Comptes rendus

Poplyansky, Michael, Clint Bruce, Joel Belliveau, Anne-Andrée Denault et Stéphanie St-Pierre (dir.). La dimension oubliée des années 1968. Mobilisations de minorités nationales au Canada et aux États-Unis (Québec, Presses de l’Université Laval, 2023), 320 p.

  • Caroline-Isabelle Caron

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  • Caroline-Isabelle Caron
    Université Queen’s

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Cover of Volume 77, Number 4, Spring 2024, pp. 1-141, Revue d’histoire de l’Amérique française

Depuis une quinzaine d’années, Michael Poplyansky, Clint Bruce et Joel Belliveau nous ont habitués à des publications de haute qualité, explorant des pans moins connus de l’histoire des Canadiens français et des Acadiens, notamment les bouleversements sociétaux et culturels des années 1960 et 1970. Dans ce collectif, ils nous présentent, avec Anne-Andrée Denault et Stéphanie St-Pierre, de nouvelles recherches sur les mobilisations de groupes minoritaires nationaux et nationalitaires en Amérique du Nord. Le livre, regroupant 10 chapitres et quatre témoignages d’acteurs de l’époque, est le fruit du colloque du Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne de 2018 commémorant le cinquantième anniversaire des événements de mai 1968. Un des objectifs avoués de l’ouvrage est de souligner la grande diversité des mobilisations minoritaires entre le milieu des années 1960 et 1980, et d’aller au-delà de l’Amérique française ce faisant. Les directeurs et directrices ont misé sur la multiplicité des approches et des sujets, incluant plusieurs chapitres examinant les mobilisations et revendications collectives de minorités canadiennes et états-uniennes non francophones autour d’un noyau d’études sur les Franco-Canadiens. Soulignant les importants recoupements idéologiques et politiques entre les Chicanos du Sud-Est américain (Ignacio M. García), les Afrodescendantes canadiennes (Sarah Nickel), les Autochtones au Canada (Lucie Terreaux), d’une part, et les minorités de langue française sur le continent, les chapitres montrent collectivement comment les années 1968 ont vu l’émergence de mouvements politiques parallèles « qui mènent des luttes censées soit assurer d’avantage d’autonomie …, soit promouvoir une meilleure intégration économique de celle-ci, soit encore mettre fin à la discrimination à leur endroit » (p. 1). Bien que les études se bornent aux années 1960 et 1970, les quatre témoignages de militants, regroupés en fin d’ouvrage, affirment combien les revendications des années 1968 doivent être contextualisées en aval des efforts d’après-guerre et en amont du militantisme des quarante dernières années, que ce soit au Québec (Nicole Boudreau), en Saskatchewan (Laurier Gareau), au Nouveau-Brunswick (Jean-Marie Nadeau) ou en Louisiane (David Chemarie). Groupées en trois parties quelque peu thématiques, les études révèlent d’abord certains angles morts de la recherche sur la période. Ingo Kolboom résume bien le silence quasi complet sur le Canada dans la multitude de publications européennes sur les mouvements sociaux des années 1968, remarquant que le souverainisme québécois était trop nationaliste pour ces jeunes baby-boomers de gauche. Poplyansky, pour sa part, démontre que si la jeunesse fransaskoise tranchait avec les leaders de la communauté à l’époque, elle en était idéologiquement assez proche pour partager un certain conservatisme social dont on ne se doutait pas. Les études soulignent ensuite l’importance d’appliquer des regards croisés, transnationaux, transfrontaliers et intersectionnels à cette période dont les acteurs ont surtout été examinés en silo jusqu’ici. Jérôme Melançon explore comment les imaginaires géographique et philosophique du Canada français décrits par Gabrielle Roy appellent au rapprochement affectif entre les Québécois et les autres Canadiens français. Stéphanie St-Pierre aborde plus prosaïquement le territoire franco-canadien en racontant la fondation de l’Institut franco-ontarien et du Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest, en réponse aux silences des chercheurs universitaires québécois à leur sujet. Comme la plupart des chapitres du collectif, ceux-ci révèlent les complexités du rapport à l’histoire des minorités étudiées. Tous les chapitres soulignent à leur manière comment les rapports divergents à Soi, à l’Autre et à l’État modulent, voire empêchent, la construction de liens générateurs entre les mouvements nationalitaires et les autres mouvements sociaux de l’époque. Les multiples positions idéologiques et sémantiques des mouvements de revendication examinés ici, leur relationalité et leur directionalité, aboutissent à une quasi-impossibilité de bâtir des ponts entre eux dans les années 1960 et 1970. Soit, des rapprochements institutionnels s’établissent …