Comptes rendus

Lacassagne, Aurélie. Mémoires éclatées, mémoires conciliées. Essai sur Le Wild West Show de Gabriel Dumont. Sudbury, Prise de parole, 2021, 220 p.

  • Julie Burelle

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  • Julie Burelle
    Université de Californie, San Diego

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Cover of Les émotions dans l’histoire, Volume 76, Number 3-4, Winter–Spring 2023, pp. 1-278, Revue d’histoire de l’Amérique française

Cet ouvrage d’Aurélie Lacassagne documente l’aventure du Wild West Show de Gabriel Dumont (WWSGD), spectacle unique tant par son caractère polyphonique — 10 dramaturges allochtones et autochtones de l’ouest et de l’est du Canada signent le texte joué en 2017-2018 — que par son approche collaborative centrée sur l’éclatement des formes et des récits hégémoniques coloniaux. Lacassagne, chercheuse allochtone en science politique, poursuit dans cette étude deux objectifs principaux : d’abord, mettre en lumière, comme le fait le WWSGD, l’histoire méconnue des Métis de l’Ouest, un geste nécessaire pour qui veut comprendre « l’accaparement de cette identité en cours présentement dans l’Est canadien » (p. 7) ; ensuite, prenant le WWSGD comme exemple, rappeler que le théâtre peut (et doit) jouer un rôle « dans la réalisation d’une véritable réconciliation » au Canada (p. 8). Lacassagne s’acquitte fort bien de ces tâches même si l’analyse du WWSGD en tant que performance théâtrale pourrait être plus étoffée. Le spectacle prend forme entre 2013 et 2018, alors que la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) bat son plein et que la fédération souligne son 150e anniversaire à coup de célébrations visant à cimenter le sentiment national. On assiste également à une montée en flèche du nombre de Canadiens et de Canadiennes qui se déclarent métis, certains sous prétexte qu’elles et ils sont d’origines mixtes ou d’un lointain ancêtre autochtone. Citant Darryl Leroux et Chris Andersen, Lacassagne explique qu’être métis c’est plutôt appartenir à un peuple autochtone distinct issu de la Terre de Rupert. L’autrice note à juste titre que l’accaparement d’une identité métisse par de nombreux Canadiens « reproduit les classifications biologisantes du legs colonial » (p. 171) en plus de contribuer à effacer la réalité historique et contemporaine des Métis de l’Ouest. Pourtant, selon Lacassagne, la bataille de Batoche (1885) forme « le socle de l’histoire commune à tous les Canadiens », l’événement autour duquel « chacune des communautés descendantes des acteurs d’hier [les Métis et autres nations autochtones, les communautés francophones et anglophones] a construit son propre discours mémoriel » qui sert souvent « de ferment identitaire » (p. 13). Il importe donc de faire « une relecture collective de l’histoire en confrontant les différents récits mémoriels » (p. 159), opération à laquelle contribue le WWSGD. Les dramaturges Jean-Marc Dalpé (franco-ontarien) et Alexis Martin (québécois) sont à l’origine du WWSGD. Tous deux férus d’histoire, ils s’intéressent aux luttes métisses et à Gabriel Dumont, leur chef militaire, qui rêvait de créer un Wild West Show à la Buffalo Bill (dont il avait fait partie) pour faire connaître l’histoire de son peuple. Lacassagne s’attarde peu à l’histoire paradoxale des Wild West shows, ces outils coloniaux de propagande raciste ayant également servi d’espaces de survivance pour des pratiques culturelles autochtones autrement bannies au Canada et aux États-Unis. Pour leur WWSGD, Dalpé et Martin assemblent une équipe diverse et représentative dont le but est de ne « pas lisser les éléments qui ne font pas consensus, mais au contraire, de les exposer et de les faire dialoguer » (p. 28). Se joignent à Dalpé, Martin et à Yvette Nolan (anishinaabegkwe) des dramaturges, des comédiens et des musiciens, une équipe technique et divers partenaires financiers issus notamment des milieux anglo-canadiens, fransaskois et franco-manitobains et des nations anishinaabe, métisse, crie, et huronne-wendat. Pour Lacassagne, il s’agit là d’une démarche polyphonique peu commune et inspirante basée sur la rencontre soutenue de l’autre. Elle situe le WWSGD dans la lignée du théâtre postcolonial (quoique le terme soit incongru dans le contexte colonial canadien) et interculturel en s’appuyant sur les travaux d’Édouard Glissant en particulier. …