Le contexte actuel, qui laisser présager la disparition prochaine de plusieurs congrégations religieuses, accélère la production de monographies qui leurs sont consacrées. Même s’il ne s’agit pas d’une commande, l’ouvrage de l’historienne Rosa Bruno-Jofré s’inscrit dans ce nouveau paysage historiographique fait de bilans et de synthèses. Il aborde l’histoire du chapitre canadien de la congrégation des Religieuses de Notre-Dame des Missions dans son ensemble, de sa première fondation au Manitoba en 1898 jusqu’au renouvellement des constitutions de 2008. Le cheminement théologique (ou théalogique) de la communauté, qui s’adapte aux contraintes économiques, sociaux et politiques canadiennes et occidentales, sert de fil conducteur à l’ouvrage. Il permet de dresser, sans sacrifier la cohérence, le portrait complexe et nuancé d’une pratique missionnaire qui s’est exercée plus d’un siècle dans quatre provinces différentes, dans des milieux tant anglophones que francophones, auprès d’Autochtones, de Métis ou d’immigrants européens récents, dans des écoles privées ou publiques, des pensionnats ou des externats. Dans la première des quatre parties qui composent l’ouvrage, Bruno-Jofré présente Euphrasie Barbier (1829-1893) et les idéaux jansénistes qui ont guidé la fondation de sa congrégation à Lyon en 1862. Vouées à l’éducation catholique dans le monde, les soeurs de Notre-Dame des Missions oeuvrent déjà en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Inde, notamment, quand elles fondent leur première mission canadienne dans le village manitobain de Grande Clairière, en 1898. Elles répondent alors à une invitation de Mgr Adélard Langevin, évêque de Saint-Boniface, pour qui l’inclusion de religieuses dans le système d’instruction publique manitobain assure le maintien de son influence sur la jeunesse catholique, un objectif qui s’arrime parfaitement avec la vision de l’éducation héritée d’Euphrasie Barbier. Axée sur la figure de l’Enfant Jésus, cette vision insiste sur la construction du sujet catholique (Catholic self) plutôt que sur l’enseignement formel. La partie suivante, qui regroupe les chapitres 3 à 8, fait état des nombreuses missions canadiennes qui se sont ajoutées à la première de 1898 à 1965. Cette partie aborde la transformation du travail missionnaire, qui se réoriente vers la survivance française au Manitoba et en Saskatchewan. Les religieuses sont aussi sensibles aux cultures minoritaires catholiques, notamment irlandaise, polonaise et allemande, et sont donc réfractaires aux principes de l’éducation universelle qui se popularisent au 20e siècle. Cette image de sensibilité culturelle est cependant quelque peu mise à mal au chapitre 5, quand Bruno-Jofré aborde la brève mission de sept mois, en 1900, menée par les religieuses dans le pensionnat autochtone du Lac-Croche, en Saskatchewan. On comprend en effet que ce sont moins les mauvais traitements infligés aux enfants et le délabrement des lieux qui les choquent que la soumission qu’attendent d’elles les pères oblats, responsables du pensionnat. Durant l’entre-deux-guerres, influencées par le féminisme canadien-français qui entraîne la création des premières écoles classiques pour filles au Québec, les soeurs de Notre-Dame des Missions fondent des collèges pour filles en Saskatchewan et participent ainsi à l’émancipation des femmes en leur permettant d’accéder à l’université. D’ailleurs, les femmes instruites qui se joignent à la communauté de vie consacrée à partir des années 1930 ne se satisfont plus de l’idéal de soumission ni du mode de vie semi-cloîtré qui caractérise toujours la congrégation. Les chapitres 6 à 8 relatent la crise des vocations qui s’ensuit et les différentes stratégies déployées pour y remédier. Dans les années 1960, révolution culturelle, guerre froide, keynésianisme et télévision accélèrent un mouvement de modernisation qui touche la congrégation comme le milieu de l’éducation. Les religieuses doivent alors s’adapter à la laïcisation et accepter la dépossession de leurs écoles. La troisième partie, qui regroupe les chapitres 9 et 10, aborde la redéfinition …
Bruno-Jofré, Rosa. The Sisters of Our Lady of the Missions. From Utramontane Origins to a New Cosmology (Toronto, Toronto University Press, 2020), 384 p.
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Marie-Ève Lajeunesse-Mousseau
Université du Québec à Rimouski
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