Comptes rendus

Monnais, Laurence. Vaccinations. Le mythe du refus. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2019, 288 p.[Record]

  • Julien Prud’homme

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  • Julien Prud’homme
    Université du Québec à Trois-Rivières

Le problème ? L’efficacité des vaccins du 20e siècle inspire, après 1980, une idéologie vaccinale qui promet l’éradication d’un éventail toujours plus large de maladies. Une panacée bienvenue dans un monde imprévisible ! Sans contester la vaccination, Monnais soutient que la transformer en un tel mythe scientiste appauvrit la discussion publique : cela fait oublier la texture sociale des comportements vaccinaux et la complexité de la relation entre vaccination et maladie. Il en résulte une polarisation entre « pro- » et « anti-vaccins », alors que la complexité de la pratique vaccinale requiert des jugements nuancés. Dans les faits, le « retour » de certaines maladies n’est pas toujours une conséquence directe du mouvement antivaccinal, et il n’est pas sûr que multiplier les vaccins soit toujours de bonne politique : « vacciner contre la polio ou la rougeole, absolument, mais contre la varicelle ou H1N1 ? » (p. 29). Un débat décrispé est de mise. Un détour par l’histoire peut y contribuer. Monnais illustre cet argument en disséquant l’épidémie de 1989. L’épisode fera voir les variables locales qui influencent le recours à la vaccination et les effets du vaccin sur la propagation du virus. L’introduction du livre expose ces points de départ et pose des repères historiographiques, dont l’oeuvre de Mirko Grmek qui insiste sur l’historicité des liens entre une maladie infectieuse et les sociétés humaines. La discussion des sources est un peu escamotée, mais l’ouvrage repose sur des textes journalistiques, des archives et des entrevues. Six chapitres explorent les racines de l’épidémie de 1989. Le chapitre 1 présente les grandes lignes. Apparue dans les écoles, l’épidémie fait 10 000 cas comptabilisés et ne se résorbe qu’avec les vacances scolaires d’été. Monnais médite sur la part qu’ont pu jouer le contexte mondial (la rougeole connaît alors un sursaut temporaire), le contexte local (les politiques provinciales sont remises en question) et le comportement capricieux du virus. Cela l’amène à réfléchir, au chapitre 2, sur la « dissociation entre vaccination et immunisation » (p. 50). Monnais offre un bel historique de la rougeole pour montrer que la vaccination n’est qu’un moment dans l’histoire d’une « rencontre inconstante » entre une maladie à plusieurs faces, l’évolution des contextes de vie et une offre fragmentée de médicaments. Devant cette complexité, il est normal que le virus et ses effets évoluent en réaction au changement social et pharmaceutique, Monnais parlant après 1963 de « coproduction entre la rougeole et son vaccin » (p. 62). Comme des vaccins concurrents ont différents effets, l’histoire obscure des choix d’approvisionnement devient une histoire politique. Monnais suit donc la trace des divers vaccins administrés, de 1971 à 1985, aux enfants québécois qui subiront l’épidémie de 1989. Elle note que le calendrier vaccinal varie selon le lieu et le temps, même à l’échelle du Québec, ce qui multiplie les risques d’une vaccination peu ou pas efficace. L’auteure en conclut qu’un écart entre la capacité théorique des vaccins et la réalité du terrain est inévitable — et sensible aux choix des acteurs. Les chapitres suivants détaillent les facteurs sociaux qui influencent les décisions de vaccination dans le Québec des années 1970 et 1980. Le chapitre 3 décrit les ratés du système public qui tolère de fortes inégalités d’accès durant les années 1970, ce qui explique la vulnérabilité des adolescents en 1989. La lourdeur du fédéralisme, les débuts cahoteux des CLSC et la concurrence entre vaccins n’aident pas. Les chapitres 4 et 5 traitent du refus de la vaccination, dont Monnais revisite les motifs. Elle insiste sur leur diversité et leur historicité : « l’idée qu’il existe un mouvement anti-vaccination est un …