Comptes rendus

Lesueur, Boris, Les troupes coloniales d’Ancien Régime. Fidelitate per Mare et Terras, Paris, Éditions SPM, 2014, 527 pages[Record]

  • Éric Roulet

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  • Éric Roulet
    Département d’histoire, Université du Littoral Côte d’Opale

Les troupes coloniales d’Ancien Régime ont mauvaise réputation. Les contemporains sont peu élogieux. Mais qu’en est-il en réalité ? Boris Lesueur tente de répondre à cette question dans son livre, Les troupes coloniales d’Ancien Régime, une version largement remaniée de sa thèse de doctorat, en se situant à la confluence des différents courants historiographiques dont témoigne son utilisation d’un vaste ensemble d’archives (Archives nationales, Archives nationales d’outre-mer, Service historique de la Défense) et en la replaçant dans un cadre plus vaste interrogeant la politique coloniale de la France. Le plan s’articule autour de trois points thématiques : l’organisation structurelle des troupes (chapitres 1 et 2), les hommes, leur recrutement et leur insertion dans les colonies (chapitres 3 et 4) et les guerres coloniales qui mettent en scène ces fameuses troupes (chapitres 5, 6 et 7). La trame chronologique qui sous-tend son récit connaît elle-même trois moments : de Colbert à 1749, les colonies relèvent du secrétariat d’État à la Marine qui entretient les troupes ; de 1749 à 1772, le secrétariat d’État à la guerre s’invite dans la gestion des troupes et donc des colonies ; de 1772 à l’Empire, le secrétariat d’État à la Marine retrouve l’ensemble de ses prérogatives. Elle suit les soubresauts de la pensée coloniale en France du XVIIe au début du XIXe siècle. L’un des grands intérêts de cette étude est de s’attacher aux hommes, car la défense des colonies est bien une affaire d’hommes. Les soldats sont peu nombreux (quoique plus nombreux qu’on ne le dit généralement, autour de 10 000 à la veille de la guerre d’Indépendance américaine et autant prêts à embarquer) et leur caractère, notamment dans le cas des officiers, est souvent déterminant dans la réussite des opérations. Le regard des ministres et de leurs conseillers l’est tout autant. Les troupes coloniales d’Ancien Régime apparaissent ainsi d’une grande diversité. Aux troupes de marine ou troupes franches, certainement les plus connues qui dépendent du secrétariat d’État à la Marine, il faut ajouter les compagnies des troupes régulières, le régiment suisse et les régiments d’infanterie coloniale. Mais ce ne sont pas les seuls à assurer la défense des établissements d’outre-mer. Les habitants organisés en milice qui ont porté les colonies à leurs débuts sont encore souvent de la partie et leur apport est plus d’une fois fondamental quoiqu’il soit souvent dédaigné par les militaires de métier. Les esclaves sont aussi parfois armés pour répondre à des attaques des puissances étrangères. Il convient de préciser que les possessions françaises de l’océan Indien relèvent jusqu’en 1768 de la Compagnie des Indes orientales qui entretient sur ses deniers 22 compagnies de 50 hommes vers 1740. Des troupes royales viennent les suppléer durant les grands conflits. Boris Lesueur ne fait que les évoquer, son propos n’étant pas là. Il saisit toute la complexité de la formation et de la recomposition des régiments envoyés dans les colonies en suivant les inflexions de la politique étrangère de la France et les luttes entre le secrétaire d’État à la Marine et celui à la Guerre. La question du ravitaillement de ces troupes loin de la métropole demeure l’une des principales préoccupations des ministres et conduit à reconsidérer l’ensemble de la politique maritime française. Rochefort conquiert une place essentielle dans le dispositif en devenant l’arsenal des colonies. Les chapitres 3 et 4 consacrés aux soldats sont de notre point de vue particulièrement réussis et sont certainement les plus intéressants. Ce sont de purs produits de l’histoire sociale qui permettent un temps de dépasser la seule histoire militaire. Certes, les documents ne permettent pas un examen exhaustif du profil …