Comptes rendus

St-Gelais, Myriam. Une histoire de la littérature innue. Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2022, 156 p.[Record]

  • Tania Grégoire

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  • Tania Grégoire
    Université Sainte-Anne

Dans cet ouvrage, Myriam St-Gelais propose une analyse historique du développement de la littérature innue, de la tradition orale jusqu’aux productions contemporaines, en passant par l’émergence de la littérature écrite et publiée. Depuis les années 1970, on assiste à une résurgence des voix autochtones sur le territoire qu’on nomme aujourd’hui Québec, particulièrement dans l’espace littéraire. En effet, bien que toutes les nations autochtones concernées possèdent des traditions littéraires orales riches et bien établies au sein de leurs communautés, jusqu’à la décennie 1970 les oeuvres d’écrivaines et d’écrivains des premiers peuples avaient une place quasi inexistante dans la sphère publique. Or, au cours des dernières décennies, les créatrices et créateurs provenant des diverses nations autochtones du Québec ont investi l’espace artistique à un rythme de plus en plus soutenu et avec un succès grandissant. Toutefois, la production critique en français ayant pour objet leurs oeuvres n’a pas été proportionnelle et elle accuse un certain retard, surtout si on la compare à celle de nos homologues canadiens et états-uniens. Ainsi, il a fallu attendre 1993 pour voir publier le « premier ouvrage critique majeur entièrement consacré aux littératures des Premières Nations du Québec » (p. 101), puis plus de dix ans (2006) avant la parution d’un deuxième ouvrage critique d’importance équivalente. Considérant le foisonnement actuel des littératures autochtones au Québec, notamment de la littérature innue, plus particulièrement depuis les années 2010, l’ouvrage que nous propose Myriam St-Gelais arrive à point. Dans le premier chapitre, l’autrice dresse un portrait des pratiques littéraires ancestrales de la nation innue. Elle réfute la croyance populaire selon laquelle les littératures autochtones seraient issues d’une pratique récente, voire qu’elles découleraient directement de l’influence européenne et de la colonisation. St-Gelais explique que, même si aucun mot unique n’existe en innu-aimun pour désigner la littérature, celle-ci occupe bien une place de choix dans la culture, et ce, depuis longtemps. En s’intéressant aux origines de la pratique littéraire innue, St-Gelais la rapproche de la conception de la littérature partagée par de nombreuses nations autochtones d’Amérique du Nord. Cette conception, beaucoup plus fluide et inclusive que celle de la tradition occidentale, allie expressions scripturale, narrative et relationnelle. Chez les Innus, aussi bien que chez de nombreux premiers peuples, non seulement la pratique littéraire participe de la construction de l’imaginaire collectif, mais elle joue un rôle essentiel dans la transmission des savoirs ainsi que dans l’élaboration du rapport au territoire et à ses divers habitants. Ce retour aux racines de la littérature met en lumière une pratique diversifiée et établie, et ce, bien avant l’avènement de l’écriture alphabétique au sein des communautés innues. Le chapitre 2 s’intéresse à l’entrée de la littérature innue dans l’espace public au Québec. Après des millénaires de pratiques littéraires ancestrales, des autrices et auteurs autochtones et innus commencent, dans la décennie 1970, à publier des textes littéraires à l’échelle provinciale. C’est le début d’une prise de parole destinée « à l’ensemble de la population » (p. 31) québécoise. Cette période « est marquée par une augmentation importante du nombre de publications » (p. 3), ce qui contribue à un essor de l’autoreprésentation autochtone dans l’espace littéraire et à une réappropriation du discours et de l’imaginaire concernant les Autochtones. Bien qu’accompagnées de publications issues de diverses nations, les publications innues de cette période contribuent de manière importante à cette émergence littéraire. Le livre Je suis une maudite Sauvagesse / Eukuan nin matshimanitu innu-iskueu (1976) d’An Antane Kapesh constitue « le premier ouvrage littéraire écrit dans sa propre langue par un auteur innu » (p. 33) et publié par une maison d’édition professionnelle. Cette oeuvre, qui s’inscrit dans ce que …