Le Bloc québécois a dominé la politique fédérale au Québec de 1990 à 2011, tout un exploit pour une formation politique s’excluant d’emblée du pouvoir. Depuis le début du XXe siècle, le Parti libéral du Canada avait reçu l’appui de l’électorat de la « Belle Province » au terme de la plupart des élections générales. Mais depuis le rapatriement de la constitution en 1982, le parti des Laurier, Saint-Laurent et Trudeau était boudé. La chute brutale du Bloc en 2011 et le retour en force des libéraux en 2015 apparaissent comme les signes d’une normalisation de la politique québécoise. Grâce à sa formation d’historienne et à un accès privilégié aux principaux acteurs ainsi qu’au centre de documentation du Bloc québécois, Martine Tremblay est la première à étudier avec un certain recul le parcours complet de ce parti singulier qui est né, a vécu et a survécu dans des circonstances particulières. À l’exception de la période entourant la naissance du Bloc, dans le sillage de la démission fracassante de Lucien Bouchard du gouvernement et de l’aile parlementaire conservatrice de la faillite de l’Accord constitutionnel du lac Meech et du rejet subséquent de l’entente de Charlottetown, l’ouvrage suit une trame chronologique rythmée par les mandats des différents gouvernements fédéraux. L’auteure y met en exergue le rôle crucial de Robert Bourassa dans le succès initial des souverainistes à Ottawa, les tensions Bouchard-Parizeau à la veille du référendum de 1995, les tribulations des souverainistes à Ottawa sous la direction de Gilles Duceppe, les aléas de la politique fédérale sous les gouvernements minoritaires de Martin et Harper, et enfin la quasi-disparition du Bloc. La douloureuse rupture entre Lucien Bouchard et Brian Mulroney en juin 1990, au moment des dernières tentatives de faire accepter aux provinces récalcitrantes l’Accord du lac Meech, un amendement constitutionnel dont certains axes avaient été dilués par le Rapport Charest, marque le point de départ de l’aventure bloquiste. Tremblay dément toute idée d’un complot « bouchardien », ne doutant pas un instant de la sincérité du ministre démissionnaire. Au contraire, l’auteure atteste de son désir de quitter la politique et de retourner à la pratique du droit : son détour en politique n’ayant été motivé uniquement par le désir de faire modifier la Loi constitutionnelle de 1982. Or, et elle l’affirme sans hésiter, ce serait le premier ministre Robert Bourassa qui, par l’intermédiaire du député libéral fédéral Jean Lapierre, aurait suscité la naissance et le regroupement des députés indépendants à la Chambre des communes, puis la création et l’élection du Bloc québécois, le tout pour renforcer son rapport de force en préparation d’une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles. La suite est connue : l’entente de Charlottetown a été rejetée par référendum, le Parti québécois de Jacques Parizeau a pris le pouvoir en 1994, et les Québécoises et Québécois se sont retrouvés devant un choix : devenir un pays souverain ou accepter le Canada tel qu’il était devenu. Des options beaucoup plus claires qu’en 1980. Du moins, c’est ce que voulait Jacques Parizeau. Mais c’était sans compter Lucien Bouchard, dont la popularité, déjà immense, avait été décuplée par sa récupération quasi miraculeuse d’une maladie souvent mortelle. L’ascendant du chef de l’Opposition à la Chambre des communes se doublait de la présence indispensable sur le terrain de plus de cinquante députés fédéraux souverainistes. Il fut donc en position de dicter au premier ministre du Québec deux conditions avant de faire la campagne référendaire à ses côtés : reporter la date du scrutin et insérer dans la question la notion de partenariat. Parizeau lâcha du lest, mais sans abandonner l’essentiel : le référendum serait …
Tremblay, Martine, La Rébellion tranquille : une histoire du Bloc québécois (1990-2011), Montréal, Québec Amérique, 2015, 631 pages[Record]
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Michel Sarra-Bournet
Historien, Université du Québec à Montréal
Historien, Université de Montréal