Abstracts
Résumé
Après une hausse de son effectif tout au long du 19e siècle, la communauté marchande du district judiciaire de Trois-Rivières encaisse difficilement la crise économique de 1873 et la période de ralentissement qui suit jusque dans les années 1890. Des centaines de ses membres abandonnent la profession, dont un grand nombre à cause de faillite. Cette dernière situation n’empêche toutefois pas des dizaines de marchands de se remettre en selle et d’ouvrir un nouveau commerce. À cet effet, ils bénéficient de l’appui, au premier chef, de leurs épouses ou d’un autre membre de leur parenté. L’ouverture d’un nouveau commerce après une faillite apparaît donc ici comme une affaire de famille.
Abstract
After a continued growth in size throughout the 19th century, the merchant community inside the judicial district of Trois-Rivières had difficulty coping with the economic crisis of 1873 and with the years of sluggish economy that followed until the 1890s. Hundreds of merchants folded, often after having faced bankruptcy. However, bankruptcy did not prevent dozens of them from getting back on their feet and starting a new business. In doing so, they could count first and foremost on the support of their wives or other family members (their father, a son, a daughter, a brother, a sister, a brother-in-law, etc.). Launching a new business after a bankruptcy was largely a family affair.
Article body
Les marchands, comme objet d’étude, ont fait une entrée remarquée dans l’historiographie du Québec lors du débat sur l’existence ou l’absence d’une bourgeoisie sous le Régime français dans les années 1960, groupe auquel ils auraient été rattachés selon plusieurs historiens[1]. La question était alors de savoir si une véritable classe d’affaires s’était constituée en Nouvelle-France[2]. Depuis, notre connaissance de ce groupe s’est étoffée grâce à la parution de biographies de marchands – genre longtemps privilégié par nombre d’historiens et auquel plusieurs se consacrent encore aujourd’hui – et à des travaux sur des communautés de marchands d’une paroisse, d’une ville, d’une région ou d’un espace plus vaste[3].
Ces investigations ont permis de circonscrire les contours et les bases matérielles de ce groupe fortement hiérarchisé qui possède un grand pouvoir économique – grâce notamment au crédit, une source d’enrichissement et, à l’inverse, de débâcle lorsque la conjoncture économique se détériore[4] – et qui bénéficie d’un ascendant sur la société civile par sa forte emprise sur les fonctions ou charges publiques (maire, député ou préfet de comté, juge de paix, commissaire d’école, etc.). Par ailleurs, elles ont mis en évidence le dynamisme et l’esprit entrepreneurial de la gent marchande, tant des campagnes que des villes, aussi bien sous le Régime français qu’aux 19e et 20e siècles, ainsi que le caractère pluriel de ses activités. En effet, au-delà du seuil de leurs magasins, des marchands ont investi dans le commerce des fourrures, les industries rurales, l’exploitation forestière, le monde des transports, le marché foncier et, pour les plus nantis, le marché des capitaux, le monde de la finance et le commerce d’import-export[5]. D’autres recherches ont révélé que le rayonnement des activités de marchands de biens dépassait les limites de leur paroisse de résidence pour s’étendre aux localités circonvoisines, à leurs comtés, voire à l’extérieur de leurs régions[6]. Grâce à une source plutôt rare, à savoir le livre de comptes, des historiens ont examiné et pris la mesure du phénomène de l’endettement parmi la clientèle des marchands[7]. Ces documents s’avèrent encore utiles pour lever le voile sur les habitudes de consommation de la population[8]. D’autres écrits ont porté sur l’univers social et culturel de la famille marchande[9]. Pour finir, les enquêtes sur les marchands des dernières décennies nous auront appris qu’ils ont contribué à l’insertion des paysans dans l’économie de marché, à l’intensification des rapports villes-campagnes et, plus largement, à la transformation de la socioéconomie du Québec du 17e au 20e siècle.
L’historiographie évoluant dans de nouvelles directions depuis quelques années, le monde marchand est devenu un champ d’investigation passablement moins fréquenté. Pourtant, bien des aspects restent encore à explorer. Pensons à la gestion au quotidien d’un magasin, aux moments forts de l’activité annuelle d’un marchand d’après les livres de comptes et d’autres documents. Dans un autre ordre d’idées, on sait que les marchands achetaient aux paysans une partie de leurs récoltes. Or, il appert que plusieurs d’entre eux étaient également des producteurs agricoles, et non des moindres, et que l’exploitation de leurs fermes reposait sur le salariat[10]. C’est là une particularité moins connue de la pluriactivité marchande. Une autre dimension de l’univers marchand qui mérite d’être scrutée davantage – et qui retient principalement notre attention dans le cadre de cette recherche – est la place qu’y occupe la famille. Des contributions dans différents domaines de la recherche historique ont montré que la famille, cette « instance agissante et dynamique[11] », se révèle déterminante dans un grand nombre de situations et de contextes[12]. Qu’en est-il chez les marchands ?
Plusieurs écrits sur les agents économiques au Québec comportent des éléments se rapportant à la famille. Ainsi, on sait qu’elle est importante dans la création d’un nouveau commerce et, après coup, dans sa bonne marche et sa gestion quotidienne[13]. Comme dans bien d’autres professions, le métier de marchand s’exerce souvent de père en fils. Ainsi, tous les fils de François Perrault, marchand forain de Québec à l’entame du 18e siècle, vont se livrer au commerce[14]. Il en est de même des quatre fils d’Aaron Hart (Moses, Ezekiel, Benjamin et Alexander), le plus important marchand de la Mauricie dans le dernier tiers du 18e siècle[15]. Cinq fils naissent de l’union du marchand François Prévost et de Marie-Joseph Raymond, son épouse. Trois d’entre eux, Hyacinthe, Guillaume et Jean-Baptiste, deviennent marchands après avoir été artisans pendant quelques années. À propos de la famille Prévost, Claude Pronovost écrira qu’elle est à l’origine d’une véritable dynastie marchande sur la rive nord de Montréal[16]. En 1919, à Gaspé, le marchand Isaac Elias Hyman cède à son fils Percival Gerald la direction de l’entreprise familiale. Quarante-cinq auparavant, son père William lui avait confié cette même responsabilité[17]. Le père du marchand John Guay de Chicoutimi possédait un magasin à La Malbaie et un autre à Saint-André-de-Kamouraska, et deux de ses fils, Pierre-Alexis et Joseph Dominique, ont suivi ses traces[18]. Les marchands Alfred Caron et Alphonse-Pierre St-Laurent de l’est du Québec ont été initiés au monde du commerce par leur père[19].
En plus de leurs fils, des marchands comptent des gendres pratiquant la même profession qu’eux. Deux des filles de François-Augustin Bailly de Messein de Verchères convolent avec des marchands généraux de bonne famille[20]. Marie-Françoise, Marie-Josephe et Marie-Ursule Leroux dit Provençal, toutes trois filles de Jean, aubergiste devenu propriétaire de trois magasins dans la région du lac Saint-Pierre au 18e siècle, épousent des marchands de Berthier, de Saint-François-du-Lac et de Sorel respectivement[21]. Les conjoints des cinq filles du plus gros marchand de Louiseville au milieu du 19e siècle, Étienne Mayrand, déclarent la même profession que celle de leur beau-père. Leurs magasins sont tous situés dans le comté de Maskinongé (Louiseville, Maskinongé, Saint-Léon), à l’exception de celui de Louis-Romuald Fortier à Québec[22]. Au début du 19e siècle, 57 pour cent des conjointes des marchands-négociants de Québec sont issues d’une famille commerçante aisée[23].
À l’évidence, famille et commerce se révèlent des réalités étroitement reliées. À ce propos, John Francis Bosher affirme que le commerce entre le Canada et la France était une véritable affaire de famille au 18e siècle. La famille marchande apparaît même comme une unité commerciale ou une compagnie en bonne et due forme. Pour les gens du négoce de cette époque, la famille constitue un point d’ancrage et la principale source de sécurité. Elle est « la clé du monde marchand au 18e siècle, l’objet de son ambition, de ses loyautés les plus intenses, de tout son travail, et un espoir d’immortalité dans un monde incertain[24] ».
La clé de la réussite et de la prospérité d’un marchand réside souvent dans son insertion dans un réseau, ou dans ce que Bosher appelle « une grappe de familles marchandes[25] » par la voie du mariage. À cet égard, l’exemple de Guillaume Jung, un des plus grands négociants de Bordeaux au tournant du 18e siècle, est éloquent. D’origine modeste, Jung accède au grand commerce transatlantique à la suite de son mariage avec Marie Soumande, veuve native du Canada et épouse en premières noces d’un marchand français d’Orléans. En effet, par le biais de cette union, Jung devient membre à part entière d’une famille marchande puissante. Dès lors, il compte parmi ses parents François Hazeur, époux de la soeur de sa conjointe et capitaine de navire, Jean Grignon, époux de la tante des soeurs Soumande et négociant de La Rochelle, Pierre Gaigneur, beau-frère de Grignon et recruteur des émigrants pour le Canada, et François Viennay, gendre de Gaigneur et futur associé canadien de Jung[26]. Le mariage de Jean Leroux dit Provençal avec Charlotte Truillier dit Lacombe lui ouvre toutes grandes les portes du milieu marchand montréalais. La cousine de son épouse a été la seconde conjointe du marchand Pierre Guy[27]. D’autres membres de la famille Truillier dit Lacombe oeuvrent aussi dans le commerce[28]. Par son mariage en 1813 avec Jane McCallum, fille de Thomas McCallum, un des plus influents marchands de Québec, John White a l’occasion d’élargir son réseau de connaissances et de donner une nouvelle impulsion à ses activités commerciales. Thomas McCallum voit aussi des avantages dans cette union, puisque John White et son frère Thomas ont réussi à se tailler une place enviable au sein de la communauté de marchands-négociants de la capitale[29]. En somme, la vigueur du milieu marchand prend appui, pour une bonne part, sur les liens de parenté.
La famille joue encore un rôle de premier plan dans d’autres circonstances. Pensons ici à celles entourant l’ouverture d’un nouveau magasin après qu’un marchand a été dans l’obligation de déclarer faillite et de céder ses biens à ses créanciers. Dans sa thèse de doctorat, André Roy s’est intéressé à cette question. Il indique que des femmes de marchands ont mis sur pied des commerces après que leurs conjoints eurent été contraints de déposer leur bilan[30]. Notre enquête entend pousser plus avant cette réflexion. En effet, le jumelage et le croisement de diverses sources (listes nominatives des recensements canadiens, dossiers de la Cour supérieure, registres de déclarations sociales, greffes de notaires, données généalogiques, inventaire de contrats de mariage, répertoires de mariages, etc.) ont permis de mettre au jour les stratégies de marchands faillis pour se relancer en affaires – dans plusieurs cas quelques semaines seulement après leur faillite – grâce à la complicité soit de leurs conjointes, soit d’autres membres de la parenté, voire de personnes non apparentées, et ce, sans que leurs créanciers et les instances judiciaires y puissent quoi que ce soit. L’objectif de ce texte est de rendre compte des rouages de ces stratégies.
Le terrain d’enquête et la trame temporelle de cette étude sont le district judiciaire de Trois-Rivières dans le dernier tiers du 19e siècle, période marquée par la grande crise économique de 1873 dont les répercussions se font sentir pendant plus d’une vingtaine d’années. À l’époque de sa création en 1790, ce district judiciaire reprend les limites du gouvernement de Trois-Rivières sous le Régime français. Après des amputations qui ont donné naissance aux districts de Saint-François (1831), puis d’Arthabaska et de Richelieu (1857), le district de Trois-Rivières regroupe d’est en ouest les comtés de la Mauricie, soit ceux de Champlain, Trois-Rivières, Saint-Maurice et de Maskinongé sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, et celui de Nicolet dans l’actuelle région du Centre-du-Québec sur la rive opposée. Ce dernier comté sera retranché du district de Trois-Rivières lors de la formation du district judiciaire de Nicolet en 1915[31].
Notre exposé comporte deux volets. Dans un premier temps, histoire de camper le décor, nous brossons un tableau de l’effectif marchand dans le district de Trois-Rivières des dernières décennies du 19e siècle. Puis, dans un deuxième temps, nous examinons les répercussions de la crise de 1873 sur le monde marchand de la Mauricie et du comté de Nicolet et les actions déployées par des marchands faillis pour se remettre en selle et reprendre leurs activités dans les plus brefs délais.
L’effectif marchand dans le district judiciaire de Trois-Rivières, 1871-1891
L’essor du monde marchand au Québec durant le 19e siècle se calque sur la croissance urbaine et villageoise et sur les avancées du front pionnier. En effet, l’augmentation de la population des villes et des villages engendre des activités reliées au secteur des services dont, entre autres, des commerces de diverses natures. Dans l’arrière-pays, l’ouverture d’une nouvelle paroisse signifie l’apparition prochaine d’au moins un magasin général à l’intérieur de ses limites quelques années plus tard. Au début des années 1830, 111 marchands tiennent boutique dans le district judiciaire de Trois-Rivières. Au mitan du 19e siècle, leur nombre s’élève à 217, dont plus de la moitié sont installés dans le vaste comté de Saint-Maurice qui comprend la ville de Trois-Rivières[32]. À lui seul, le chef-lieu régional est alors l’hôte de 28 magasins[33].
La progression de l’effectif marchand continue dans les décennies suivantes : 356 agents en 1871 et jusqu’à 497 en 1881 (figure 1). Le comté de Trois-Rivières apparaît comme le principal centre de commerce du district au cours de cette période avec environ 30 pour cent des marchands, alors qu’il n’abrite qu’environ 10 pour cent de la population. Il est suivi par ceux de Nicolet et de Champlain qui enregistrent la plus forte hausse du nombre de représentants du commerce entre ces deux années (44 marchands dans chacun d’eux contre 35 dans Trois-Rivières). Sans surprise, les chefs-lieux des comtés ruraux hébergent un plus grand nombre de marchands : jusqu’à une trentaine à Louiseville (Maskinongé) et à Nicolet (comté du même nom), et une vingtaine à Yamachiche (Saint-Maurice) en 1881, tout comme à Sainte-Anne-de-la-Pérade (Champlain) et à Saint-Pierre-les-Becquets, un pôle du monde rural dans l’est de Nicolet. Des paroisses nées avant le 19e siècle, comme Saint-François-Xavier-de-Batiscan et Sainte-Geneviève-de-Batiscan dans le comté de Champlain, Maskinongé dans le comté du même nom, Bécancour, Saint-Grégoire et Gentilly dans le comté de Nicolet, comptent, elles, plus de 10, ainsi que Saint-Léon, la première paroisse fondée dans l’arrière-pays maskinongeois.
Si l’activité commerciale montre une grande vitalité dans les années 1870, et ce, malgré la crise économique qui sévit alors[34], il en va autrement dans la décennie suivante. De fait, la communauté marchande du district est frappée de plein fouet par le ralentissement de l’économie, puisque seulement 11 personnes viennent grossir ses rangs entre 1881 et 1891 (figure 1). Quelques-unes des principales places marchandes voient leurs effectifs décroître : Trois-Rivières (de 142 à 134), Yamachiche (de 22 à 15), Saint-Pierre-les-Becquets (de 22 à 9), Louiseville (de 30 à 27). À l’inverse, elles connaissent une hausse à Nicolet (de 37 à 46) et à Maskinongé (de 15 à 18). Dans d’autres paroisses, l’effectif fait plus que doubler, comme à Champlain, Saint-Paulin et Mont-Carmel sur la rive nord, Saint-Léonard et Sainte-Brigitte-des-Saults sur la rive opposée. Tous ces contrastes montrent que la socioéconomie du district judiciaire trifluvien n’est pas figée, que ses composantes évoluent à des rythmes différents au fil du temps. Les années 1881-1891 se caractérisent encore par une augmentation du nombre de représentants du négoce inférieure à celle de la population (2,2 % contre 6 %), contrairement à ce qu’on observe dans la décennie précédente (39 % et 13 % respectivement) et les années antérieures[35].
En fait, la présence marchande tend à s’accentuer à mesure que s’écoule le 19e siècle. Ainsi, en 1831, on compte un marchand par tranche de 329 habitants. Vingt ans plus tard, ce rapport est d’un pour 284 habitants, puis d’un pour 222 habitants en 1871, et d’un pour 180 habitants en 1881. Enfin, on enregistre un léger recul en 1891 : un marchand par tranche de 187 habitants. Cela dit, certaines paroisses ont été moins bien pourvues au chapitre des commerces. En 1891, dans l’arrière-pays mauricien, on compte un marchand pour plus de 650 habitants à Hunterstown, Sainte-Ursule et Saint-Sévère. En 1871, il n’y a qu’un seul marchand à Sainte-Thècle pour répondre aux besoins d’une population de 1 147 personnes. À l’opposé, on trouve dans les pôles du monde rural comme Louiseville et Nicolet un marchand pour chaque centaine d’habitants, et à Trois-Rivières, un marchand pour environ 80 personnes en 1871, et un pour 65 en 1881[36].
Qui sont ces agents de la vie de relation ? La grande majorité d’entre eux se déclarent marchands tout court. Quelques-uns combinent une autre profession avec celle de marchand : cultivateur (cinq en 1871, une dizaine en 1881), notaire, médecin, hôtelier, boulanger, forgeron et professeur. Dans les années 1870, Isidore Dugré de Trois-Rivières est décrit comme un épicier et un entrepreneur de pompes funèbres[37]. Ces cas de double profession sont relevés principalement dans les campagnes. On rencontre aussi des commerçants, une dénomination professionnelle ambiguë et imprécise[38]. Selon la loi sur la faillite de 1875, la notion de commerçant recouvre un large spectre de professions qui déborde largement l’univers du commerce[39]. Le terme est abondamment utilisé sous la rubrique des avis de faillite dans la Gazette officielle du Québec. Des vérifications dans d’autres documents indiquent qu’on nomme « commerçants » des personnes qui oeuvrent dans le secteur de la fabrication et de la construction (menuisiers, tanneurs, manufacturiers, etc.)[40]. C’est pourquoi nous avons veillé à recouper les données des recensements nominatifs avec d’autres sources pour nous assurer que les commerçants appartiennent bel et bien au groupe des marchands. Dans un certain nombre de cas, la réponse a été trouvée dans les feuillets des recensements mêmes lorsque, par exemple, un « commerçant » se déclarait marchand dix ans plus tard. Comparé aux précédents, le recensement de 1891 témoigne d’une plus grande spécialisation du monde marchand. En effet, y sont recensés des marchands de toutes sortes : de nouveautés, de fruits, de liqueurs, de marchandises sèches, de jouets, de vaisselle, de meubles, de chapeaux, de fer, de bonbons, d’instruments de musique, de chaussures, de machines à coudre, d’épices, etc. Des marchands vendent sous le même toit des produits dont l’association semble pour le moins improbable. Par exemple, en 1892, Joseph Fortin de Louiseville se déclare marchand de pianos et d’instruments aratoires[41]. Cette diversité est plus perceptible à Trois-Rivières (jusqu’à une trentaine d’intitulés professionnels reliés au commerce) et dans les petits centres urbains de Nicolet et de Louiseville (une dizaine de mentions professionnelles différentes). Il n’y a qu’à Trois-Rivières qu’on recense dans les années 1870 des quincailleries et des commerces d’importation de thés, de vins, de liqueurs et de provisions de toutes sortes, comme ceux d’Onésime Carignan et de Joseph Dargis[42].
La communauté marchande du district de Trois-Rivières se compose d’individus dans la force de l’âge. Environ 30 pour cent d’entre eux sont âgés de 30 à 39 ans et 25 pour cent de 40 à 49 ans (figure 2). Une autre tranche de 18 pour cent appartient au groupe d’âge des 20 à 29 ans. À mesure que les années passent et que la conjoncture se complique, les vieux routiers se font plus présents. La proportion des marchands cinquantenaires et dans la soixantaine gagne en importance : de 21 pour cent en 1871 à 29 pour cent en 1891.
Les marchands de nationalité autre que canadienne-française ne sont pas légion en Mauricie et dans le comté de Nicolet. Ils ne forment que 6 pour cent du groupe en 1871, et ce pourcentage recule à 2 pour cent vingt ans plus tard. Il s’agit essentiellement de personnes d’origine britannique (Anglais, Écossais et Irlandais) et allemande, auxquelles se joignent un Russe et un Juif en 1881, deux Italiens, deux Américains, deux Jersiais, un Autrichien et un Français en 1891. Pas moins de la moitié de ces marchands résident à Trois-Rivières.
La concurrence est extrêmement vive dans le monde du commerce. Dans son étude sur les marchands de la partie nord du district de Montréal au 18e siècle et dans la première moitié du siècle suivant, Claude Pronovost souligne qu’un marchand sur deux exerce cette profession plus de cinq ans, l’autre l’abandonnant après moins d’un an. La réussite se mesurait alors à la capacité d’un marchand de tenir boutique pendant une décennie[43]. Même Samuel Jacobs, le plus important marchand de la vallée du Richelieu à la fin du 18e siècle, a éprouvé de sérieuses difficultés certaines années en raison des comptes en souffrance de ses débiteurs et de l’empressement de ses créanciers à se faire payer[44]. La situation n’est guère meilleure dans le district judiciaire trifluvien du dernier tiers du 19e siècle. Sur les 356 marchands dénombrés en 1871, 103 sont toujours actifs en 1881 (29 %). Il en est de même dans la décennie suivante : 144 des 497 marchands de 1881 ont réussi à garder ouvertes les portes de leur magasin en 1891 (29 %). C’est donc dire que moins du tiers des agents du commerce travaillent toujours dans ce secteur d’une décennie à l’autre[45]. La proportion des marchands qui ont pignon sur rue pendant vingt ans, de 1871 à 1891, est encore plus faible, soit 12 pour cent[46].
La concurrence est à ce point forte qu’elle donne parfois lieu à des poursuites judiciaires. Par exemple, en 1879, Louis-Flavien-Timoléon Buisson, commerçant de marchandises sèches de Trois-Rivières, réclame 2 000 dollars à Télesphore Lacerte, propriétaire du commerce de marchandises sèches voisin, pour les raisons suivantes : 1) le demandeur a été contraint de déménager son commerce au coin des rues Notre-Dame et Saint-Alexandre parce que les employés de Lacerte empêchaient des clients de franchir le seuil de son magasin de la rue Notre-Dame ; 2) Lacerte a fait courir une rumeur selon laquelle Buisson était sur le point de déclarer faillite ; 3) l’intimé a enlevé les affiches qui indiquaient le déménagement du magasin de Buisson. Finalement, Buisson obtient en partie gain de cause et Lacerte doit lui verser 500 dollars, au lieu des 2 000 dollars initialement demandés[47].
À vrai dire, les marchands capables de faire carrière dans le commerce leur vie durant sont peu nombreux. Nazaire Gagnon (1822-1891) de Champlain et Raphaël Lambert (1822-1898) de Louiseville comptent parmi eux. Ils doivent en partie leur réussite aux prêts et aux avances de marchandises qu’ils ont accordés à des dizaines d’habitants de neuf paroisses du comté de Champlain dans le cas du premier, et de cinq paroisses du comté de Maskinongé dans le cas du second[48]. En plus de son commerce à Champlain, Gagnon ouvre une épicerie à Trois-Rivières en 1882 avec son fils aîné, Joseph-Antoine, sous la raison sociale de J.-A. Gagnon & Cie[49]. Deux ans plus tard, il forme la société N. Gagnon et Fils avec Joseph-Gustave, son second fils, pour exploiter son magasin de Champlain[50]. De son côté, Lambert a possédé une scierie jumelée à un moulin à planer avec deux de ses neveux, Odilon et Agapit Desrosiers[51]. De plus, il a été actionnaire de la Société de navigation du lac Saint-Pierre (1861), un des fondateurs de la Société de construction Victoria (1871) et directeur de la Compagnie de l’aqueduc de Louiseville (1881). Après son décès, son fils, Irénée-Raphaël Lambert, a pris en main le magasin en bordure de la Petite rivière du Loup[52].
La « Grande Dépression » de la fin du 19e siècle et l’ouverture de nouveaux commerces après une faillite
En plus de la forte concurrence, les marchands du district judiciaire de Trois-Rivières ont dû composer avec la crise économique de 1873, élément déclencheur de la « Grande Dépression » ou de la première crise économique mondiale qui allait durer jusque dans les années 1890[53]. Pays de ressources dont les productions sont en partie destinées aux marchés extérieurs, l’espace mauricien et le comté de Nicolet ont durement encaissé la période de stagnation des trois dernières décennies du 19e siècle. Sur le plan démographique, la poussée des années 1851-1881 – sauf pour les comtés de Maskinongé et de Saint-Maurice entre 1861 et 1871 – est brisée par une décennie de ralentissement (tableau 1). Les comtés de Trois-Rivières et de Saint-Maurice enregistrent même un fléchissement de leur population. Entre 1881 et 1891, la ville de Trois-Rivières perd quelques centaines d’habitants (de 8 670 à 8 334)[54]. Par ailleurs, à l’instar d’autres districts, le district trifluvien est confronté au départ d’une partie de sa population au profit des villes manufacturières américaines. Ainsi, selon le folkloriste et historien Édouard-Zotique Massicotte, la paroisse de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, chef-lieu du comté de Champlain, voit partir quelque 400 de ses habitants vers les centres urbains de la Nouvelle-Angleterre et du Midwest américain entre 1880 et 1892[55]. À l’autre extrémité de la Mauricie, en 1880, de quatre à cinq familles du comté de Maskinongé prennent chaque jour le train à la gare de Louiseville pour les États-Unis[56].
Le monde du commerce a été durement sonné par la crise. Un grand nombre de marchands ont dû fermer boutique, tandis que plusieurs n’ont eu d’autre choix que de déclarer faillite. D’ailleurs, à la lumière des données sur le nombre de faillites dans le district judiciaire[57], il appert que les marchands ont été plus éprouvés que les artisans et les manufacturiers. De fait, sur les 567 faillites relevées dans le district en 1869 et 1899, 348 (61 %) se rapportent à des membres de la communauté marchande (figure 3)[58]. Chaque année de ces trois décennies, plus de 50 pour cent des faillis tenaient un commerce de détail, sauf en 1871, 1873, 1879 et 1896. Les marchands ont été particulièrement frappés en 1875 et 1889 avec plus de 30 faillites annuelles, et 26 autres en 1890. Le seul moment de répit qu’ils ont eu en cette fin de siècle mouvementée est survenu au début des années 1880 lors d’une reprise de l’économie[59].
On dénombre au moins une faillite de marchand dans la plupart des quelques 50 localités du district judiciaire à la fin du 19e siècle (figure 4). La ville de Trois-Rivières, principal pôle commercial entre Québec et Montréal, essuie à elle seule plus du tiers des faillites du district (125 sur 348). Quarante d’entre elles ont lieu au début de la crise, soit entre 1873 et 1876. Après Trois-Rivières, c’est le comté de Nicolet qui écope le plus avec 90 faillites, dont 26 à Nicolet, le chef-lieu, suivi par Gentilly (12) et Saint-Pierre-les-Becquets (11). Jusqu’à 76 faillites sont recensées dans le comté de Champlain. La paroisse la plus touchée de ce comté est son chef-lieu, Sainte-Geneviève-de-Batiscan, avec 15 faillites. Enfin, le comté de Maskinongé enregistre 35 faillites, dont la moitié à Louiseville seulement, et celui de Saint-Maurice, 22.
Aucun marchand, aussi bien parmi les plus importants que parmi les plus petits, n’est à l’abri de la débâcle. Timothy Lamb Louthood, Louis-Flavien-Timoléon Buisson et Joseph Petitclerc de Trois-Rivières, ainsi qu’Amédée Bussières de Saint-Grégoire, possèdent des fonds de commerce imposants d’une valeur de plus de 7 000 dollars, ce qui ne les a pas empêchés de déposer leur bilan, au même titre que Joseph Gélinas de Saint-Barnabé et George Perreault de Saint-Pierre-les-Becquets dont les stocks en magasin sont évalués à une centaine de dollars seulement[60]. Des marchands accumulent les créances de leurs clients et, par voie de conséquence, se trouvent dans une situation précaire. Les créances ou dettes actives de Jean-Baptiste Scott de Nicolet totalisent 15 800 dollars. Cet imposant montant constitue plus de 50 pour cent de son actif (fonds de commerce, dettes actives, « roulant », biens immeubles et autres) au moment de sa faillite en 1887[61]. Cette proportion dépasse les 60 pour cent dans le cas de Siméon-Hilaire Frigon de Saint-Tite (1 700 $ de dettes actives sur un actif total de 2 700 $)[62]. En plus de leurs débiteurs, les marchands doivent composer avec leurs créanciers. Sur 64 marchands dont nous avons le bilan complet au moment où ils font cession de leurs magasins, le quart déclarent un passif (dettes envers leurs fournisseurs) plus élevé que leur actif. Dans certains cas, le premier représente le double du second. Par exemple, en 1892, les créanciers de Timoléon Lacoursière de Saint-Stanislas lui réclament en 1892 6 050 dollars cependant que son actif s’élève 2 350 dollars[63]. En 1890, Joseph-Ferdinand Plourde de Saint-Étienne-des-Grès doit 5 910 dollars à ses fournisseurs, alors que tout ce qu’il possède est évalué à 2 125 dollars[64].
Une trentaine de marchands ont déclaré faillite deux fois. De surcroît, quelques-uns ont dû faire face à une telle situation dans la même année. En 1873, Macaire Dénéchaud de Trois-Rivières dépose un premier bilan au mois de juin avec son associé John Benjamin Hamilton Rickarby (Dénéchaud & Rickarby), puis un second en décembre avec son autre associé, Georges Lupien (Dénéchaud et Cie)[65]. Au mois d’octobre 1889, Édouard Caron, cultivateur de Louiseville, cède coup sur coup à ses créanciers son commerce de foin et un autre commerce de grains, de bois de sciage et de foin qu’il détenait avec Ignace Leclerc, commerçant de Louiseville (Caron & Leclerc)[66]. Pour leur part, Joseph Frigon de Saint-Maurice et Trefflé Lacroix de Sainte-Flore, puis de Trois-Rivières, ont été trois fois en faillite en l’espace de cinq ans (de 1871 à 1876)[67]. Et, comble de malheur, François-Xavier Panneton a été dans l’obligation de négocier à quatre reprises avec ses créanciers : en avril 1875 à titre de marchand- tailleur avec son partenaire Henri Rocheleau sous la raison sociale de Panneton et Rocheleau ; au mois de mai de la même année à titre de négociant ; en 1878 comme marchand ; en 1889 alors qu’il est propriétaire d’un hôtel[68].
Une fois leurs biens liquidés, le dû versé à leurs créanciers et le compte final de leurs syndics déposé, nombre de marchands cessent de faire du commerce pour s’engager dans une autre voie. Par exemple, Moïse Girard de Saint-Célestin devient maître de poste, et Froby Valentine de Trois-Rivières, agent d’assurances et comptable[69]. Plusieurs retournent à leur vocation première. C’est le cas de Théophile Désy de Saint-Tite et de Pierre Massicotte de Saint-Luc-de-Vincennes qui, désormais, se consacrent entièrement au travail de la terre[70]. Par contre, d’autres, déterminés et battants, décident de continuer d’exercer la profession de marchand, à condition toutefois d’obtenir la décharge ou la libération de leurs dettes à l’égard de leurs créanciers. Cette attestation signifie que la « composition » par laquelle le failli s’engage à payer à ses créanciers 33 cents pour chaque dollar dû – suivant la loi sur la faillite de 1875[71] – est entièrement versée. Cela dit, il existe un écart entre ce que la loi prévoit et la réalité. En fait, les recouvrements des créanciers atteignent rarement cette proportion[72]. Uldoric Grenier de Trois-Rivières et Joseph-François Trottier de Grand-Mère remboursent, respectivement en 1892 et en 1899, 25 cents pour chaque dollar qu’ils doivent à leurs créanciers, et Édouard Lemaître Augé de Louiseville, 23 cents en 1879[73].
Des marchands obtiennent assez rapidement leur décharge. Amable-William Bernier de Saint-Justin la demande deux mois seulement après sa faillite en 1869[74]. À l’inverse, d’autres doivent s’armer de patience. Calixte Bernard de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, James Bailey de Sainte-Monique et Robert Scott de Sainte-Angèle-de-Laval ont attendu entre douze et dix-huit mois[75]. Pour leur part, les marchands-tailleurs Pierre-Honoré Rocheleau et Honoré-Zéphirin Lord de Trois-Rivières, dont les sociétés dans lesquelles ils étaient associés ont déclaré faillite en 1875, s’adressent aux instances judiciaires pour avoir leur décharge en 1879[76].
D’autres marchands n’attendent pas la sanction de la justice pour se relancer en affaires[77]. Leur survie en dépend. Nous en avons recensé plus de 80 dans le district judiciaire de Trois-Rivières, et il est peu probable que ce dénombrement soit exhaustif. Vingt-huit d’entre eux (totalisant 31 faillites) peuvent compter sur leurs conjointes, avec qui ils sont mariés en séparation de biens[78], pour ouvrir un nouveau magasin (annexe 1). En effet, sous ce régime matrimonial, les avoirs et les biens des épouses sont à l’abri des réclamations des créanciers de leurs conjoints. Ces femmes deviennent alors propriétaires de commerces enregistrés, pour la plupart, sous la raison sociale de leur époux, alors que ces derniers se retrouvent derrière le comptoir de ces établissements[79]. Joseph Bourgeois de Sainte-Angèle-de-Laval, Nestor Desilets de Saint-Tite, Jean-Baptiste Douville de Saint-Stanislas, Raoul-Gustave Frigon de Sainte-Thècle, Joseph-Philippe Godin, Charles Dion et Napoléon Morissette de Trois-Rivières ont en commun de faire faillite dans les années 1890 et de se déclarer marchand ou commerçant au premier recensement du 20e siècle, en 1901. Entre le moment de la faillite et l’ouverture du nouveau magasin, il s’écoule souvent moins de trois mois (20 cas sur 31). Pour James Charles Malone et Pierre-Avila Gouin de Trois-Rivières, tout se déroule dans le même mois. Malone, commerçant de foin, dépose son bilan en avril 1888. Le 28 du même mois, sa conjointe, Sarah Caron, fonde la société James C. Malone & Cie. Gouin remet l’ensemble des biens de son commerce en décembre 1890. Quelques jours plus tard, le 23 décembre, le magasin P.A. Gouin & Cie d’Hélène Brunelle, sa conjointe, ouvre ses portes.
Plus d’une fois, des épouses sont venues à la rescousse de leurs conjoints. Marie-Arcelie Matte de Trois-Rivières crée les sociétés J.P. Godin en 1879 et J.P. Godin & Co. en 1896 après les faillites de son mari, Joseph-Philippe Godin. Clara Bondy de Trois-Rivières en fait autant à l’égard de son époux, Narcisse Gélinas. La première fois, en 1879, elle bénéficie de l’appui de son beau-frère Isaïe Dufresne avec qui Narcisse Gélinas s’associe en 1881 sous la raison sociale de Dufresne et Gélinas[80]. Que serait devenu le commerce de Narcisse Trahan sans ses trois conjointes ? Ce marchand de Nicolet fait une première fois cession de ses biens au mois d’octobre 1874. Un an et neuf mois plus tard, soit le 15 juillet 1876, la société Trahan & Cie voit le jour avec Adéline-Rebecca Rousseau à sa tête, l’épouse de Trahan depuis un mois seulement. Elle meurt en 1879. Cette même année, Trahan convole avec Marie-Louise Hébert qui, en 1882, « certifie faire commerce comme marchande publique sous la raison sociale N. Trahan et Cie ». En 1889, Trahan fait une seconde fois faillite, quelques mois avant le décès de sa seconde épouse. Puis, l’année suivante, c’est au tour de la troisième conjointe de Trahan, Marie-Malvina-Félonise Giroux, d’ouvrir un magasin général à Nicolet sous la raison sociale Trahan & Compagnie[81].
Repartir en affaires est une opération un peu plus compliquée pour les marchands mariés en communauté de biens. Leur nombre s’élève à 21 (annexes 2 et 3). La solution pour eux consiste dans la séparation de biens, qu’ils obtiennent par l’entremise et avec la complicité de leurs épouses. La façon d’y arriver est la suivante : les conjointes intentent un procès à leur époux et réclament que leur mariage soit dorénavant sous le régime de la séparation de biens[82]. Les raisons invoquées devant le juge de la Cour supérieure du district judiciaire sont à peu près toujours les mêmes : « les malheurs et les mésaventures » de l’intimé, ses « pertes considérables », ses « dettes au-delà des moyens dont il peut disposer », son « peu de capacité pour conduire ses affaires », sa « mauvaise administration », ses « mauvais marchés », ce qui l’a obligé à « faire cession de tous ses biens pour le bénéfice de ses créanciers[83] ». Delphine Lesieur Desaulniers parle de la « ruine complète » de son conjoint, et Louise Papineau de « l’inconduite et l’incurie » du sien[84]. Au sujet de l’époux de Papineau, Napoléon Rouette, un témoin au procès, déclare : « Depuis quelques années, le défendeur a tenu une bien mauvaise conduite ; il s’est adonné aux liqueurs enivrantes ; dans ses boissons, il était prodigue et faisait de folles dépenses. Il négligeait ses affaires et faisait de folles entreprises où il perdait de l’argent considérablement[85]. »
Le portrait des marchands faillis brossé, leurs épouses font ensuite valoir qu’en raison de la situation de leur conjoint, elles ne peuvent profiter du « produit de [leur] industrie et de [leurs] économies » et, argument suprême, qu’elles éprouvent des difficultés à subvenir aux besoins de leurs enfants « exposés à la misère[86] ». Devant de tels arguments, le juge accède volontiers aux demandes des épouses et accorde la séparation de biens. Une fois le nouveau statut matrimonial acquis, les conjointes des marchands procèdent à l’ouverture d’un nouveau magasin quelques semaines, voire quelques jours plus tard, sous la raison sociale de leur compagnon de vie (annexe 2). Celui de Marie-Louise O’Keeff de Trois-Rivières accueille ses premiers clients le 24 avril 1888, soit une semaine après sa séparation de biens. Le commerce de Léa Jacques de Saint-Pierre-les-Becquets, lui, ouvre ses portes deux jours seulement après le jugement de la Cour supérieure.
L’obtention de la séparation de biens pouvant prendre plusieurs mois, des marchands mettent sur pied un nouveau commerce avec la collaboration d’une tierce personne, très souvent un membre de la parentèle. Sept des 22 marchands mariés en communauté de biens au moment de leur faillite ont recours à cette stratégie (annexe 3). Pour l’illustrer, prenons l’exemple de Thomas Mercier. Ce marchand trifluvien déclare faillite le 29 avril 1891. Dès le lendemain, Victoria Soucy, servante et nièce de Mercier, se rend au palais de justice de Trois-Rivières et fait inscrire au registre des déclarations sociales la création de la société Thomas Mercier & Cie. Six mois plus tard, le 2 novembre 1891, Soucy déclare mettre un terme aux activités de son entreprise. La journée même, la société Thomas Mercier & Cie renaît avec Marie-Lumina Gélinas à sa tête, l’épouse de Thomas Mercier récemment séparée de biens de son conjoint[87]. Pour leur part, Joseph Massé de Sainte-Angèle-de-Laval, Noé-Gustave-Louis Lehouiller et Joseph-François Trottier de Grand-Mère font appel à leurs beaux-frères dans le même but. Faute de parents, Uldoric Grenier de Trois-Rivières se tourne du côté de son ancien commis de magasin, Napoléon Rouette, pour la bonne marche de son nouvel établissement. Prime Houle de Sainte-Perpétue et Pierre Cerrutti de Trois-Rivières bénéficient quant à eux de l’aide de leurs voisins, Alphonse Lambert et Henry Ezekiel Hart, respectivement ouvrier et rentier[88].
À l’évidence, les femmes se révèlent des actrices de premier plan dans la reprise des activités des marchands – tant de la ville que de la campagne – confrontés à la faillite[89]. Mais elles ne sont pas les seules. Pères, fils, filles, soeurs, frères, beaux-frères, brus, petits-cousins viennent prêter main-forte lorsqu’un membre de la famille oeuvrant dans l’univers du commerce fait face à des difficultés financières menant à la faillite (annexe 4). Dans quelques cas, cette aide se manifeste très rapidement. Césarie Bégin de Trois-Rivières, fille de Joseph qui a fait cession de ses biens en avril 1890, ouvre le magasin Joseph Bégin & Cie à la fin du même mois. Joseph Petitclerc de Trois-Rivières peut compter sur sa soeur Éphémie, Thomas Bédard de Nicolet et Jean-Baptiste Montambault de Saint-François-Xavier-de-Batiscan sur leurs filles, Joseph-Alphonse Grenier de Louiseville sur son frère, Joseph-Raoul Lemire sur son père et Philippe-Eusèbe Panneton, en société avec son fils, sur son autre fils, Alfred, pour démarrer un nouveau commerce dans le mois suivant leur faillite.
La relance des activités d’un marchand par un membre de la parenté n’est toutefois pas gage de réussite. À l’instar de leurs époux, Amanda Gagnon de Yamachiche, Élizabeth Girardin de Nicolet, Louise Papineau et Marie-Louise O’Keeff de Trois-Rivières sont ainsi acculées à la faillite. Alfred Thibodeau de Saint-Célestin, père d’Eugène-A.-T., doit fermer boutique après à peine une année d’activité. Clémentine Bédard de Nicolet, fille de Thomas, doit faire de même. Les magasins à Trois-Rivières d’Alexandre Godin, frère de Joseph-Édouard, et d’Éphémie Petitclerc, soeur de Joseph, connaissent le même sort.
* * *
Les rangs du groupe des marchands du district de Trois-Rivières grossissent de façon continue durant la majeure partie du 19e siècle. De 1831 à 1851, ils se multiplient presque par deux. Puis, dans les vingt années suivantes, de 1851 à 1871, leurs effectifs augmentent de 60 pour cent. Cette poussée se poursuit durant la décennie suivante (hausse de 40 % de la cohorte), et ce, en dépit de la conjoncture économique défavorable qui se manifeste par l’abandon de la profession marchande par plus d’une centaine de personnes et par la faillite de quelque 140 commerces, un sommet inégalé jusqu’à la fin du siècle. Les années 1880 et 1890 se déroulent sous le signe du marasme économique. Des dizaines d’autres marchands mettent la clé sous la porte, et le district enregistre près de 200 faillites de commerces.
Affligés par la cession et la liquidation des biens de leurs magasins, des marchands se relèvent et mettent tout en oeuvre pour démarrer une nouvelle affaire. À cet effet, nombre d’entre eux font appel à la solidarité familiale et, au premier chef, à leurs épouses qui, si nécessaire, entreprennent les démarches judiciaires pour obtenir la séparation de biens d’avec leurs époux. On savait déjà que la famille était primordiale en matière de financement et de soutien pour le bon déroulement des activités d’un magasin[90]. Dans le cas qui nous concerne, l’épouse – le plus souvent – ou un autre membre de la famille ouvre un nouveau commerce et en assure la bonne marche tant et aussi longtemps que le marchand failli n’aura pas réussi à se refaire. Entre-temps, ce dernier assure la gérance du magasin ou agit à titre d’agent ou de représentant de la nouvelle société. À n’en pas douter, comme pour d’autres groupes, la famille chez les marchands est l’assise à partir de laquelle des décisions sont mûries et prises, des stratégies élaborées, des actions et des initiatives entreprises.
Cette recherche aura donc mis en lumière les stratégies déployées par des marchands faillis dans le but de poursuivre leur carrière dans la sphère commerciale. D’autres aspects restent à explorer, à commencer par le rôle des femmes dans le commerce de leurs conjoints, beaucoup plus important qu’on croyait jusqu’à présent[91]. Par ailleurs, il y aurait lieu d’enquêter du côté des artisans et des manufacturiers pour savoir s’ils ont recours aux mêmes pratiques que les marchands pour relancer leurs entreprises après une faillite.
Appendices
Annexes
Annexe 1. Ouverture de 31 magasins par les conjointes des marchands faillis mariées en séparation de biens, 1869-1899
Annexe 2. Ouverture de 14 magasins par les conjointes de marchands faillis après l’obtention de la séparation de biens, 1869-1899
Annexe 3. Ouverture de sept magasins par une tierce personne en attendant l’obtention de la séparation de biens devant la Cour supérieure des épouses des marchands faillis, 1869-1899
Annexe 4. Ouverture de 21 nouveaux magasins par un membre de la parenté des marchands faillis, 1869-1899
Note biographique
Historien, Jocelyn Morneau est chargé de cours au département des sciences humaines de l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheur associé au Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ). Ses champs d’intérêt se rapportent à l’histoire régionale, aux transformations de l’agriculture et à la montée du fait industriel dans les campagnes du Québec au 19e siècle et au début du 20e. Il est l’auteur de Petits pays et grands ensembles. Les articulations du monde rural au 19e siècle. L’exemple du lac Saint-Pierre (2000) et coauteur des monographies régionales Histoire de Lanaudière (2012), Le Centre-du-Québec (2015) et Lanaudière (2016).
Notes
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[1]
Louise Dechêne décrit les bourgeois comme « tous ceux qui sont plus ou moins dégagés des besognes serviles ». Voir Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle (Paris, Plon, 1974), p. 404. Voir aussi à ce sujet Jacques Mathieu, La Nouvelle-France. Les Français en Amérique du Nord, XVIe-XVIIIe siècle (Sainte-Foy QC, Presses de l’Université Laval, 2001), p. 215, et Cameron Nish, Les bourgeois-gentilhommes de la Nouvelle-France, 1729-1748 (Montréal et Paris, Fides, 1968).
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[2]
Sur les points de vue opposés de ce débat, voir Jean Hamelin, Économie et société en Nouvelle-France (Sainte-Foy QC, Presses de l’Université Laval, 1960), p. 128-137 ; Nish, Les bourgeois-gentilhommes de la Nouvelle-France ; Guy Frégault, La société canadienne sous le Régime français (Ottawa, Société historique du Canada, 1969), p. 14.
-
[3]
L’auteur remercie René Hardy, professeur émérite, Thierry Nootens et Jean Roy du Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), et Normand Perron du Centre Urbanisation, Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) pour leurs commentaires sur la première version de ce texte. Il remercie également Simon Dufour, étudiant à la maîtrise en études québécoises (Université du Québec à Trois-Rivières), pour la production des cartes.
-
[4]
Voir Gaétan Gervais, « Le commerce de détail au Canada (187-1880) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 33, no 4 (1980), p. 521-556. Normand Séguin et Louis Michel ont été des précurseurs dans l’étude du crédit. Voir, du premier, La conquête du sol au 19e siècle (Sillery QC, Boréal Express, 1977), ch. 10, et du second, « Un marchand rural en Nouvelle-France : François-Augustin Bailly de Messein, 1709-1771 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 33, no 2 (1979), p. 215-262.
-
[5]
Voir Denise Girard, « Stratégies marchandes dans la vallée du Richelieu, 1825-1850 : à partir des activités de Eustache Soupras et Thimoté Franchère, marchands de Saint-Mathias », mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1994, et George Bervin, Québec au XIXe siècle. L’activité économique des grands marchands (Sillery QC, Septentrion, 1991), pour ne citer que ces deux études.
-
[6]
Voir, par exemple, France Normand, « Le financement et les aires de relations des petites entreprises commerciales : la région de Trois-Rivières en période de crise (1870-1900) », dans Claude Bellavance et Pierre Lanthier (dir.), Les territoires de l’entreprise/The Territories of Business (Québec, Presses de l’Université Laval, 2004), p. 135-147.
-
[7]
Voir entre autres Louis Michel, « Le livre de compte (1784-1792) de Gaspard Massue, marchand à Varennes », Histoire sociale / Social History, vol. 13, no 26 (1980), p. 369-398.
-
[8]
Claude Desrosiers, « Un aperçu des habitudes de consommation de la clientèle de Joseph Cartier, marchand général à Saint-Hyacinthe à la fin du XVIIIe siècle », Communications historiques / Historical Papers, vol. 19, no 1 (1984), p. 91-110 ; Jérôme Morneau, « Le Québec rural entre tradition et modernité : la consommation alimentaire à Saint-Pamphile, 1881-1911 », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 2006.
-
[9]
Maude-Emmanuelle Lambert, « Un ménage petit bourgeois du Québec de la Belle Époque : valeurs, pratiques culturelles et consommation d’une famille francophone », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 61, no 1 (2007), p. 37-65.
-
[10]
À ce sujet, voir Serge Courville, Jean-Claude Robert et Normand Séguin, Le pays laurentien au XIXe siècle. Les morphologies de base (Sainte-Foy QC, Presses de l’Université Laval, 1995), p. 112-113.
-
[11]
Ces termes sont de Martine Segalen, « Sous les feux croisés de l’histoire et de l’anthropologie : la famille en Europe », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 39, no 2 (1985), p. 170.
-
[12]
À ce sujet, voir, entre autres, Leslie Page Moch et al., « Family Strategy : A Dialogue », Historical Methods, vol. 20, no 3 (1987), p. 113-125, et Jérôme Bourdieu et al., « Migrations et transmissions inter-générationnelles dans la France du XIXe et du début du XXe siècle », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 55, no 4 (2000), p. 749-789.
-
[13]
Sylvie Taschereau, « L’arme favorite de l’épicier indépendant : éléments d’une histoire du crédit (Montréal, 1920-1940) », Revue de la Société historique du Canada / Journal of the Canadian Historical Association, vol. 4, no 1 (1993), p. 270. De la même auteure, voir également « “Behind the Store” : Montreal Shopkeeping Families between the Wars », dans Bettina Bradbury et Tamara Myers (dir.), Negotiating Identities in the 19th and 20th Century (Vancouver, UBC Press, 2005), p. 235-258.
-
[14]
Jacques Mathieu, « Un négociant de Québec à l’époque de la Conquête, Jacques Perrault l’aîné », Rapport des archives nationales du Québec, no 48 (1970), p. 30.
-
[15]
Denis Vaugeois, Les premiers Juifs d’Amérique, 1760-1860. L’extraordinaire histoire de la famille Hart (Québec, Septentrion, 2011).
-
[16]
Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (1720-1840) (Sainte-Foy QC, Presses de l’Université Laval, 1998), p. 29-35.
-
[17]
Roch Samson, Pêcheurs et marchands de la baie de Gaspé au 19e siècle. Les rapports de production entre la compagnie William Hyman and Sons et ses pêcheurs clients (Ottawa, Parcs Canada, 1986), p. 18.
-
[18]
Normande Lapointe, « Le capitalisme marchand au Saguenay–Lac-Saint-Jean : John Guay (1828-1880), négociant et propriétaire foncier », mémoire de maîtrise (études régionales), Université du Québec à Chicoutimi, 1996, p. 24-25, 112-113.
-
[19]
Morneau, « Le Québec rural entre tradition et modernité », p. 12 ; Lambert, « Un ménage petit bourgeois du Québec de la Belle Époque », p. 39.
-
[20]
Michel, « Un marchand rural en Nouvelle-France », p. 230.
-
[21]
Martine Cardin, « Jean Leroux dit Provençal, marchand à Sorel au XVIIIe siècle », mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 1987, p. 131.
-
[22]
Jocelyn Morneau, « La pluriactivité marchande au XIXe siècle : l’exemple d’Étienne Mayrand de Louiseville », Empreintes, vol. 2, no 1 (2018), p. 21.
-
[23]
Bervin, Québec au XIXe siècle, p. 31.
-
[24]
« the key of the world of the eighteenth-century merchant, because it was the object of his ambitious, his most intense loyalties, and all his labour, a hope for immortality in an insecure world ». John Francis Bosher, The Canada Merchants, 1713-1763 (Oxford, Oxford University Press, 1987), p. 23.
-
[25]
J.F. Bosher, « Une famille de Fleurance dans le commerce du Canada à Bordeaux (1683-1753) : les Jung », Annales du Midi, vol. 95, no 12 (1983), p. 165. Voir aussi, de cet historien, « A Quebec Merchant’s Trading Circles in France and Canada : Jean-André Lamaletie before 1763 », Histoire sociale / Social History, vol. 10, no 19 (1977), p. 24-25, et « Sept grands marchands catholiques français participant au commerce avec la Nouvelle-France (1660-1715) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 48, no 1 (1994), p. 14-15.
-
[26]
Bosher, « Une famille de Fleurance dans le commerce du Canada à Bordeaux (1683-1753) », p. 164.
-
[27]
Ginette Joannette et Claire Joron, « Guy, Pierre (1738-1812) », Dictionnaire biographique du Canada (ci-après DBC), vol. 5 (Québec et Toronto, Presses de l’Université Laval et University of Toronto Press, 1983), [biographi.ca/fr/bio/guy_pierre_1738_1812_5F.html].
-
[28]
Cardin, « Jean Leroux dit Provençal, marchand à Sorel au XVIIIe siècle », p. 47.
-
[29]
Bervin, Québec au XIXe siècle, p. 32-33.
-
[30]
André Roy, « La faillite, le commerce et le crédit dans le district judiciaire de Québec entre 1885 et 1920 », thèse de doctorat (histoire), Université Laval, 2002, p. 145-147.
-
[31]
Sur l’évolution des limites du district judiciaire de Trois-Rivières, voir René Hardy et Normand Séguin (dir.), Histoire de la Mauricie (Québec, Presses de l’Université Laval, 2004), p. 1057-1060.
-
[32]
Census of the Canadas, 1851-52, vol. 1 : Personal Census (Québec, John Lovell, 1853), tableau no 8. Le comté de Saint-Maurice est scindé en trois comtés en 1853 : ceux de Maskinongé, de Saint-Maurice et de Trois-Rivières qui réunit la ville et sa banlieue. Statuts de la province du Canada, 16 Victoria, chap. 152 (1853), p. 610-611. En 1865, la paroisse de Trois-Rivières est rattachée au comté du même nom. Statuts de la province du Canada, 28 Victoria, chap. 9 (1865), p. 22.
-
[33]
Recensement du Canada, 1851 (listes nominatives).
-
[34]
Paul-André Linteau, René Durocher et Jean-Claude Robert, Histoire du Québec contemporain, vol. 1 : De la Confédération à la crise (1867-1929) (Montréal, Boréal, 1989), p. 77-80, 98-99 ; Jean Hamelin et Yves Roby, Histoire économique du Québec, 1851-1896 (Montréal, Fides, 1971), chap. 3.
-
[35]
Comme ailleurs dans la plaine laurentienne, la poussée du nombre de marchands dans le district judiciaire de Trois-Rivières a été plus forte que celle de la population durant la majeure partie du 19e siècle. À titre indicatif, qu’il suffise de signaler une croissance de l’effectif marchand de l’ordre de 95 % entre 1831 et 1851 et de 69 % entre 1851 et 1871, contre 69 % et 28 % en ce qui a trait à la population au cours des mêmes périodes. Sur le rapport marchands/population dans l’axe du Saint-Laurent, voir Courville, Robert et Séguin, Le pays laurentien au XIXe siècle, chap. 5.
-
[36]
Il faut tout de même préciser ici que des habitants des campagnes environnantes venaient faire leurs emplettes à Trois-Rivières.
-
[37]
Lovell’s Directory of Three Rivers, Sorel and Berthier (Montréal, Lovell Printing and Publishing Co., 1876), p. 67.
-
[38]
À ce propos, voir Roy, « La faillite, le commerce et le crédit dans le district judiciaire de Québec entre 1885 et 1920 », p. 99-100.
-
[39]
Statuts du Canada, 38 Victoria, chap. 16 (1875), p. 101.
-
[40]
Le vocable commerçant est souvent utilisé dans la première moitié du 19e siècle pour désigner les artisans. Voir Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (1720-1840), p. 5. Sur les intitulés professionnels du commerce, voir aussi, de cet auteur et Lise St-Georges, « L’identification des marchands ruraux dans six paroisses de la plaine de Montréal, 1831-1861 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 42, no 2 (1988), p. 241-251.
-
[41]
The Evans Bros. Piano and Manufacturing Co. requérant-cession c. Joseph Fortin, débiteur-cédant, 1892, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Archives nationales à Trois-Rivières (ci-après ANQ-TR), fonds Cour supérieure, TP11, S3, SS2, SSS1, no 87. Les références subséquentes aux procès tirés de cette sous-série donneront à la date et au numéro de dossier seulement.
-
[42]
Lovell’s Directory of Three Rivers, Sorel and Berthier, p. 50, 56.
-
[43]
Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (1720-1840), p. 10, 98.
-
[44]
Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs. La société rurale du bas Richelieu, 1740-1840, traduction de Jude Des Chênes (Sillery QC, Septentrion, 2000), p. 201.
-
[45]
À titre comparatif, plus de la moitié des commerces de vente au détail de la localité de Poughkeepsie (État de New York) entre 1844 et 1926 ferment leurs portes avant leur troisième année d’existence, dont 30 % dans la première année seulement. Voir Ruth Gillette Hutchinson, Arthur R. Hutchinson et Mabel Newcomer, « A Study in Business Mortality : Length of Life of Business Enterprises in Poughkeepsie, New York, 1843-1936 », American Economic Review, vol. 28, no 3 (1938), p. 487-514.
-
[46]
Il ne faut pas attribuer à ces données une valeur absolue dans la mesure où bien des événements peuvent survenir au cours des dix ans entre deux recensements : le décès de marchands, la fermeture de commerces en raison de l’âge avancé de leur propriétaire, l’arrivée de nouveaux marchands dans le paysage.
-
[47]
L.-F.-T. Buisson, demandeur c. T. Lacerte, défendeur, bref et déclaration, 24 décembre 1879, no 255.
-
[48]
Guy Lavoie, « Crédit et activités foncières : étude de trois marchands ruraux du comté de Champlain en Mauricie (1850-1900) », rapport de recherche (études québécoises), Université du Québec à Trois-Rivières, 1986, p. 17-18, 20 ; Jocelyn Morneau, « Industries rurales, agriculture et monde villageois : le cas de Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup, 1831-1900 », mémoire de maîtrise (études québécoises), Université du Québec à Trois-Rivières, 1988, p. 114-115.
-
[49]
ANQ-TR, Registre des déclarations des raisons sociales (ci-après RDS), 1849-1890, TP11, S3, SS20, SSS48, p. 127.
-
[50]
RDS, 1857-1885, p. 115 (dernière partie).
-
[51]
Ibid., p. 87.
-
[52]
RDS, 1895-1902, p. 117.
-
[53]
Bruno Marcel et Jacques Taïeb, Crises d’hier, crise d’aujourd’hui, 1873…, 1929…, 1973… (Paris, Nathan, 1992), p. 190.
-
[54]
René Hardy et Normand Séguin, Forêt et société en Mauricie. La formation d’une région (Québec, Septentrion, 2011), p. 279.
-
[55]
Édouard-Zotique Massicotte, « L’émigration aux États-Unis il y a 40 ans et plus », Bulletin des recherches historiques, vol. 39, no 2 (1933), p. 22-27.
-
[56]
Le Courrier de Maskinongé, 15 avril 1880.
-
[57]
Selon Luc Marco, le nombre de faillites donne un bon aperçu de « l’étalement d’une crise dans le temps ». Voir Luc Marco, « Faillites et crises économiques en France au XIXe siècle », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 44, no 2 (1989), p. 373.
-
[58]
On observe le même phénomène ailleurs. Entre 1873 et 1879 à Québec, 75 % des faillites touchent le monde du commerce. Voir Claude Beaulieu, « Le crédit et la faillite à Québec (1873-1879) », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 1982, p. 84. De 1885 à 1920, le secteur du commerce de la capitale nationale enregistre plus de faillites que les autres. Voir Roy, « La faillite, le commerce et le crédit dans le district judiciaire de Québec entre 1885 et 1920 », p. 150.
-
[59]
Hamelin et Roby, Histoire économique du Québec, 1851-1896, p. 91-93 ; Linteau, Durocher et Robert, Histoire du Québec contemporain, vol. 1, p. 79.
-
[60]
Robert Miller Son & Co., demandeur c. Timothy Lamb Louthood, défendeur, 1886, no 118 : Gault Bros & Co., demandeur, requérant c. Louis-Flavien-Timoléon Buisson, défendeur, 1888, no 118 ; Valois, Beaudry & Cie, requérants-cession c. Joseph Petitclerc, débiteur-cédant, cession et bilan, 1893, no 485 ; Thibodeau, Frère & Cie, requérant-cession c. Amédée Buissière, débiteur, 1899, no 137 ; Nérée Gagnon, requérant c. Joseph Gélinas, insolvable, 1890 [aucun numéro de dossier] ; Joseph Hamel et al., requérants-cession c. George Perreault, débiteur insolvable, cession et bilan, 1892, no 572.
-
[61]
Archer & Co., demandeur c. J.B. Scott, défendeur, 1887, no 315.
-
[62]
Hudon, Hébert & Cie, demandeurs c. Siméon-Hilaire Frigon, défendeur, cession, 1889, no 348.
-
[63]
Liddell, Lespérance & Cie, requérants-cession c. Timoléon Lacoursière, débiteur-cédant, cession et bilan, 1892, no 311.
-
[64]
Pierre Paquette, requérant cession c. Joseph-Ferdinand Plourde, débiteur cédant, 1890. Sur les problèmes auxquels font face les marchands durant la crise économique de 1873, voir Gaétan Gervais, « Le commerce de détail au Canada (1870-1880) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 33, no 4 (1980), p. 541-542.
-
[65]
Greffe de Louis-Adolphe Camirand, 7 juin 1873, ANQ-TR, CN401,S101, no 1 400, et 18 décembre 1873, no 1 553.
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[66]
Alfred Loranger, demandeur c. Caron & Leclerc, défendeurs, 1889, no 252 ; Raphaël Lambert, requérant c. Édouard Caron, défendeur, 1889, no 253.
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[67]
Greffe de Louis-Adolphe Camirand, 3 mai 1871, ANQ-TR, CN401,S101, no 815 ; greffe d’André-Joseph Martineau, 15 juillet 1872, ANQ-TR, CN401,S65, no 7 507, 13 février 1874, no 7 978, 17 juin 1874, no 8 105 ; Le Constitutionnel, 31 mars 1871 et 2 juin 1875 ; greffe de Pierre-Léger Hubert, 10 janvier 1876, ANQ-TR, CN401,S120, no 2 401.
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[68]
Greffe de Louis-Adolphe Camirand, 29 avril 1875, no 2 105 ; greffe d’Hector Trépanier, 31 mai 1875, no 718 ; greffe de Pierre-Laurent Craig, 29 mars 1878, CN401,S20 no 5 098 ; Registre des jugements de faillites, 1865-1885, ANQ-TR, TP11, S3, SS10, SSS4, p. 161-162 ; Le Constitutionnel, 5 avril 1878 ; Napoléon Charbonneau, requérant c. François-Xavier Panneton, débiteur cédant, 1889.
-
[69]
Recensement du Canada, 1901 (listes nominatives), comté de Nicolet, sous- district A (Saint-Célestin), feuillet 2 ; Recensement du Canada, 1891 (listes nominatives), comté de Trois-Rivières, sous-district A (quartier Notre-Dame), feuillet 55.
-
[70]
Recensement du Canada, 1881 (listes nominatives), comté de Champlain, sous-district L (Saint-Tite), feuillet 9, et sous-district G (Saint-Luc), feuillet 32 ; Recensement du Canada, 1891 (listes nominatives), comté de Champlain, sous-district N (Saint-Séverin), feuillet 42, et sous-district J (Saint-Luc), feuillet 20.
-
[71]
Statuts du Canada, 38 Victoria, chap. 30 (1875), p. 123. Les lois antérieures sur la faillite, soit celles de 1864 et 1869, ne spécifiaient pas de montant d’argent en matière de composition. Statuts du Canada, 27-28 Victoria, chap. 17 (1864), p. 108-150, et 32-33 Victoria, chap. 16 (1869), p. 84-141. En vertu d’un amendement à la loi sur la faillite en 1877, le failli doit verser 50 cents pour chaque dollar qu’il doit à ses créanciers. Voir Thomas G.W. Telfer, « Access to the Discharge in Canadian Bankruptcy Law and the New Role of Surplus Income : A Historical Perspective », dans Charles E.F. Rickett et Thomas G.W. Telfer (dir.), International Perspectives on Consumers’ Access to Justice (Cambridge, Cambridge University Press, 2003), p. 253.
-
[72]
Telfer, « Access to the Discharge in Canadian Bankruptcy Law and the New Role of Surplus Income », p. 252-253. Selon Telfer, le pouvoir discrétionnaire des juges a aussi contribué à des versements inférieurs à ce que la loi prévoit pour chaque dollar.
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[73]
Louise Papineau, demanderesse c. Uldoric Grenier, défendeur, déposition de Froby Valentine, 23 mars 1892, no 570 ; Anne Trudel, demanderesse c. Joseph-François Trottier, défendeur, déposition de Joseph-F. Bellefeuille, 17 avril 1899, no 303 ; Édouard Lemaître Augé, failli c. François-Xavier Lambert, syndic (1879), compte final du syndic, no 62.
-
[74]
Gazette officielle du Québec, vol. 1, no 48 (1869), p. 1602.
-
[75]
Le Constitutionnel, 10 février 1873, p. 3 ; 30 mai 1873, p. 2 ; 22 septembre 1873, p. 3.
-
[76]
Le Constitutionnel, 17 février 1879, p. 3 ; RDS, 1849-1890, p. 107-108. À notre connaissance, P.H. Rocheleau et H.-Z. Lord n’ont pas ouvert de nouveaux commerces entre 1875 et 1879.
-
[77]
Une mise au point s’impose ici. En 1880, la loi canadienne sur la faillite de 1875 est abrogée. Dès lors, la décharge n’existe plus. La faillite étant de compétence fédérale, les provinces ne peuvent légiférer en la matière. Par contre, elles peuvent intervenir dans tout ce qui concerne les rapports débiteur-créancier et l’attribution des biens. En effet, suivant le Code de procédure civile du Bas-Canada, à la section 7 (« De l’abandon ou cession de biens »), l’article 793 stipule que « Le débiteur peut obtenir son élargissement [c.-à-d. sa libération] : … 2e avec le consentement ou la décharge du créancier ». Voir Pierre-Basile Mignault, Code de procédure civile du Bas Canada… (Montréal, J.-M. Valois, 1891), p. 279. Entre 1880 et 1919, la décharge a été la pierre d’achoppement de l’adoption d’une nouvelle législation sur la faillite. Voir à ce sujet Thomas G.W. Telfer, Ruin and Redemption. The Struggle for Canadian Bankruptcy Law, 1867-1919 (Toronto, Osgoode Society for Canadian Legal History et Toronto University Press, 2014), p. 17, 22, 92, 134-140. Par ailleurs, Les statuts révisés du Canada de 1886 comportent un chapitre sur la liquidation de divers types de compagnies (banques, compagnies d’assurances, compagnies de prêt, entreprises industrielles de diverses natures, commerces divers, etc.). Dans cette loi qui remplace en partie celle sur la faillite, le terme « liquidateur » se substitue à celui de « syndic ». Voir « Acte concernant les banques, compagnies d’assurances, compagnies de prêt, sociétés de construction et corporations de commerce en état d’insolvabilité » (chap. 129), Les statuts révisés du Canada promulgués et publiés en vertu de l’acte 49 Vict, chap. 4 (Ottawa, Brown Chamberlin, 1887). Sur cette loi, voir aussi Daniel Hickey, « Statistiques sur les faillites au 19e siècle : problèmes et sources pour Moncton », Revue de l’Université de Moncton, vol. 19, no 2-3 (1986), p. 123.
-
[78]
Le mariage en séparation de biens devient une pratique courante chez les marchands et la bourgeoisie montréalaise dès la première moitié du 19e siècle. Voir Bettina Bradbury et al., « Property and Marriage : The Law and the Practice in Early Nineteenth-Century Montreal », Histoire sociale / Social History, vol. 26, no 51 (1993), p. 9-39.
-
[79]
Cette façon de faire, qui consiste à recourir à sa conjointe afin de poursuivre des activités commerciales, existe déjà dans la première moitié du 19e siècle. Voir Brian Young, The Politics of Codification. The Lower Canadian Civil Code of 1866 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1994), p. 155.
-
[80]
La société I. Dufresne & Cie, qui réunit Clara Bondy et Isaïe Dufresne (époux d’Héloïse Bondy), apparaît un mois après la faillite de Narcisse Gélinas. Elle met un terme à ses activités le 11 mai 1881, date de la naissance de la société Dufresne et Gélinas. RDS, 1849-1890, p. 102, 120, 149.
-
[81]
BMS2000. Recherche généalogique en ligne [www.bms2000.org] ; RDS, 1857-1885, p. 99, 60-61 (dernière partie), RDS, 1885-1895, p. 159 ; greffe de Georges David, 9 juin 1876 et 2 décembre 1879, ANQ-TR, CN401,S23, no 12676 et no 13904 ; greffe d’Adolphe Houle, 6 août 1890, ANQ-TR, CN401,S111, no 4596.
-
[82]
Dans sa thèse sur les faillites à Québec à la fin du 19e siècle et au début du siècle suivant, André Roy conclut que la séparation de biens avait comme principal objectif la protection du patrimoine familial. Voir Roy, « La faillite, le commerce et le crédit dans le district judiciaire de Québec entre 1885 et 1920 », p. 82.
-
[83]
Voir les brefs et déclarations des procès suivants : Marie-Louise O’Keeff, demanderesse c. Louis-Flavien-Timoléon Buisson, défendeur, 1888, no 37 ; Léa Jacques, demanderesse c. Philippe Richard, défendeur, 1889, no 16 ; Marie Bourbeau, demanderesse c. Louis-Napoléon Boisclair, défendeur, 1890, no 1 ; Virginie Richard, demanderesse c. Joseph Massé, défendeur, 1890, no 235 ; Marie-Louise-Jane Pratte, demanderesse c. Honoré-Zéphirin Lord, défendeur, 1893, no 217 ; Agnès Nideres, demanderesse c. Prime Houle, défendeur, 1894, no 296 ; Desneiges Dumont, demanderesse c. Joseph Charrette, défendeur, 1895, no 2 ; Anne Trudel, demanderesse c. Joseph-François Trottier, défendeur, 1899, no 303 ; Odila Brisson, demanderesse c. Octave Beaudet, défendeur, 1899, no 341 ; Émilitine Beauchemin, demanderesse c. Luc Girard, défendeur, 1900, no 521. Ces termes ou ces « épithètes » selon Alain Faure ressemblent à ceux utilisés par les syndics dans les dossiers de faillite d’épiciers parisiens au 19e siècle. Voir Alain Faure, « L’épicerie parisienne au XIXe siècle ou la corporation éclatée », Le mouvement social, no 108 (1979), p. 124.
-
[84]
Delphine Lesieur Desaulniers, demanderesse c. Prosper Milot, défendeur, bref et déclaration, 1887, no 499 ; Louise Papineau, demanderesse c. Uldoric Grenier, défendeur, bref et déclaration, 1892, no 570.
-
[85]
Louise Papineau, demanderesse c. Uldoric Grenier, déposition de Napoléon Rouette, 23 mars 1892, no 570.
-
[86]
Voir les brefs et déclarations des procès suivants : Marie Perreault, demanderesse c. Louis-Joseph-Isaïe Saint-Cyr, défendeur, 1886, no 434 ; Émilie Moreau, demanderesse c. André Dupuis, défendeur, 1878, no 52 ; Anna Béliveau, demanderesse c. Ludger Bergeron, défendeur, 1889, no 274.
-
[87]
Louis Moquin et al., requérants c. Thomas Mercier, débiteur cédant, 1891, no 546, et Registre des jugements, 1891-1895, ANQ-TR, fonds Cour supérieure, p. 133 ; Registre des déclarations sociales, 1885-1895, p. 164, 180-181 ; Brigitte Hamel, Recensement de la paroisse de Trois-Rivières, 1886 (Trois-Rivières, Archives de l’évêché de Trois-Rivières, 1990), p. 247.
-
[88]
Aux 53 nouveaux commerces sous la responsabilité de femmes mariées à des marchands faillis, il faut en ajouter 11 autres apparus entre 1887 et 1899 dont nous n’avons pas pu établir si les propriétaires étaient mariées en séparation ou en communauté de biens au moment de leur création.
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[89]
On observe le même phénomène aux États-Unis. Voir Clyde Griffen et Sally Griffen, « Family and Business in a Small City, Poughkeepsie, New York, 1850-1880 », Journal of Urban History, vol. 1, no 3 (1975), p. 330. Selon Thomas G.W. Telfer, pour échapper à leurs créanciers, les débiteurs continuent de traiter des affaires au nom de leurs conjointes ou sous le couvert d’une raison sociale (« To avoid creditors, debtors traded in the name of their Wife or behind the name of a company… »). Voir « Access to the Discharge in Canadian Bankruptcy Law and the New Role of Surplus Income », p. 258-259.
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[90]
Taschereau, « L’arme favorite de l’épicier indépendant », p. 270, note 9 ; Faure, « L’épicerie parisienne au XIXe siècle ou la corporation éclatée », p. 127 ; Griffen et Griffen, « Family and Business in a Small City », p. 326-330.
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[91]
Un bel exemple est présenté par Jean-François Gingras, « Journal d’Angélique Gilbert, une commerçante au milieu de la tourmente », Revue d’histoire de Charlevoix, no 96-97 (2020), p. 4-9.