Dans cet ouvrage, l’historien et professeur à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) Julien Goyette cherche à combler ce qu’il perçoit comme un « défaut » dans les études consacrées à Dumont, soit d’interpréter son oeuvre dans sa totalité pour « penser ensemble la théorie de la culture de Dumont, sa conception de l’histoire, son épistémologie des sciences humaines et sa philosophie politique » (p. 4). Goyette soutient qu’il est possible de retrouver, dans une démarche d’histoire intellectuelle textualiste et internaliste, « l’unité organique » d’une « oeuvre considérable, multiforme et féconde » (p. 1) à partir du concept de philosophie de l’histoire. Il donne à ce concept une acception précise et limitée. Pour Goyette, il ne renvoie pas à ces grandes fresques – tant méprisées par les historiens de métier – qui tentent de rendre compte de l’ensemble du devenir humain – passé, présent et futur – en fonction d’une idée ou d’un principe la plupart du temps unique pour lui donner un sens. La philosophie de l’histoire se limite chez Goyette à une explication globale du sort des sociétés actuelles. En effet, il prend la peine de souligner à maintes reprises que la philosophie dumontienne de l’histoire ne permet pas de dessiner l’avenir ; elle permet au mieux de penser la crise de la modernité. Après avoir posé les « prolégomènes » de son étude où il élucide les raisons qui ont poussé Dumont à s’intéresser à l’histoire moins en historien qu’en philosophe, Goyette divise son propos en trois parties. La première partie est de nature « philosophique et culturelle » (p. 10) et porte sur l’histoire comme processus. Dans le premier chapitre, Goyette identifie les postulats philosophiques sous-tendant le récit historique dumontien de l’Occident. Ce faisant, il dégage sa conception de l’historicité et met au jour l’analyse que le sociologue effectue de la condition historique de l’être humain. Dans le deuxième chapitre, Goyette s’intéresse à la façon de Dumont de représenter concrètement l’histoire en s’arrêtant sur sa vision du temps et du changement culturel ainsi que sur la façon dont il construit et périodise les entités historiques. Le dernier chapitre de la première partie présente ce que Dumont considère comme les moments forts de l’histoire. Prenant la forme d’une « dialectique de la culture », la philosophie dumontienne de l’histoire se caractérise par « le dévoilement progressif de la distance qui sépare originellement la culture première et la culture seconde » (p. 246). Temps et culture sont bien au coeur de la philosophie dumontienne de l’histoire. Épistémologique et historiographique, la deuxième partie de l’argumentation de Goyette aborde la connaissance historique et regroupe deux chapitres. L’auteur souligne que Dumont soumet les sciences humaines, en particulier la discipline historique, à une critique de la culture qui intègre les principaux postulats de sa philosophie de l’histoire. Cette partie a le mérite de bien nous rappeler que toute philosophie de l’histoire-processus soulève des questions relatives à la philosophie de l’histoire-connaissance. Aux yeux de Dumont, l’épistémologie de l’histoire doit élucider un paradoxe : en même temps qu’elle veut représenter la culture, l’histoire en est un produit. Le chapitre 4 s’arrête sur la conception particulière et large que Dumont se fait de l’anthropologie, tandis que le chapitre 5 examine son traitement des enjeux épistémologiques propres à l’histoire : objectivité, histoire/idéologie et histoire/mémoire. Ce chapitre est le plus susceptible d’intéresser les historiens de métier qui tireront profit de sa lecture. La troisième partie de l’argumentation de Goyette s’arrête sur les éléments éthiques et politiques de la philosophie dumontienne de l’histoire. Dans le chapitre 6, Goyette montre que la philosophie dumontienne de l’histoire débouche sur …
Goyette, Julien, Temps et culture. Fernand Dumont et la philosophie de l’histoire (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2017), 270 p.[Record]
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Patrick M. Noël
Département des sciences humaines et sociales, Université de Saint-Boniface