Comptes rendus

Dubois, Paul-André. Lire et écrire chez les Amérindiens de Nouvelle-France. Aux origines de la scolarisation et de la francisation des Autochtones du Canada. Québec, Presses de l’Université Laval, 2020, 720 p.[Record]

  • Fannie Dionne

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  • Fannie Dionne
    Université du Québec à Montréal

À la suite de ses recherches sur le chant dans les missions en Nouvelle-France, Paul-André Dubois, professeur titulaire au Département des sciences historiques de l’Université Laval, nous propose Lire et écrire chez les Amérindiens de Nouvelle-France. Aux origines de la scolarisation et de la francisation des Autochtones du Canada. Cette recherche se démarque par son ampleur et surtout par le minutieux travail de reconstruction de la vie de jeunes Autochtones alphabétisés aux 17e et 18e siècles, au moyen de lettres, registres, mémoires, récits de voyage et autres documents consultés dans des dizaines de fonds d’archives. L’ouvrage analyse donc la rencontre de l’univers de l’écrit et de l’oralité sur le territoire de la Nouvelle-France, s’attachant plus spécifiquement au projet d’alphabétisation et de francisation des Autochtones. Ce qui comble un vide historiographique certain. En effet, aucun chercheur n’était encore entré dans le détail de l’histoire de la scolarisation des Autochtones par les ordres religieux (jésuites, sulpiciens, ursulines, récollets, etc.) en Nouvelle-France de 1600 à 1800. La francisation des peuples autochtones fut-elle un échec (du point de vue des colonisateurs), comme le dénonçaient déjà des témoignages de l’époque ? Il faut nuancer, soutient Dubois, puisqu’« au terme de cette étude, il ressort que l’école, sous ses multiples expressions, a produit des résultats plus importants que ne voulaient alors le croire ses détracteurs » (p. 594). Pour étayer son propos – en usant de notes de bas de page pour donner quantité de détails sans nuire à la fluidité du texte principal –, Dubois replace le travail de scolarisation en Nouvelle-France dans le contexte mondial (dont la Nouvelle-Espagne, Nouvelle-Angleterre), et plus spécifiquement français. En effet, il faut connaître le contexte politique, social, religieux et économique de la métropole pour comprendre comment et pourquoi les politiques d’alphabétisation/francisation en Nouvelle-France ont varié au fil du temps. En suivant un ordre chronologique, les chapitres abordent cette problématique sous plusieurs angles. Le premier chapitre se penche sur les premières et difficiles tentatives de scolarisation et de francisation des Autochtones – par un séminaire, un voyage en France, etc. – du début jusqu’au milieu du 17e siècle. Les deux chapitres suivants portent sur le travail auprès des garçons, puis des filles autochtones dans la deuxième moitié du 17e siècle, alors que Louis XIV prend personnellement le contrôle de la colonie. Frontenac souhaitant franciser les Autochtones, les communautés religieuses doivent alors s’accommoder, très diversement, de cette commande. Ces chapitres présentent aussi des cas d’élèves qui fréquentent une institution d’enseignement dans la colonie. Administrateurs et religieux espèrent que ces enfants francisés, mais pas toujours alphabétisés, deviendront des médiateurs et, pour les filles, des épouses chrétiennes. Les finances de la France et de sa colonie ne sont pas reluisantes au début du 18e siècle, détaille le chapitre 4, ce qui affecte l’effort de francisation des Autochtones. La difficulté des missionnaires à apprendre les langues de ces derniers constitue un autre problème à cette époque. C’est dans ce contexte que le mythe de l’échec de la francisation prend forme. De plus, l’éducation des enfants d’origine européenne, dont des Britanniques capturés, commence à primer sur celle des enfants des Premières Nations. Ainsi, dans le chapitre 5, qui présente quelques élèves – surtout des filles – ayant appris à lire et à écrire, on découvre que beaucoup ont des origines mixes (française, anglaise, autochtone) ou sont des enfants de personnes influentes, ce qui agit sur leur parcours individuel. Le chapitre suivant montre comment l’écrit et la langue française se sont taillé une place au sein des cultures orales autochtones. Ces adaptations attestent que la binarité entre les concepts d’oralité …