Comptes rendus

Lozier, Jean-François, Flesh Reborn. The Saint Lawrence Valley Mission Settlements through the Seventeenth Century (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2018), 448 p.[Record]

  • Érik Langevin

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  • Érik Langevin
    Directeur du Module des sciences humaines et Directeur du Laboratoire d’archéologie, Université du Québec à Chicoutimi

J’ai été un étudiant de Bruce Trigger et suis un familier des travaux de Denys Delâge pour ne nommer que ces quelques auteurs qui ont travaillé sur le sujet des Hurons en Huronie et dans la vallée du Saint-Laurent. Je dois donc avouer que je me demandais en quoi Flesh Reborn de Jean-François Lozier, dont une part importante concerne les missions huronnes, allait augmenter notre niveau de connaissance. Surprise ! À aucun moment je ne me suis ennuyé. Bref, la lecture du volume de Jean-François Lozier m’a captivé. Ce volume se distingue de la plupart des autres ouvrages de deux manières, à savoir le regard avec lequel les sources ethnohistoriques ont été considérées et la micro-histoire des événements du quotidien, voire des individus. Lorsqu’on s’attarde sur ce pan de l’histoire des Premières Nations, les Relations des Jésuites constituent le document de référence de prédilection. Si l’ouvrage de Lozier ne fait pas exception dans ce domaine, son originalité réside pourtant dans le prisme que celui-ci a choisi d’adopter pour décrire l’histoire des missions « indiennes » de la vallée du Saint-Laurent. Plutôt que de faire une analyse étique des origines de ces missions et de la vie qui s’y menait, Lozier a fait le pari risqué d’en faire une analyse émique. Le pari est d’autant plus risqué que c’est principalement à travers la lorgnette d’Européens, et pas n’importe lesquels d’entre eux, des ecclésiastiques dont les biais d’observation sont bien connus, que Lozier a décidé de procéder à son analyse. Les récollets, jésuites et autres n’étaient pas des anthropologues. La méthode d’observation participante de Malinovski n’avait pas encore été inventée et même la Société des observateurs de l’homme qui n’hésita pas, dès le début du XIXe siècle, à discuter de la variabilité culturelle, n’était pas encore fondée. Cette idée de l’unicité du genre humain et de la variabilité culturelle, héritage vraisemblable de la Révolution française de 1789, n’était pas encore dans l’air. Quoiqu’il en soit, si les Relations et autres documents du genre ne sont pas le résultat de témoignages objectifs, il convient de les prendre pourtant pour ce qu’ils sont, à savoir les seules attestations directes de la réalité des Première Nations pour cette période se terminant au début du XVIIIe siècle. Lozier utilise donc les témoignages de ces observateurs de première ligne, de ce qu’ils ont vu et entendu, pour reconstruire une trame émique des événements à l’origine de la mise en place des missions du Saint-Laurent. Dans le même ordre d’idée, c’est au niveau du souci des détails, d’une micro-histoire des événements que ce volume se distingue de ceux qui l’ont précédé. Alors que l’histoire des missions est effleurée par les auteurs précédemment mentionnés dans un contexte plus large, quasi pan-culturel, le volume de Lozier décrit dans les moindres détails la dynamique et le rôle clé joué par ces missions dans le processus d’acculturation certes, mais également de reconstruction identitaire sur des bases tantôt traditionnelles, tantôt nouvelles, des différentes Premières Nations qui fréquentaient ou occupaient la vallée du Saint-Laurent au XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Lozier insiste dès le départ sur une approche du lieu, de l’établissement, comme point d’ancrage de l’histoire récente ou plus ancienne des Premières Nations qu’elles soient originellement présentes sur ce territoire où encore plus récemment installées à la suite des événements en amont du contact initial. Ces lieux qui, pour la majorité d’entre eux, devaient devenir les « Réserves » que la loi des Indiens de 1851 a consacrées, se trouvent dans des endroits stratégiques du point de vue des Premières Nations concernées. Ainsi, bien au-delà de de …