Comptes rendus

Livernois, Jonathan, La révolution dans l’ordre. Une histoire du duplessisme (Montréal, Boréal, 2018), 256 p.[Record]

  • Sébastien Parent

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  • Sébastien Parent
    Enseignant, École de la Baie-Saint-François

Il est de bon ton de se méfier des ouvrages portant sur les politiciens. L’histoire politique ne cherche-t-elle pas encore à se renouveler à l’heure où l’histoire sociale continue de fleurir ? Et, parmi les politiciens objets de l’histoire nouvelle, il y en a quelques-uns investis d’une mémoire « contestée » avec lesquels l’historien négocie parfois maladroitement. Car, il faut bien l’admettre, il existe une différence entre une étude sur Jean Lesage ou René Lévesque et une autre sur Maurice Duplessis. Les deux premiers ne sont pas encore tombés – ou à peine secoués – de leur glorieux piédestal, alors que le dernier a si vite coulé dans les bas-fonds de l’estime collective qu’il a engendré, en moins de quelques décennies, des thèses opposées ; les unes accusant les autres de se tromper et, ultimement, de déformer l’histoire et notre rapport au passé. Ce n’est pas rien. Autrement dit, choisir comme objet de recherche Maurice Duplessis n’est pas sans risques, quoique ce soit moins périlleux que de prendre la parole contre lui sous son règne… Jonathan Livernois, professeur d’histoire littéraire et intellectuelle à l’Université Laval, ne s’est pas formalisé de ces apories. Regardons-y de plus près. Attardons-nous d’abord à la thèse de l’auteur, annoncée dans le titre de l’essai et inspirée d’un discours de Daniel Johnson du 16 janvier 1952. Lors d’une conférence hommage à son patron, Johnson dit que « [d]epuis 1936, il s’est opéré dans notre province une véritable révolution dans l’ordre » (p. 110). Qu’est-ce qu’une révolution dans l’ordre, sinon une formule antinomique ? Pour Livernois, c’est l’expression même désignant le « temps Duplessis » et justifiant les succès du politicien trifluvien. Et ce « temps duplessiste », nous n’en sommes pas délivré parce que « […]n’espérons-nous pas encore une révolution dans l’ordre, celle qui prend les décisions à notre place, à notre insu, sans fracas ? » (p. 245) Voilà qui est précisé, Duplessis gardien d’une tradition politique dans laquelle nous attendons le changement en ne faisant rien. Voyons comment l’auteur arrive à défendre cette intéressante thèse sans réhabiliter l’homme ni travestir son héritage. Dans le premier chapitre, l’auteur s’intéresse à l’ascension politique de Duplessis (1890-1944) au cours de laquelle l’homme politique met en place les éléments fondamentaux de ce qui deviendra, dans le langage populaire, la « Grande Noirceur » (1944-1960). À travers une lecture attentive des expériences et anecdotes politiques, toutefois assez connues des initiés – passion pour le baseball, amitié avec le frère André, dévotion à saint Joseph, élections le mercredi, jour justement dédié à saint Joseph, etc. –, Livernois propose une analyse renouvelée de la période. On y comprend que la performance de Duplessis aux élections de 1935 est bonne mais insuffisante pour lui assurer le pouvoir. Les scandales dévoilés et le programme de l’ALN (Action libérale nationale) mis de l’avant assureront par ailleurs à l’Union nationale la victoire en 1936, à la suite de la démission de Taschereau. L’analyse que propose Livernois de cette première victoire électorale du « chef » n’est pas sans rappeler le discours de la CAQ (Coalition avenir Québec) à l’occasion des élections de 2018. En effet, l’équipe de François Legault, comme celle de Maurice Duplessis, ne s’est-elle pas présentée devant l’électorat en mettant de l’avant cette idée, ni rouge ni bleue, selon laquelle ses membres seraient d’abord et avant tout de bons administrateurs ? Si l’auteur évite de mettre en évidence ce lien dans ce chapitre, laissant probablement le temps au lecteur de faire sa propre comparaison, il en arrivera à cette conclusion en fin d’essai, sinon avant. Le second chapitre est probablement celui que les …