Abstracts
Résumé
Cet article propose d’examiner dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe du début du 19e siècle, une région de peuplement récent, certains aspects démographiques, économiques et sociaux du prolétariat rural en s’intéressant aux chefs de famille identifiés comme journaliers dans les registres de l’état civil de 1800 à 1831 et dans le recensement de 1831. Leur itinéraire révèle des liens étroits avec le monde des cultivateurs. Leurs avoirs fonciers et mobiliers sont comparables à ceux de la frange plus pauvre de la paysannerie maskoutaine à laquelle on peut aussi les identifier, à différentes reprises, au cours de leur cycle de vie.
Abstract
This article examines the demographic, social and economic characteristics of the rural proletariat in a Lower Canadian settlement region of the early 19th century which still has uninhabited cultivable land. It focuses on the background of the heads of families in the seigneury of Saint-Hyacinthe who were identified as a laborer in the civil registers from 1800 to 1831 and in the 1831 census. Their itinerary shows close links with the farming peasants. Their land and movable assets are moreover comparable to that of the poorest peasants. They are also often identified in the civil registers, sometimes as laborers, sometimes as farmers.
Article body
L’apparition d’un prolétariat rural constitue l’une des dimensions importantes des changements sociaux à l’époque du Bas-Canada[1]. L’emploi du terme prolétariat rural requiert peut-être une brève explication. Nous devons d’abord distinguer la définition classique (marxiste) du prolétariat dans la société industrielle capitaliste de celle en usage dans les travaux sur les sociétés rurales préindustrielles. Dans la définition marxiste, le prolétariat est l’une des deux principales classes sociales dans le monde capitaliste industriel et cette classe est constituée de l’ensemble des hommes et des femmes salariés et des chômeurs (des salariés sans emploi). Cette classe qui ne possède ni capital ni moyens de production doit vendre sa force de travail à l’autre principale classe du monde capitaliste industriel (la bourgeoisie industrielle) qui, elle, dispose du capital et des moyens de production. Le développement d’une conscience de classe parmi les prolétaires est au coeur de l’interprétation marxiste qui voit, comme moteur de l’évolution de la société, la lutte de classes entre les prolétaires dominés et la bourgeoisie industrielle dominante. Dans les travaux sur les sociétés rurales préindustrielles, le prolétariat rural constitue l’ensemble des petits travailleurs ruraux : domestiques, serviteurs, manouvriers (ouvriers agricoles saisonniers), journaliers. Cette classe d’individus doit assurer la majeure partie de sa subsistance par des travaux agricoles ou autres effectués contre le versement de salaires en argent ou en nature. Ces gens et leurs familles ont un statut inférieur à celui des paysans propriétaires et à celui d’une partie des paysans locataires (fermiers ou métayers) qui disposent de la totalité ou d’une partie des moyens de production pour assurer leur subsistance et leur reproduction sociale. Des travaux sur la transition du féodalisme au capitalisme industriel ont insisté sur l’essor de ce prolétariat rural durant cette période. Cette croissance aurait permis, selon cette perspective marxiste, de constituer un bassin de main d’oeuvre disponible pour les premières industries capitalistes. Les travaux de Gérald Bernier, qui abordent la transition vers le capitalisme industriel dans le Québec d’avant 1850, ont souligné l’impact potentiel de l’essor du prolétariat rural au Bas-Canada dans la première moitié du 19e siècle[2], mais sans vraiment étudier de manière spécifique le parcours des individus et des familles de ce groupe. Malgré leur intérêt théorique, ces travaux ne permettent pas de déterminer l’importance du clivage social ou des liens sociaux entre ces prolétaires ruraux et les paysans qui n’ont pas été dépossédés de leurs moyens de production.
Selon Fernand Ouellet, l’émergence du prolétariat rural constitue l’une des conséquences de la crise de l’économie rurale au début du 19e siècle[3]. Cette crise présumée serait liée à la fois au manque de terres disponibles pour absorber la forte croissance démographique et à la mentalité « traditionnelle » des paysans qui aurait empêché ceux-ci de renouveler leurs pratiques agricoles et de concurrencer efficacement les cultivateurs des autres régions de l’Amérique du Nord[4].
Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, les plus ardents critiques de la thèse ouelletienne, lui ont opposé celle de la modernisation de l’économie bas-canadienne[5]. Cette modernisation aurait favorisé l’enrichissement de la classe paysanne en même temps que sa différenciation interne. Les deux auteurs ne se sont toutefois pas penchés sur le développement de l’activité des journaliers ruraux. À partir du milieu des années 1980, le géographe Serge Courville et ses collaborateurs ont élargi la perspective de Paquet et Wallot. L’essor des industries rurales et la croissance des villages au Bas-Canada, deux indices de la « modernité » de cette époque, dynamisent l’agriculture bas-canadienne, qui devient de plus en plus commerciale et spécialisée[6]. Courville attribue la différenciation des classes rurales à cette transformation de l’économie. L’insertion des campagnes dans l’économie de marché favorise le commerce, le transport et surtout l’industrie rurale, ce qui entraîne de nouveaux débouchés entre autres pour les journaliers, main-d’oeuvre enfin libérée (dans une perspective libérale) de l’activité agricole.
En 1985, dans Peasant Lord and Merchant, Allan Greer défend, à partir du modèle de la household economy, une conception égalitaire de la société paysanne laurentienne[7]. Jusqu’au début du 19e siècle, cette paysannerie demeure selon lui une classe homogène. Dans les décennies suivantes, à côté des paysans propriétaires encore majoritaires, l’auteur constate l’apparition de fermiers qui louent la terre ainsi que la présence de journaliers. Cette évolution, qu’il attribue en partie au blocage agraire identifié par Ouellet et en partie au cycle de vie des familles, n’équivaut toutefois pas, selon lui, à une véritable différenciation du monde paysan. Dans son ouvrage sur les Rébellions, Greer reprend cette vision d’une différenciation inachevée de la paysannerie qui demeure, à l’aube des insurrections de 1837, une classe relativement homogène et communautariste dans ses actions et dans ses projets politiques[8].
L’année de la publication de Peasant, Lord and Merchant, nous complétions une thèse de doctorat sur les fondements de la hiérarchie sociale au sein de la paysannerie dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe au tournant du 19e siècle[9]. Dans les années subséquentes, nous avons poursuivi les recherches pour mieux comprendre les différentes dimensions des inégalités sociales dans le monde rural du Québec préindustriel[10]. Nous avons alors présenté de manière sommaire les conditions économiques des journaliers dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe. Cependant, nous avons apporté peu d’éléments au sujet du processus de formation de ce groupe.
À partir de ses recherches sur les rapports villes-campagnes et sur la transition du féodalisme laurentien vers le capitalisme, ainsi que par ses lectures attentives de la production historique, Robert C.H. Sweeny a récemment réaffirmé l’importance de la différenciation sociale dans les campagnes bas-canadiennes[11]. Il critique le caractère statique du modèle de Greer en soulignant ses limites pour comprendre le processus de transition et les logiques de l’action paysanne lors des Rébellions de 1837-1838. L’auteur rappelle l’importance cruciale du temps et de l’espace : l’historien doit distinguer, sur la longue durée, les paysans du 18e siècle de ceux du 19e et saisir les répercussions, sur la courte durée, des crises économiques ou politiques. Il doit aussi s’interroger sur les impacts sociaux et spatiaux de la reproduction familiale dans un contexte de manque de terres à partir des années 1830.
Si la tendance des familles à favoriser l’autoconsommation[12] constitue, comme l’a souligné Greer, une caractéristique importante des sociétés paysannes précapitalistes, il est trompeur d’opposer cette pratique à la participation active des familles paysannes aux divers aspects de l’économie de marché : l’achat de biens de consommation, la commercialisation de produits agricoles, le crédit, le marché foncier ou le marché du travail. Les paysans aisés accèdent souvent, de manière avantageuse pour eux, à l’économie de marché comme vendeurs d’excédents agricoles, acquéreurs de terres, employeurs et quelquefois comme prêteurs et, simultanément, ils réalisent mieux que les moins aisés les objectifs de l’autoconsommation grâce à un éventail de productions. À l’autre bout de l’échelle, plusieurs familles paysannes n’atteignent pas le seuil de l’autosubsistance et doivent se procurer sur le marché local les produits nécessaires à leur consommation domestique et vendre, au moins sur une base occasionnelle, leur force de travail. Le statut de journalier permanent ou temporaire de plusieurs chefs de famille, qui devient de plus en plus fréquent au début du 19e siècle, constitue dans une période de transition vers le capitalisme l’une des conséquences de cette différenciation sociale déjà présente à l’intérieur même de la société paysanne précapitaliste[13].
Les journaliers ruraux sont bien présents et répertoriés dans les actes notariés, dans les registres paroissiaux et dans les recensements à partir du début du 19e siècle. Leur existence à une époque antérieure n’est toutefois pas à écarter, même si elle reste difficile à vérifier et à quantifier compte tenu de la qualité des déclarations de métier dans les sources. Les travaux récents sur les domestiques, les engagés et les fermiers de Sylvie Dépatie et Arnaud Bessière révèlent une organisation sociale des campagnes des 17e et 18e siècles plus complexe que celle d’une société exclusivement composée de paysans propriétaires[14].
Certains facteurs ont motivé la mise en train de la présente étude sur les journaliers. En premier lieu, l’article récent de Sylvie Départie sur le faire-valoir indirect au 18e siècle invite à poursuivre la réflexion sur la diversité des classes populaires rurales dans le Québec préindustriel. En deuxième lieu, nous disposons depuis plusieurs années d’une banque de données démographiques sur les journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe de 1800 à 1831, laquelle a été conçue par Benoit Lavigne, l’un de nos assistants de recherche, dans les années 1990. Cette banque de données rassemble par fiches de famille l’ensemble des mariages, des baptêmes et des sépultures concernant des personnes ayant été identifiées au moins une fois comme journalier ou (cas plus rare) comme journalière dans les registres de l’état civil des paroisses de la seigneurie de Saint-Hyacinthe[15]. Les avancées récentes du Registre de la population du Québec ancien du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) nous ont permis de valider les dépouillements effectués par Benoit Lavigne et d’intégrer à sa banque de données d’autres actes liés aux mêmes familles lorsqu’elles résidaient à l’extérieur de la seigneurie. Enfin, nous disposons de relevés informatisés des recensements de 1831 permettant d’étudier le contingent des journaliers à cette date précise.
Les données utilisées dans cette étude proviennent donc des registres de l’état civil et du recensement de 1831, auxquels nous ajoutons des inventaires après décès et procès-verbaux de carence[16]. Ces sources fournissent des renseignements sur les comportements démographiques et sur la mobilité géographique et professionnelle des familles, et sur certains aspects de leur vie matérielle. Elles ne permettent toutefois pas d’atteindre les célibataires ayant effectué un travail de journalier ou de manouvrier dans les campagnes. L’objectif est donc de situer socialement les chefs de famille dans un monde où la famille reste une cellule majeure de la vie communautaire.
Cette étude vise à mieux comprendre la croissance du nombre de journaliers chefs de famille dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe durant les premières décennies du 19e siècle. Dans un premier temps, nous examinons l’origine géographique et la mobilité professionnelle des journaliers de cette seigneurie entre 1800 et 1831. Puis, par le biais d’un jumelage de données tirées du recensement et des banques de données démographiques, nous examinons l’âge des journaliers en 1831, soit à la fin de la période étudiée. En dernier lieu, nous utilisons certaines rubriques du recensement (les déclarations de propriété, la superficie des terres occupées, les produits récoltés, la taille du cheptel) et des données tirées des inventaires après décès ou des procès-verbaux de carence pour déterminer le niveau de fortune des familles qui ont été identifiées de manière permanente ou temporaire parmi les journaliers.
Cette étude explore ainsi, à partir des mentions socioprofessionnelles et d’indicateurs socioéconomiques, la frontière étroite entre le groupe des journaliers et la frange la moins favorisée des cultivateurs. La fluctuation des statuts socioprofessionnels durant le cycle de vie ne constitue pas nécessairement un obstacle à l’étude des hiérarchies sociales. Comme l’a souligné Gérard Béaur, la classification sociale est une tâche difficile, mais aussi un exercice incontournable pour mieux comprendre les sociétés rurales du passé[17]. La variation des statuts socioprofessionnels durant le cycle de vie peut bien sûr être attribuable à l’ascension ou au déclin social des personnes ou des familles. Mais la reconstitution des itinéraires peut aussi révéler la faiblesse de la distance sociale qui sépare certains chefs de famille se déclarant cultivateurs ou journaliers lors d’un relevé particulier.
Le terrain de l’enquête
La seigneurie originale de Maska (assez vite renommée Saint-Hyacinthe) couvre un territoire d’environ 800 km2 aux confins de la zone seigneuriale, à l’est de la plaine de Montréal. Le peuplement de ce terroir s’amorce vers la fin du Régime français sur les bords de la rivière Yamaska, au lieu-dit le Rapide-Plat, dans le secteur nord du fief, à l’initiative du seigneur Jacques-Hyacinthe-Simon Delorme[18]. La concession officielle des terres, par actes notariés, débute en 1763[19]. Dans les dernières décennies du 18e siècle, le peuplement s’effectue principalement sur les bords de la rivière Yamaska, du Rapide-Plat jusqu’au sud de la Cascade qui devient, au tournant du 19e siècle, le village de Saint-Hyacinthe, ainsi que dans la partie nord-ouest de la seigneurie, entre la paroisse de Saint-Hyacinthe et les paroisses de Saint-Denis et de Saint-Charles-sur-Richelieu. En 1791, la seigneurie maskoutaine regroupait 1 360 habitants. Dans le premier tiers du 19e siècle, elle continue d’accueillir bon an mal an des contingents importants de nouvelles familles. En 1831, la seigneurie originale de Saint-Hyacinthe, désormais scindée en deux fiefs distincts, Debartzch et Dessaulles, compte selon le recensement 14 098 personnes réparties dans cinq paroisses créées par démembrements successifs de la paroisse initiale de Saint-Hyacinthe[20].
La grande majorité de cette population rurale réside dans des côtes ou des rangs d’habitat dispersé. Le principal bourg, Saint-Hyacinthe, se développe à un rythme soutenu dans le premier tiers du 19e siècle : sa population passe de 321 personnes en 1805 à 914 en 1831. Le recensement de 1831 identifie aussi deux autres villages de 236 et 195 personnes situés dans les plus récents secteurs de colonisation, Saint-Césaire et Saint-Pie. Le village de Saint-Damase, encore embryonnaire, et qui n’est pas répertorié comme tel dans le recensement, regroupe environ 15 lots et moins de 100 personnes. C’est sur le territoire de la seigneurie originale de Saint-Hyacinthe, terroir de peuplement récent, que nous étudions l’évolution du nombre de journaliers et de journalières parmi les chefs de ménages entre 1800 et 1831, en examinant certains de leurs traits démographiques et sociaux dans une société rurale où prédominent encore des paysans propriétaires que nous avons présentés, dans nos travaux antérieurs, comme économiquement et socialement différenciés.
Le profil sociodémographique et l’origine des journaliers
Le 16 février 1800, le curé de Saint-Hyacinthe, Pierre Picard, officie à la sépulture de Marie-Louise, âgée de dix mois, décédée deux jours auparavant, qui était la fille de Joseph Malboeuf, journalier, et de Marie-Rosalie Hamel[21]. Cette même année, les registres de la paroisse contiennent un seul autre acte dans lequel apparaît un journalier. En 1801 et 1802, ils contiennent respectivement cinq et sept actes concernant une famille de journalier. Dans les années subséquentes, le nombre de ces mentions se multiplie. Le dépouillement des actes de baptême, de sépulture et de mariage des paroisses de la seigneurie de Saint-Hyacinthe de 1800 à 1831, jumelé aux données du recensement de 1831, a permis d’identifier 1 085 couples où le chef de famille a été cité au moins une fois comme journalier [22].
L’origine géographique des premiers journaliers
Dans un premier temps, nous relevons le lieu de naissance et le lieu du premier mariage des journaliers maskoutains des trois premières décennies du 19e siècle. Nous examinons ensuite la mobilité géographique de ces familles à partir de leurs déclarations de résidence dans les actes d’état civil[23]. La mesure de cette mobilité varie d’une famille à l’autre selon le nombre d’actes et la précision des déclarations. Par ailleurs, le point où l’on se situe dans le cycle de vie des familles varie beaucoup. Le groupe compte des familles constituées durant les dernières décennies du 18e siècle, ayant un parcours de plusieurs décennies, et des familles créées depuis quelques années et donc moins susceptibles que les précédentes de cumuler plusieurs migrations. Afin de suivre la mobilité des familles plus jeunes sur une plus longue période, nous avons intégré à l’analyse les informations disponibles dans la banque de données du PRDH après 1831.
En ce qui concerne les lieux de naissance, on constate une proportion considérable de journaliers nés sur la rive sud du district de Montréal ou dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe elle-même (tableau 1). Le district de Québec fournit un autre contingent important de journaliers (près de 20 %). Pour les lieux de mariage, la part de la seigneurie de Saint-Hyacinthe est majoritaire et, avec l’apport du reste du district de Montréal, elle réduit à très peu de chose les contributions des autres régions de la colonie.
La mobilité géographique caractérise les journaliers mariés avant 1800 (tableau 2). La proportion des familles qui demeurent durant toute la période dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe s’accroît progressivement pour les journaliers mariés après 1800. La proportion des familles sédentaires est toutefois surestimée chez les journaliers mariés après 1800 compte tenu du manque de données disponibles pour l’ensemble du cycle de vie de ces familles.
La famille de Pierre Languirand et Marie-Anne Levasseur, dont le mariage a été célébré à Saint-Hyacinthe le 19 février 1787, est l’un de ces ménages sédentaires ayant toujours résidé dans la même paroisse et dont le chef de famille a été identifié de façon épisodique comme journalier. En 1831, Languirand père, vivant seul avec sa conjointe, est recensé comme cultivateur sans terre possédant deux bovins, deux moutons et cinq porcs[24]. Selon la description du recenseur, il réside au sud de la rivière Yamaska, à proximité de son fils Pierre, également cultivateur, et propriétaire d’une petite exploitation agricole[25]. Cette sédentarité est aussi présente chez des journaliers plus endurcis. Fils d’un journalier de Saint-Hyacinthe, Théophile-Frédéric Despart a été identifié à huit reprises comme journalier dans les registres de l’état civil avant 1840. Le 28 juillet 1840, il déclare toujours cet état lors du mariage de sa fille Rose à Jean-Baptiste Blanchette. En 1831, la famille de Despart réside au village de Saint-Hyacinthe à proximité de son frère Pierre, lui aussi journalier[26].
La migration dans deux à quatre paroisses est largement majoritaire dans chaque groupe de familles, que le premier mariage ait eu lieu avant ou après 1800. La présence dans deux paroisses concerne environ 30 % des familles, avec une progression dans le temps : un peu moins du quart des familles constituées avant 1800 et plus de 37 % de celles créées après 1820.
La migration d’une paroisse à l’autre peut impliquer le déplacement d’une famille entre deux paroisses voisines ou entre des paroisses éloignées. La famille de Joseph-Marie Jambard et Marie-Josephe Lévesque illustre ce second type de migration sur une longue distance. Établi à Rivière-Ouelle, dans le district de Québec, le 9 novembre 1778, ce couple migre avec ses enfants à Saint-Hyacinthe au tournant du 19e siècle. Tantôt cultivateur, tantôt journalier, Jambard décédera à Saint-Hyacinthe le 7 avril 1820, suivi par sa conjointe le 13 mars 1822.
Les familles qui migrent cinq fois ou plus représentent de 17 à 21 % des journaliers mariés avant 1820. Leurs migrations s’effectuent souvent sur de longues distances, par étapes successives. Mais elles peuvent aussi consister en plusieurs déplacements sur des espaces restreints à partir de paroisses situées à proximité les unes des autres. Louis Casavant dit Ladébauche, tantôt cultivateur, tantôt journalier, circule dans neuf localités du district de Montréal entre le moment de son mariage à Varennes avec Marie Désanges Fontaine dit Bienvenue, le 21 octobre 1776, et leur décès à tous deux à Saint-Pie, dans la partie orientale de la seigneurie de Saint-Hyacinthe, dans les années 1830[27]. Les registres de l’état civil nous permettent de les suivre de Varennes à Verchères, à Boucherville, à Saint-Charles, à Sorel, à Saint-Marc, à Pointe-aux-Trembles, à Saint-Hyacinthe et, finalement, à Saint-Pie. Pour leur part, Jean-François Béland et Marie-Angélique Papillon habitent successivement cinq paroisses seulement, mais leur déplacement est plus grand. Mariés dans le district de Québec, à Neuville, le 7 janvier 1782, ils s’établissent vers la fin du siècle dans le district de Trois-Rivières, à Bécancour puis à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Au début du 19e siècle, ils migrent à Saint-Hyacinthe où ils seront présents lors du mariage de cinq de leurs enfants. Béland décède le 4 août 1824 à Bécancour, où deux de ses enfants sont installés depuis le début du siècle, tandis que sa veuve meurt à Sainte-Rosalie, dans le nord de la seigneurie de Saint-Hyacinthe, le 16 novembre 1838.
La seigneurie de Saint-Hyacinthe est une région de peuplement. Nous avons donc surtout insisté sur l’immigration des familles dans ce nouveau terroir. Dans les années 1830, la seigneurie compte encore des terres disponibles vers l’est et le sud pour l’établissement de colons qui deviendront des sections importantes des paroisses de Sainte-Rosalie, de Saint-Dominique et de L’Ange-Gardien. Cependant, les surplus démographiques la transforment progressivement en zone d’émigration. Les départs vers les Cantons de l’Est ou vers les États-Unis s’amorcent dès la décennie 1830 et s’amplifient dans les années 1840. Cette émigration est visible chez la dernière génération des journaliers que nous avons identifiés après 1820. Le parcours de Joseph Jarry peut illustrer cette vague migratoire. Marié le 19 novembre 1821, à Sainte-Marie-de-Monnoir, à Marguerite-Eléonore Lanier dit Belhumeur, puis en secondes noces le 10 janvier 1826, dans la paroisse de Saint-Damase, à Marguerite Deslandes dit Champigny, Jarry émigre ensuite dans la seigneurie de Sabrevois, dans le Haut-Richelieu, puis aux États-Unis[28].
Avant même que la seigneurie de Saint-Hyacinthe devienne une zone d’émigration, plusieurs journaliers l’ont quittée, pour diverses raisons. Le retour vers leur paroisse d’origine pouvait motiver le départ de certaines familles. Ainsi, Joseph Michaud, un journalier originaire de Saint-André-de-Kamouraska, dans le district de Québec, qui a épousé la fille d’un cultivateur de Saint-Hyacinthe le 13 janvier 1818, effectue ce type de retour au pays natal au début des années 1820[29].
Le profil socioprofessionnel des journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe
L’étude du profil socioprofessionnel des 1 085 journaliers de Saint-Hyacinthe de 1800 à 1831 commande d’examiner la profession qu’ils déclarent lors de leur premier mariage (tableau 3). De manière générale, on enregistre une prédominance des cultivateurs et, en second lieu, une présence assez forte des journaliers. Les autres statuts restent très minoritaires. Ce tableau permet de constater le meilleur enregistrement des métiers dans les actes de mariage après 1800 et surtout la montée au cours du 19e siècle des mentions de journalier. Près de la moitié de nos journaliers qui ont célébré leur premier mariage après 1820 déclaraient ce statut socioprofessionnel lors de leur mariage.
Le nombre de mentions de journaliers dans les actes d’état civil et lors du recensement de 1831 est une mesure importante pour vérifier l’appartenance des individus à un groupe social (tableau 4). Les personnes qui ont été identifiées à une seule reprise comme journalier représentent plus du tiers de nos 1 085 journaliers. Ces personnes sont plus nombreuses parmi les journaliers mariés après 1820 compte tenu, entre autres, des suivis plus courts effectués dans les sources.
Dans certains cas, le faible nombre d’actes d’état civil concernant une famille et l’absence de déclaration d’un métier peuvent expliquer cette unique mention comme journalier. Cependant, dans la majorité des cas, cela renvoie au caractère temporaire de l’occupation. Dans certains actes d’état civil, le chef de famille est identifié comme agriculteur, cultivateur ou laboureur (ce qui indique qu’il est sans doute propriétaire de sa terre) ; mais, dans d’autres actes, il est identifié comme fermier (ce terme était employé à l’époque pour désigner un exploitant agricole locataire). Les mentions doubles, triples ou quadruples du statut de journalier peuvent aussi correspondre à cette combinaison de statuts socioprofessionnels qui révèle une association étroite entre les métiers de cultivateur (surtout les plus démunis) et de journalier. La mention de journalier pour un ex-cultivateur peut aussi signaler le déclin économique d’une famille lié à la faillite de l’exploitation agricole[30]. La mention de journalier peut aussi arriver tardivement dans le cycle de vie, à des âges où des parents devraient normalement bénéficier de rentes pour assurer leur retraite. L’ancien cultivateur devenu journalier, ainsi que sa conjointe, doivent recourir à des emplois extérieurs pour assurer leur survie. Notre banque de journaliers comprend certains anciens cultivateurs identifiés à ce statut social après l’âge de soixante-cinq ans.
La multiplication des mentions de journalier (cinq mentions et plus) est le fait de familles dont la subsistance dépend de façon permanente des emplois disponibles sur le marché du travail. Joseph Lebret dit Saint-Amant, qui a épousé Marie-Victoire Ouellet à Saint-Roch-des-Aulnaies, dans le district de Québec, le 13 juillet 1795, a enregistré pas moins de 18 mentions de journalier du 16 février 1797 au recensement de 1831, où il apparaît comme journalier, sous le nom de Joseph St-Amant, au 3e rang de Saint-Hyacinthe[31]. Onze de ses mentions de journalier (et cinq mentions de laboureur et de fermier) concernent l’époque où sa famille résidait à Saint-Roch-des-Aulnaies avant 1818, à l’exception d’une mention de journalier dans la paroisse de La Pocatière en 1817. Le 15 octobre 1818, il est ensuite identifié comme journalier à Nicolet dans le district de Trois-Rivières, lors de la sépulture de sa fille Victoire. Par la suite, ses mentions le situent dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe, à partir du mariage de son fils Joseph, lui-même déclaré journalier lors de ses noces le 24 juin 1822. La famille Lebret dit St-Amant demeure ensuite dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe jusqu’au décès des deux parents, à Sainte-Rosalie, les 14 août et 19 octobre 1861.
La mention de journalier est le plus souvent associée à d’autres métiers dans le cycle de vie. Nous avons donc mesuré parmi les journaliers le nombre de chefs de famille déclarant d’autres métiers de 1800 à 1831 (tableau 5). Nous avons aussi noté les associations de métiers les plus fréquentes. Moins de 11 % des journaliers identifiés entre 1800 et 1831 n’ont déclaré aucun autre métier au cours de cette période. Près de 82 % ont déclaré un seul autre métier. Dans la grande majorité des cas, cette seconde mention réfère au statut de cultivateur, catégorie que nous avons constituée à partir de termes tels agriculteur, cultivateur, laboureur ou fermier. Moins de 8 % de nos journaliers affichent au cours de la période un parcours socioprofessionnel incluant deux autres métiers ou plus, et c’est parmi ces derniers que nous avons le plus grand nombre d’artisans ou de métiers divers tel aubergiste, bedeau ou fondeur de cuillers. La profession de marchand, davantage associée à la notabilité rurale, revient seulement à trois reprises.
Les journaliers au recensement de 1831
Notre étude de la présence des journaliers s’effectue dans un secteur de peuplement, où les terres sont encore abondantes et permettent l’installation de nouveaux colons. Le comté de Saint-Hyacinthe (dont cinq des sept localités constituent la seigneurie du même nom) affiche le plus faible pourcentage de journaliers du district de Montréal en 1831, soit 13,4 % des chefs de ménage masculins[32]. (On trouve peu de journalières parmi les chefs de ménage féminins.) Nous cherchons ici à définir certains traits démographiques et économiques des chefs de famille recensés comme journaliers dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe.
Cette nouvelle étape de la recherche a été de jumeler les informations des journaliers du recensement de 1831 avec les données du fichier de Benoit Lavigne, en complétant les résultats de ce travail au moyen de la banque de données du PRDH. L’opération a permis d’enrichir une partie des données pour 307 des 327 journaliers de la seigneurie au recensement de 1831. Ces journaliers ont de manière générale des comportements migratoires et une mobilité professionnelle similaires à l’ensemble des journaliers trouvés dans les registres d’état civil de 1800 à 1831 ; nous ne reviendrons donc pas sur ces deux questions. Le jumelage des données permet aussi d’étudier la structure des âges de ce groupe de travailleurs ruraux.
Le profil démographique des journaliers
Le jumelage des informations permet de déterminer l’âge d’une assez forte proportion des chefs de famille journaliers. Ce ne sont pas seulement de jeunes hommes récemment mariés. L’âge moyen et l’âge médian de ces chefs de famille sont de 41,6 et 39 ans, respectivement.
La distribution selon l’âge des 286 individus révèle la diversité des profils démographiques de ces travailleurs ruraux dans les différentes paroisses maskoutaines (tableau 6). Seulement 17 % des journaliers ont moins de 30 ans. La grande majorité d’entre eux ont entre 30 et 59 ans et leur répartition dans les différentes catégories d’âge suit une courbe descendante modérée après 40 ans. On compte même près de 13 % de chefs de famille de 60 ans et plus, dont certains individus âgés de 70 ans, pour lesquels la mention de journalier référait autant à leur statut social qu’à leur activité régulière sur le marché du travail. Cette mention soulignait sans aucun doute l’appartenance de cette personne à un groupe social jugé inférieur par le recenseur.
Les conditions matérielles des journaliers
La majorité des 1 085 journaliers que nous avons identifiés durant les trois premières décennies du 19e siècle ne sont pas présents dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe lors du recensement de 1831. Certains sont décédés avant tandis que d’autres ont émigré vers d’autres localités rurales, vers la ville de Montréal ou vers les États-Unis. Par ailleurs, plusieurs individus qui se sont déclarés journaliers avant 1831 s’identifient désormais comme cultivateurs. Nous utilisons tout de même les déclarations effectuées lors de ce recensement de 1831 pour définir le statut socioéconomique des journaliers maskoutains.
Les premières données utiles du recensement concernent le statut de propriétaire des chefs de ménage et la superficie des propriétés occupées lorsque ceux-ci sont propriétaires. En 1831, moins du quart des journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe sont classés comme propriétaires (tableaux 7 et 8). Leur proportion est plus élevée dans les villages que dans les zones rurales. Dans la paroisse de Saint-Hyacinthe, 24 des 60 journaliers du village sont propriétaires, contre seulement 5 des 77 journaliers des rangs ou des côtes. Les journaliers de deux autres villages de la seigneurie, Saint-Césaire et Saint-Pie, sont encore plus souvent propriétaires que ceux du village de Saint-Hyacinthe : 6 des 8 journaliers dans le premier cas et 11 des 16 journaliers dans le second.
La majorité des journaliers propriétaires possèdent des emplacements de moins d’un arpent. Quelques-uns détiennent un bien foncier de moins de 10 arpents correspondant tantôt à une série d’emplacements, tantôt à une micropropriété rurale. Les journaliers qui disposent de terres de 10 arpents et plus sont minoritaires et leur bien foncier ne dépasse pas 65 arpents. (Deux grandes terres à Saint-Césaire ont été exclues du calcul ; l’une d’elles contient 88 arpents, mais sans superficie cultivable.)
Compte tenu de la superficie réduite de leurs terres, la production agricole des journaliers s’avère plutôt faible. Les céréales et les pois sont souvent absents de leur récolte annuelle. Moins de 5 % d’entre eux déclarent du blé, de l’avoine, de l’orge ou des pois. Près de 56 % déclarent toutefois une récolte de patates, en moyenne 50 minots (la médiane est de 40 minots). Cette culture sur des lopins restreints permet à leurs familles de combler une partie de leurs besoins de subsistance. Près de 75 % des familles possèdent des animaux en nombre limité. La possession de bovins et de porcs est la plus répandue avec, en moyenne, un bovin et deux porcs pour les familles qui possèdent des animaux. La possession de chevaux et de moutons est moins élevée, avec des moyennes respectives de 0,6 et 0,7 tête.
Les récoltes et le cheptel révèlent les activités agricoles secondaires de familles qui ne peuvent pas satisfaire leurs besoins alimentaires. Cependant, comme l’avons déjà souligné dans un article antérieur, la majorité des journaliers résidant dans les zones rurales de la seigneurie de Saint-Hyacinthe déclarent vivre d’abord de l’agriculture — sans doute par l’entremise de travaux sur les exploitations de cultivateurs plus aisés[33].
Le niveau de fortune des journaliers
Le profil socioprofessionnel des 1 085 journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe entre 1800 et 1831 démontre l’existence de liens étroits avec d’autres catégories socioprofessionnelles, principalement les cultivateurs. Issus de familles paysannes de la seigneurie ou d’autres régions, les journaliers maskoutains ont souvent été cultivateurs avant de devenir journaliers ou bien sont devenus cultivateurs après un certain nombre d’années comme journaliers. Dans plusieurs cas, les désignations de cultivateur et de journalier se chevauchent dans les registres d’état civil. Nous avons donc voulu tenir compte de cette dimension dans l’exploration du niveau de richesse des journaliers en examinant, à partir des inventaires après décès et des procès-verbaux de carence, la fortune des individus formellement identifiés comme journaliers au moment de l’inventaire de leurs biens et ceux identifiés avec une autre profession, surtout comme cultivateurs, dans la période correspondant à la rédaction de l’inventaire des biens ou du procès-verbal de carence.
Pour cette étude des niveaux de fortune[34], nous avons choisi de retenir exclusivement les inventaires après décès ou les procès-verbaux de carence rédigés avant 1840 concernant les chefs de famille qui avaient été identifiés comme journaliers dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe entre 1800 et 1831. Nous n’avons pas intégré ces deux documents à l’analyse lorsque la famille résidait à l’extérieur de cette seigneurie lors de leur rédaction. Nous disposons ainsi de 34 inventaires après décès et de 14 procès-verbaux de carence où le chef de famille a été identifié comme journalier durant la période de rédaction de ces actes. Nous avons par ailleurs effectué le jumelage de l’ensemble des autres inventaires après décès et procès- verbaux de carence de la seigneurie d’avant 1840 dépouillés dans le cadre de nos recherches antérieures avec les données de notre banque de journaliers identifiés avant 1830. Ce jumelage a permis de retracer 22 autres inventaires de cultivateurs identifiés avant 1831 au moins à une reprise comme journaliers, ainsi que l’inventaire d’un cordonnier et le procès-verbal de carence d’un mendiant qui ont également été journaliers dans la seigneurie de Saint-Hyacinthe.
L’actif mobilier moyen des familles dont le chef de ménage a été identifié comme journalier dans la période de rédaction de l’inventaire est le plus faible, à moins de 250 # (livres ancien cours[35]) (tableau 9). Les dettes de ces familles sont généralement plus importantes que leur actif mobilier. La faible valeur des biens de consommation, principalement composés de meubles et d’ustensiles domestiques, témoigne d’un niveau de vie rudimentaire. Ces familles possèdent peu d’animaux et peu de réserves de denrées ou autres. Les familles des journaliers dont l’inventaire après décès a été rédigé dans une période où le chef de ménage était identifié comme cultivateur disposent, en moyenne, d’un actif mobilier de deux à trois fois plus élevé, soit 704 #. Cependant, cette moyenne représente environ la moitié de l’actif mobilier moyen de l’ensemble des cultivateurs de la seigneurie. La composition de l’actif mobilier de ce groupe se rapproche davantage de celle des autres cultivateurs, avec une proportion plus considérable de biens dans les catégories du cheptel et des stocks, quoique leur valeur nominale reste faible (tableau 10). La valeur moyenne de leurs biens de consommation, quoique plus élevée que celle des autres journaliers (à l’exception du cordonnier-journalier), témoigne d’un niveau de vie qui reste modeste ; elle représente une faible proportion de l’actif.
La fortune importante de Jean-Baptiste Deranleau dit Châteauneuf et de Marie-Charlotte Jared dite Beauregard, dont l’actif mobilier s’élève à 5 326 #, vient amplifier la moyenne de l’actif des cultivateurs-journaliers[36]. Si l’on exclut l’inventaire de cet ancien cultivateur aisé, l’actif moyen de ce sous-groupe est de 485# tandis que la valeur moyenne des dettes s’élève à 581 #.
Une description des biens immeubles, qui permet de connaître la superficie des terres possédées, est présente dans 16 inventaires après décès et trois procès-verbaux de carence du groupe principal des journaliers. La superficie de ces propriétés varie de 3 à 105 arpents, pour une moyenne de 56 arpents. Cette donnée est également disponible dans 19 des 22 inventaires de cultivateurs-journaliers, chez qui la superficie moyenne des terres est de 80 arpents (valeurs entre 36 et 270 arpents). Sans l’inventaire de la famille Deranleau, la superficie moyenne des terres des cultivateurs-journaliers chute toutefois à 70 arpents.
La distribution des journaliers selon la valeur de leur actif mobilier permet de noter la diversité des niveaux de richesse (tableau 11). Près de 80 % des journaliers possèdent une fortune mobilière inférieure à 500 #, en incluant dans le calcul les procès-verbaux de carence, l’absence d’inventaire en bonne et due forme étant un indice d’actifs nuls. Les rares actifs mobiliers supérieurs à 1000 # parmi nos journaliers proviennent d’inventaires effectués alors que le chef de ménage était cultivateur. La pauvreté des familles dont le chef de famille était journalier dans la période de rédaction de l’inventaire ou du procès-verbal de carence est plus uniforme. La grande majorité des journaliers affichent ainsi une fortune mobilière qui les situe dans le tiers inférieur des cultivateurs de la même période, ceux dont les actifs mobiliers sont inférieurs à 500 # (tableau 12).
La communauté de biens de la famille de Pierre Messier et de Marie-Charlotte Jared dit Beauregard affiche la fortune la plus importante parmi le groupe principal des journaliers[37]. Cette communauté dissoute au début du siècle possède un actif mobilier de 788 # tandis que ses dettes s’élèvent à 903 #. C’est l’une des rares familles de journalier à disposer d’un poêle en fer, lequel représente la moitié de la valeur de ses biens de consommation. Le cheptel qui est évalué à 158 # comprend un cheval, une vache, deux taureaux d’un an, trois brebis, 15 poules et un coq. La famille possède au moment de l’inventaire une terre de 90 arpents, sans bâtiment, au rang Saint-Dominique[38]. La valeur de cette terre ne suffit toutefois pas à compenser les lourdes dettes, et les héritiers adultes effectuent dans les jours suivant l’inventaire des renonciations à la succession de Marie-Charlotte Jared car elle devait être « plus onéreuse que profitable[39] ».
Parmi le groupe des cultivateurs-journaliers, Jean-Baptiste Deranleau fait figure d’exception. Le 9 mars 1803, l’inventaire des biens rédigé après le décès de sa première épouse[40] montre un cultivateur aisé possédant 270 arpents de terre et un cheptel considérable, d’une valeur de 1 228 #, comprenant 3 chevaux adultes, 2 poulains, 2 paires de boeufs de labour, 4 vaches, 4 taures et taureaux, 10 moutons et deux douzaines de volailles. Deux mois après l’inventaire, le veuf épouse en secondes noces Marie-Madelaine Ouellet, la veuve d’un charron de Saint-Hyacinthe, dont la fille, Marie-Véronique Biron, épouse deux ans plus tard son fils aîné, Jean-Baptiste II. La seconde épouse de Jean-Baptiste I décède le 7 décembre 1825, et ce dernier noue une troisième union matrimoniale le 21 novembre 1826. C’est dans ce dernier acte de mariage que nous avons relevé la seule mention de journalier de cet ancien cultivateur aisé. Cette mention de journalier n’est pas, selon nous, aléatoire.
Au cours de cette même année 1826, les deux derniers fils de Jean-Baptiste Deranleau I, Godefroy et François, s’identifient aussi comme journaliers lors de leur premier mariage, mais sans indication concernant la profession de leur père[41]. Par ailleurs, le fils aîné de la famille, Jean-Baptiste II, dont la première conjointe est décédée à Saint-Hyacinthe le 19 septembre 1824, épouse en secondes noces le 28 novembre 1826 Théotiste Côté en se déclarant à son tour journalier. Les Deranleau ont ainsi totalisé quatre mentions de journalier lors de leurs célébrations matrimoniales respectives durant une crise économique au Bas-Canada, ce qui n’est sans doute pas une simple coïncidence[42].
* * *
La définition classique du journalier est une personne engagée et rémunérée à la journée pour effectuer un travail. Le travail de l’historien ne consiste toutefois pas à faire correspondre un mot employé dans les documents d’une autre époque à une définition préétablie. Le métier de journalier, pour les chefs de famille cités dans les registres paroissiaux et dans le recensement du Bas-Canada de 1831 ainsi que dans d’autres sources, renvoie plus largement à un statut social caractérisé à la fois par une relation de dépendance envers le marché du travail, au moins sur une base complémentaire ou partielle, et par une condition inférieure dans la structure sociale locale. Les chefs de famille identifiés comme journaliers effectuent assez régulièrement, mais pas nécessairement sur une base permanente, des travaux non spécialisés pour des tiers artisans, cultivateurs, entrepreneurs ou marchands locaux ou forains. Dans les milieux ruraux, ces chefs de famille, ainsi que leurs conjointes et leurs enfants, peuvent aussi assurer une partie de leur subsistance par la culture du sol et l’élevage de quelques animaux ; mais ils doivent nécessairement recourir au marché du travail localement ou même à l’extérieur de leur paroisse. Par ailleurs, le statut socioprofessionnel des journaliers chefs de famille peut évoluer durant leur cycle de vie. Les revenus provenant du travail extérieur permettent sans doute à certains d’acquérir au fil des ans davantage d’autonomie et un statut social plus enviable, tandis que d’autres ne réussissent pas à s’extirper de leur dépendance. Les crises économiques et les difficultés personnelles telles que la maladie sont aussi des facteurs qui peuvent provoquer la faillite de familles paysannes et entraîner leur déclin vers le statut de journalier.
Les journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe ne sont pas seulement de jeunes hommes désireux de s’établir sur des terres neuves. Cette étude montre l’importance numérique des chefs de ménage qui ont été identifiés comme journaliers de façon temporaire ou régulière sur une période de trente ans, et elle souligne la variété de leurs comportements migratoires. Les familles qui conservent des liens étroits avec la société paysanne affichent des avoirs fonciers et mobiliers généralement comparables à ceux de la frange plus démunie des cultivateurs. Cette recherche révèle ainsi l’existence dans cette région de peuplement d’un groupe social hybride, au bas de l’échelle du monde rural, identifié dans les sources de l’époque tantôt comme journaliers, tantôt comme cultivateurs, dont la compréhension échappe à une conception linéaire et statique des hiérarchies sociales.
Appendices
Note biographique
Christian Dessureault est professeur retraité du département d’histoire de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur le monde rural québécois des 18e et 19e siècles et abordent principalement des questions liées à la culture matérielle, aux structures sociales, aux institutions locales et aux conflits sociaux.
Notes
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[1]
Je remercie les personnes qui ont évalué cet article ainsi que Christine Hudon, de l’Université de Sherbrooke, pour leurs précieux commentaires et conseils.
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[2]
Dans un article publié en 1981, Gérald Bernier propose qu’une surexploitation féodale, désormais effectuée selon une logique capitaliste, a permis l’accumulation du capital nécessaire aux premières industries et, surtout, la formation d’une main-d’oeuvre nue et libre dans les campagnes. Ce prolétariat rural potentiellement employable par les industries locales a été toutefois principalement utilisé par les industries de la Nouvelle-Angleterre après émigration. L’auteur réfère au modèle anglais de l’expropriation paysanne tout en reconnaissant que la prolétarisation des paysans québécois provient de facteurs différents dans la colonie. Gérald Bernier, « Sur quelques effets de la rupture structurelle engendrée par la Conquête au Québec : 1760-1854 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 35, no 1 (juin 1981), p. 69-95 ; « La structure des classes québécoises et le problème de l’articulation des modes de production », Canadian Journal of Political Science/Revue canadienne de science politique, vol. 14, no 3 (septembre 1981), p. 487-518.
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[3]
Fernand Ouellet, Changements structuraux et crise (Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1976).
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[4]
Ces deux principaux facteurs de la formation du prolétariat rural au Bas-Canada sont énoncés très clairement dans l’un des articles de cet historien : « La rareté croissante de terres accentuée par les seigneurs provoque alors la formation d’un prolétariat rural disponible pour toutes les formes d’emplois. Vers 1840, les non-propriétaires constituent au moins 38 % des chefs de famille de la région de Montréal qui, à cette époque, est plus rurale encore que celle de Québec. La chute radicale du niveau de vie paysan par suite de l’effondrement de la production du blé est un autre événement qui met en évidence le rôle de l’exploitation forestière et de la construction navale comme sources d’emplois saisonniers et à plein temps pour les ruraux du Québec. » Fernand Ouellet, « Libéré ou exploité ! Les paysans québécois d’avant 1850 », Histoire sociale/Social History, vol. 13, no 26 (novembre 1980), p. 359.
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[5]
Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, Un Québec moderne 1760-1840. Essai d’histoire économique et sociale (Montréal, Hurtubise HMH, 2007). Cet ouvrage rassemble plusieurs articles et communications parus durant les décennies 1970 et 1980.
-
[6]
Serge Courville, Entre ville et campagne. L’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada (Québec, Presses de l’Université Laval, 1990).
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[7]
L’ouvrage a été traduit sous le titre Habitants, marchands et seigneurs. La société rurale du bas Richelieu, 1740-1840, trad. Jude Des Chênes (Sillery, Septentrion, 2000).
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[8]
Allan Greer [1993], Habitants et Patriotes. La Rébellion de 1837 dans les campagnes du Bas-Canada, trad. Christiane Teasdale (Montréal, Boréal, 1997). Dans un article publié antérieurement avec Léon Robichaud, Greer avait pourtant adopté une position soulignant davantage la différenciation sociale de la paysannerie du district de Montréal. Allan Greer et Léon Robichaud, « La rébellion de 1837-1838 : une approche géographique », Cahiers de géographie du Québec, vol. 33, no 90 (1989), p. 345-377.
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[9]
Christian Dessureault, « Les fondements de la hiérarchie sociale au sein de la paysannerie : le cas de Saint-Hyacinthe, 1760-1815 », thèse de doctorat (histoire), Université de Montréal, 1985.
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[10]
Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux 18e et 19e siècles. Cultures, hiérarchies, pouvoirs (Montréal, Fides, 2018).
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[11]
Robert C.H. Sweeny, Why Did We Choose to Industrialize ? Montreal 1819-1849 (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2015).
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[12]
Le terme autoconsommation suggère que l’un des objectifs prioritaires des familles paysannes est de répondre à leurs besoins domestiques, alimentaires ou autres, ainsi que de voir à leur reproduction démographique et sociale, à partir du travail effectué et des ressources produites sur leur propre exploitation agricole.
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[13]
Vers la fin des années 1980, les thèses de Sylvie Dépatie et de Thomas Wien, ainsi que leurs travaux subséquents, ont insisté sur les inégalités au sein de la paysannerie dès la période de la Nouvelle-France : Sylvie Dépatie, « L’évolution d’une société rurale : l’île Jésus au XVIIIe siècle », thèse de doctorat (histoire), Université McGill, Montréal, 1988 ; Thomas Wien, « Peasant Accumulation in a Context of Colonization : Rivière-du-Sud, Canada, 1720-1775 », thèse de doctorat (histoire), Université McGill, Montréal, 1988. Louis Michel, dont les recherches sur les marchands ruraux et la reproduction sociale tenaient compte de cette différenciation, a présenté un bilan historiographique important sur la question : « L’économie et la société rurale dans la vallée du Saint-Laurent aux XVIIe et XVIIIe siècles : bilan historiographique », dans Sylvie Dépatie et al. (dir.), Vingt ans après Habitants et marchands. Lectures des XVIIe et XVIIIe siècles canadiens (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1998). Pour d’autres régions du Canada dans la seconde moitié du 19e siècle, certains chercheurs et chercheuses ont proposé une évaluation de l’écart entre des cultivateurs excédentaires ou déficitaires (par rapport au marché) à partir de données disponibles dans les recensements et d’un modèle de consommation domestique. Voir Marwin McInnis, « Marketable Surpluses in Ontario Farming, 1860 », Social Science History, vol. 8, no 4 (octobre 1984), p. 395-424 ; Rusty Bitterman, « The Hierarchy of the Soil : Land and Labour in a 19th Century Cape Breton Community », Acadiensis, vol. 18, no 1 (automne 1988), p. 33-55 ; Béatrice Craig, « Le développement agricole dans la haute vallée de la rivière Saint-Jean en 1860 », Journal of the Canadian Historical Association / Revue de la Société historique du Canada, vol. 3, no 1 (1992), p. 13-26.
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[14]
Arnaud Bessière, « Les domestiques canadiens, ces oublié(e)s de l’histoire de la Nouvelle-France », Canadian Studies / Études canadiennes, no 82 (2017), p. 27-45 ; Sylvie Dépatie, « Maîtres et domestiques dans les campagnes montréalaises au XVIIIe siècle », Histoire, Économie & Société, vol. 27, no 4 (2008), p. 51-65 ; idem, « Le faire-valoir indirect au Canada au XVIIIe siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 72, no 2 (automne 2018), p. 5-39.
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[15]
Nous employons le terme journalier au masculin car les personnes identifiées sont presque toujours des chefs de famille masculins. Nous avons toutefois effectué le relevé des journalières dans le recensement de 1831 et dans les registres de l’état civil. Nous avons relevé seulement deux chefs de ménages féminins déclarant la profession de journalière dans le comté et la seigneurie de Saint-Hyacinthe en 1831. Voir Christian Dessureault, « Note de recherche. Les journaliers dans le district de Montréal en 1831 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 74, no 3 (hiver 2021), p. 64. Par ailleurs, parmi nos familles de journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe entre 1800 et 1830, trois conjointes ont déclaré la profession de journalière lors de leur mariage. Dans ces trois cas, le mariage avait eu lieu dans la paroisse de Saint-Mathias-sur-Richelieu (Pointe-Olivier), à l’extérieur de la seigneurie de Saint-Hyacinthe ; l’une s’est mariée à un journalier et les deux autres à des cultivateurs qui ont par la suite été identifiés parmi les journaliers de la seigneurie de Saint-Hyacinthe.
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[16]
Le procès-verbal de carence est un acte notarié qui sert à dissoudre la communauté de biens d’une famille démunie. Ce document est dressé avec ou sans évaluation des biens mobiliers possédés par la famille.
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[17]
Gérard Béaur, « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, vol. 106, no 1 (1999), p. 159-176 ; idem, « Stratigraphier le monde rural. Les catégories sociales en question », dans Annie Antoine (dir.), Campagnes de l’Ouest. Stratigraphie et relations sociales dans l’histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 17-20.
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[18]
Dans son contrat de mariage en 1756, Jacques-Hyacinthe-Simon Delorme déclare posséder dans la seigneurie de Maska (Saint-Hyacinthe) « un établissement considérable pour l’exploitation des bois marins ». Les premiers colons du Rapide-Plat travaillaient sans doute en partie pour ce seigneur, à la coupe, au sciage et au transport du bois de pin et de chêne vers Québec. Archives nationales du Québec à Trois-Rivières, notaire J. Leproust, 24 février 1756, contrat de mariage de J.-H.-S. Delorme et Marie-Josephte Jutras Desrosiers de Lussodière.
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[19]
Dans la concession de l’une des premières censives de Hyacinthe Delorme à Pierre Leclerc, le notaire indique que cette terre est limitée au nord-est « suivant la rivière du moulin-à-scie ». Archives nationales du Québec à Montréal, notaire L.-C. Frichet, 6 décembre 1763, concession de terre de H. Delorme à P. Leclerc.
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[20]
On procède successivement à l’ouverture des registres paroissiaux de Saint-Hyacinthe (1777), de La Présentation (1807), de Saint-Césaire (1822), de Saint-Damase (1823) et de Saint-Pie (1830). Au recensement de 1831, la seigneurie originale compte aussi une petite paroisse protestante anglophone, St. Paul d’Abbotsford, dont la population a été dénombrée à l’intérieur de la paroisse de Saint-Pie.
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[21]
Les différents faits démographiques présentés dans cet article peuvent être facilement retracés dans le Registre de la population du Québec ancien du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) grâce aux noms des personnes et aux dates des événements. La copie des actes d’état civil cités est disponible dans les registres paroissiaux déposés sous forme de microfilm aux Archives nationales du Québec en référant à la paroisse, à la date et aux noms spécifiés dans l’article ou dans une courte note de présentation. Nous ne donnons donc pas de référence spécifique pour toutes les informations démographiques présentées dans cet article.
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[22]
Par ailleurs, nous n’avons pas réussi à identifier 19 journaliers et une journalière parmi les 327 journaliers du recensement de 1831 ni à les jumeler à des familles présentes dans les différentes paroisses de la seigneurie de Saint-Hyacinthe.
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[23]
Nous avons éliminé les fausses migrations, liées à la création de nouvelles paroisses à partir du démembrement d’une ancienne paroisse à l’intérieur de la seigneurie de Saint-Hyacinthe. Ce travail n’a toutefois pas été effectué pour l’ensemble des déplacements des familles à l’extérieur de cette seigneurie.
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[24]
Bibliothèque et Archives Canada (BAC), recensement de 1831, bobine C-722, paroisse de Saint-Hyacinthe (le recenseur écrit Landiran).
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[25]
Pierre Languirand fils déclare une terre de 60 arpents dont 54 sont défrichés sur la rive sud de la rivière Yamaska (la future paroisse de Sainte-Rosalie). Il possède par ailleurs un cheptel moyen composé de 10 bovins, 4 chevaux, 5 moutons et 6 porcs ; BAC, recensement de 1831, bobine C-722, paroisse de Saint-Hyacinthe (le recenseur le désigne aussi sous le nom Landiran).
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[26]
BAC, recensement de 1831, bobine C-722, village de Saint-Hyacinthe.
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[27]
Ces deux sépultures ont eu lieu à Saint-Pie : le 1er octobre 1834 pour Marie Désanges Fontaine et le 8 mai 1838 pour Louis Casavant.
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[28]
Dans l’acte de baptême de son fils Maxime à Saint-Athanase de Bleury le 16 avril 1832, le lieu de résidence de la famille de Joseph Jarry et Marguerite Deslandes est Sabrevois. Puis, lors du baptême de sa fille Marie-Archange à Saint-Pie, le lieu de résidence est Lyman, au New Hamphire. Enfin, au baptême de son autre fille Marie-Adeline dans les Cantons de l’Est, le 17 septembre 1843, le lieu de résidence indiqué est simplement « Vermont ».
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[29]
La fiche de cette famille compte de nombreux actes de baptême et de mariage à Saint-André-de-Kamouraska de 1822 à 1853.
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[30]
Nous avons présenté dans une communication antérieure le cas d’un cultivateur aisé, Jean-Baptiste Lasablonnière, devenu journalier dans la paroisse de Saint-Hyacinthe au début des années 1820. Il avait effectué des investissements fonciers importants dans une période de hausse des prix en 1817. Ces investissements ont causé son endettement et entraîné des poursuites judiciaires contre lui à la Cour du banc du Roi par le seigneur Jean Dessaulles en 1822 et la vente de ses biens fonciers. Christian Dessureault, « Reproduction familiale dans le Québec préindustriel : les “élus” et les “exclus” », dans Gérard Bouchard, John A. Dickinson et Joseph Goy (dir.), Les exclus de la terre en France et au Québec XVIIe-XXe siècles. La reproduction familiale dans la différence (Québec, Septentrion, 1998, p. 51-72).
-
[31]
BAC, recensement de 1831, bobine C-722, paroisse de Saint-Hyacinthe.
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[32]
Voir Christian Dessureault « Note de recherche. Les journaliers dans le district de Montréal en 1831 ».
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[33]
Christian Dessureault, « Crise ou modernisation. La société rurale maskoutaine durant le premier tiers du XIXe siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 42, no 3 (hiver 1989), p. 368-370.
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[34]
Pour les détails de la méthodologie utilisée pour cette analyse, voir Christian Dessureault, « Notes méthodologiques sur l’évaluation des fortunes », Revue d’histoire de l’Amérique française, hors-série « Les coulisses de la recherche », https://rhaf.ojs.umontreal.ca/index.php/rhaf/article/view/118.
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[35]
Nous utiliserons le signe # dans cet article pour désigner la livre ancien cours, une unité de mesure monétaire dérivée de la livre coloniale en vigueur sous le Régime français. Cette unité de mesure est régulièrement employée en milieu rural bas-canadien au début du 19e siècle, sur le pied de 24 # = £1 cours d’Halifax.
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[36]
Archives nationales du Québec, Centre d’archives de Montréal (ANQ-M), minutes Louis Picard, inventaire après décès de Jean-Baptiste Deranleau dit Châteauneuf et Charlotte Jared dit Beauregard, le 9 mars 1803.
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[37]
ANQ-M, minutes Louis Picard, inventaire après décès de Pierre Messier et de Marie-Charlotte Jared dit Beauregard, le 26 février 1805
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[38]
Dans l’inventaire après décès, le notaire précise dans la section sur les titres et papiers que la concession officielle de cette terre est effectuée la journée même. ANQ-M, minutes Louis Picard, concession de terre du seigneur Hyacinthe-Marie Delorme à Pierre Messier, le 26 février 1805.
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[39]
ANQ-M, minutes Louis Picard, renonciation à la succession de Marie-Charlotte Jared de Pierre Messier fils et Marguerite Carré, de Antoine Millette et de Françoise Messier, de Jean-Baptiste Dolbec fils et de Marguerite Messier et d’Augustin Messier fils, le 27 février 1805 ; ANQ-M, minutes Pierre-Antoine Gauthier, renonciation … de Pierre Robitaille et Madeleine Messier ; ANQ-M, minutes Pierre-Antoine Gauthier, renonciation … de Jacques Millet et Marie Messier.
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[40]
La durée de cette union est de vingt et un ans. Le mariage de Jean-Baptiste Deranleau dit Châteauneuf et Charlotte Jared dit Beauregard avait été célébré, dans la paroisse de Saint-Hyacinthe, le 4 février 1782.
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[41]
Ces deux mariages ont été célébrés dans la paroisse de Saint-Damase entre Godefroy Deranleau dit Châteauneuf et Thérèse Ethier, le 26 février 1826, et François Deranleau dit Châteauneuf et Josephe Fontaine, le 17 octobre 1826.
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[42]
« Driven by overproduction of cotton goods, Britain’s economy crashed in December 1825. By the spring of 1826, it had dramatically affected the economies of the Americas and Western Europe. » Sweeny, Why Did We Choose to Industrialize ?, p. 73.