater Deum Magna Idaea e di Venere Genitrice sul Palatino » dans Memorie della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, VI (1947), p. 229-239.
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[21]
Ovide, Fasti, IV, 493-494 ; Cicéron, Verrines, Actio II, IV, 106.
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[22]
Stefano de Angeli, sv. « Demeter / Ceres : Ceres », dans LIMC IV, 1988, p. 893-908.
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[23]
Extrait de lettre communiquée par Léon Godard dans Revue africaine, I (1856), p. 490. On n’a aucune indication sur la découverte de ce relief, nommé ainsi en raison de sa conservation dans le Musée archéologique de la capitale algérienne. Les seuls éléments dont nous ayons connaissance sont le donateur et la date.
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[24]
Pierre Wuilleumier, Musée d’Alger, supplément, Paris, Ernest Leroux, 1928, p. 40.
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[25]
Stefan Weinstock, « Pax and … », p.54.
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[26]
D’après les sources littéraires antiques, Auguste aurait fait fixer une étoile de bronze sur le front de toutes les statues de César après avoir observé une comète dans le ciel à l’occasion des jeux donnés en l’honneur de son père divinisé : Servius, Ad Aen., VIII, 681, pour la totalité des statues de César sans préciser leur localisation ; Suétone, Caes., 88, fait mention de la présence de l’étoile au-dessus de la tête sans indiquer qu’Auguste en est à l’origine ; Pline l’Ancien, Hist. Nat., II, 23, nous informe que, à la suite à cet événement Auguste fit ajouter une comète sur la statue de César, qu’il édifia au forum ; Dion Cassius, Hist. Rom., XLV, 7 fait mention d’une statue de César avec une étoile sur la tête consacrée dans le Temple de Vénus. Seul le texte de Servius peut justifier la présence de Jules César divinisé, ceint d’une étoile, sur le relief. Cf. Stéphane Gsell, « Statues du Temple de Mars Ultor à Rome », dans R.A., XXXIV (1899), p. 37-43, pl. II.
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[27]
Theodor Kraws, « Zum Mars-Ultor Relief in Algier », dans Studies in Classical Art and Archaeology : A Tribute to Peter vom Blanckenhagen, Locust Valley, New York, 1979, p. 239-246.
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[28]
Ovide, Tristia, II, 295-296 : « Venerit in magni templum, tua munera Martis, / stat Venus Vltori iuncta, uir ante fores ».
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[29]
Filippo Coarelli, Roma, Guide archeologiche Laterza, Rome, 2003 [1981], p. 133. La présence du dictateur semble logique vis-à-vis de l’organisation iconographique du Forum d’Auguste à partir des statues. En effet, nous avons dans les exèdres de part et d’autre du Forum, la statue de Romulus d’un côté, et celle d’Énée de l’autre. Au centre, sur le même axe, sur les marches du temple, figurait une statue d’Auguste. Dans le fond du temple nous avons la statue de Venus Genitrix, mère d’Énée, et celle de Mars Vitor, père de Romulus, il serait donc logique d’avoir également celle de Diuus Iulius, père d’Auguste. De plus, Ovide indique dans ses Fastes que le temple porte le nom de César ; Ovide, Fasti, V, 567-569. Il s’agit là probablement d’une mention du nom d’Auguste en tant que fils de César, ce qui renforce l’hypothèse de l’existence d’une statue du dictateur à cet emplacement.
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[30]
Afin de légitimer sa position de princeps (le premier des citoyen), Octave / Auguste utilise l’iconographie de son père adoptif, Jules César divinisé. Par la suite, les autres empereurs utilisent non plus cette image mais celle d’Auguste comme étant le premier empereur romain.
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[31]
Si, selon Theodor Kraws, le panneau remonte à la période claudienne, Paul Zanker en fait un relief augustéen ; cf. Theodor Kraws, « Zum Mars-Ultor … », p. 239-246 ; Paul Zanker, The Power of Images in the Age of Augustus, 1990, p. 196-197.
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[32]
Tacite, Annales, IV, 9, 3 ; Dion Cassius, Hist. Rom., LVI, 34, 2.
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[33]
Parmi ces suppositions, la première émise fut celle d’un nymphée en raison de sa proximité avec l’aqueduc d’Hadrien. Exceptée l’hypothèse d’un autel émise par Stéphane Gsell et Louis Poinssot, aucune ne fut formulée avec grande certitude.
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[34]
Sur sa largeur, il est fort probable que le relief soit complet ; en revanche, sur sa hauteur, ce n’est pas le cas. Il ne manque certainement que quelques centimètres sur la partie la plus haute conservée si on le compare avec le relief de l’Ara Pacis. Louis Poinssot estime que le relief de Carthage mesure 1,13 m. de largeur, sur une hauteur de 0,98 m, cf. Louis Poinssot, L’autel de la Gens Augusta à Carthage, Tunis, Tournier, Paris, Vuibert, 1929, no 5, p. 7.
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[35]
Stéphane Gsell est le premier à attribuer ce relief à « l’Autel de la Malga », cf. Stéphane Gsell, Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, VIII : Jules César et l’Afrique, fin des royaumes indigènes, Paris, Hachette, 1928, p. 177 n. 5, l’auteur suppose dans cet ouvrage que le panneau faisait partie d’un autel. Ce terme sera repris par Louis Poinssot, L’autel de la Gens …, n. 3 p. 7, n. 2 p. 8.
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[36]
Hypothèse émise par Marcel Le Glay, « La place des affranchis dans la vie municipale et dans la vie religieuse », dans Mélanges de l’École Française de Rome. Antiquité, 102-2 (1990), p. 633.
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[37]
L’inscription dédicacée à la Mère des Dieux, Mater Deum Magna Idaea, a été étudiée par Alfred Merlin, « Dédicace à la Mère … », p. 85 ss. L’inscription fut complétée par la suite. Une datation de celle-ci n’a pas pu être établie mais nous savons que ce culte était toujours présent sous les Sévères à Carthage ; un cippe comportant également une dédicace à la Mère des dieux a été retrouvé, cf. Charles Saumagne, « Notes de topographie carthaginoise. La colline de Saint-Louis », dans BCTH, no 3 (1924), p. 188-190.
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[38]
Theodor Schreiber, « Die hellenistischen Reliefbilder und die Augusteische Kunst », dans Jahrbuch des Deutchen Archäologischen Instituts, XI (1896), p. 93.
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[39]
Roman Imperial Coinage, I, n. 546, 1ere édition.
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[40]
Giovanni Becatti, Scavi di Ostia IV, Mosaici e pavimenti marmorei, Istituto poligrafico delle Stato, Libreria dello Stato, Rome, 1961, p. 45-47 ; Janusz Ostrowski, Les personnifications des provinces…, Voir les représentation d’Aegyptus (3, p. 78), d’Africa (39, p. 88), d’Hispania (26, p. 167) et de Sicilia (9, p. 201 et p. 213).
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[41]
Avec l’aimable autorisation du Musée du Louvre et d’Agnès Scherer, documentaliste du département AGER du Musée du Louvre. Lors de cette observation ont été pris plusieurs clichés, en décembre 2011, dans les réserves du musée. Certaines de ces photographies illustrent cet article. Dans certains cas, je ne peux me passer de celles qui m’ont été fournies par le musée car certains détails du relief se sont estompés avec le temps ou nécessitent une lumière particulière pour attirer l’oeil sur certains éléments. C’est pour cette raison que les planches sont composées à la fois de clichés pris par mes soins et d’autres fournis par le musée.
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[42]
Dont Agnès Scherer, documentaliste au département AGER du Musée du Louvre.
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[43]
Ce changement a été identifié après une étude visuelle approfondie du relief ; il est légèrement visible sur les photographies effectuées par mes soins.
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[44]
Monnaies en or (aureus) et bronze (sestertius, dupondius, as), sous Hadrien 134-138 ap. J.C., frappées à Rome, cf. BMC Emp (Coins of the Roman Empire in the British Museum) III, p. 341-342 n. 793-807, p. 504-505 n. 1692-1706 ; Monnaies en argent (denarius), sous Hadrien ?, frappées en Asie Mineure, cf. BMC Emp III p. 379 n. 11, pl. 68. 20.
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[45]
RIC II, p. 375 n. 308-314.
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[46]
En supposant que ne figurait pas à l’origine une quelconque allusion égyptienne à cet emplacement du relief.
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[47]
Marie-Thérèse Picard-Schmitter, « “L’allégorie de l’Égypte” … », p. 34.
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[48]
Miguel John Versluys, Aegyptiaca Romana. Nilotic Scenes and the Roman Views of Egypt, coll. Religions in the Graeco-Roman World 144, Leyde, Boston, Brill, 2002.
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[49]
Cette proximité avait donné lieu à l’hypothèse selon laquelle le relief appartenait à un nymphée rempli par les eaux de l’aqueduc en question, comme on a pu l’indiquer auparavant dans les diverses interprétations de la figure centrale et rapidement pour l’attribution du relief à un monument.
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[50]
Ce qui est vraisemblable puisque les deux reliefs ont été offerts par la même personne la même année à deux musées différents. On peut donc supposer que depuis leur découverte ils étaient conservés ensemble, et ce jusqu’en 1856.
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[51]
Si les deux reliefs ont été réemployés dans un autre monument, on peut alors penser que le monument d’origine ne se trouvait pas forcément à la Malga.
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[52]
Dépêche du 18 février 1856, de Léon Roches, consul général de France à Tunis : « notice sur un bas-relief romain trouvé dans les ruines de Malga » réceptionnée par Adrien Prévost de Longpérier, alors conservateur des antiquités au Musée du Louvre. Hypothèse très vite oubliée.
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[53]
Médaillons sculptés d’Hadrien et panneaux de Marc-Aurèle repris sur l’Arc de Constantin à Rome présentant l’effigie de l’empereur, reliefs de la Cancelleria avec le portrait de Nerva remplaçant celui de Domitien, pour n’en citer que quelques exemples parmi tant d’autres.
List of figures
Le relief de Carthage est un panneau qui a été retrouvé en 1838 à la Malga, quartier de Carthage situé sur le flanc nord-ouest de la colline de Byrsa (acropole antique).
Il représente en son centre une figure féminine assise sur un rocher, accompagnée de deux enfants, l’un assis sur sa cuisse gauche et l’autre assis à sa droite.
Après une longue observation à partir des photographies du relief qui m’ont été fournies par le Musée du Louvre, un détail a attiré mon attention (B).
Sur les clichés, on peut voir à cet emplacement comme une démarcation, formant une sorte de rectangle avec des irrégularités.