Comptes rendus

Dziembowski, Edmond, La guerre de Sept Ans, 1756-1763, Québec, Septentrion, 2015, 670 pages[Record]

  • Alain Laberge

…more information

  • Alain Laberge
    Département des sciences historiques/CIEQ, Université Laval

Ces dernières années, les publications sur la « guerre aux trois noms » (soit la guerre de la Conquête, la guerre de Sept Ans et la French and Indian War) ont été nombreuses. Ce déploiement considérable se distingue notamment par son caractère international, ce qui tranche avec la situation qui a prévalu durant le dernier quart du XXe siècle où l’historiographie anglophone, américaine surtout et britannique dans une moindre mesure, semblait la seule à s’intéresser à cet événement et à cette période. Cela avait culminé en 2000 avec la magistrale synthèse de Fred Anderson (Crucible of War) qui constitue depuis un véritable phare inspirant et stimulant encore la production des historiens travaillant dans la langue de Shakespeare. Du côté francophone, les commémorations diverses autour, d’une part, en 2009, de la bataille des Plaines d’Abraham de 1759 et, d’autre part, en 2013, autour du traité de Paris de 1763, ont sonné l’éveil. Plusieurs de ces publications ont pris la forme d’actes de colloques ou d’ouvrages collectifs livrant de précieuses mises à jour thématiques relativement à cette période. Certaines études spécifiques ont également vu le jour, de même que des éditions critiques de documents et la réédition de classiques comme La Guerre de la Conquête de Guy Frégault publiée originalement en 1955 dont les qualités de fond comme de forme ont longtemps intimidé les éventuels relanceurs québécois. Jusqu’à présent cependant, il n’existait pas de pendant francophone récent à l’ouvrage de Fred Anderson. C’est de France et de la plume d’Edmond Dziembowski, professeur à l’Université de Franche-Comté, que va venir la pièce manquante et on peut dire que l’attente en valait la chandelle ! L’auteur nous livre ici une oeuvre achevée qui fera date, tant elle se distingue par sa teneur, sa facture et son écriture qui saura séduire un vaste lectorat. Évidemment, ce dernier y retrouvera une trame chronologique bien connue avec ses dates charnières maintenant classiques. De ce strict point de vue, on doit toutefois déjà remarquer qu’il se dégage de la plume de l’auteur une conscience aiguisée de chronologies parallèles jouant de façon variable tout au long du conflit, notamment selon le théâtre des opérations. Cela nous amène à ce qui distingue tout particulièrement cet ouvrage, soit l’équilibre. Un équilibre visible tout d’abord dans les 4 parties qui le composent et qui comptent chacune environ 150 pages. Mais surtout, alors que l’historiographie nous a habitués depuis toujours à un traitement largement « national », selon l’origine des auteurs, ou bien continental, selon leur spécialisation (européanistes ou historiens des colonies), Edmond Dziembowski réussit le tour de force de ne pas reproduire cette tendance lourde. C’est ainsi qu’il couvre tout aussi adéquatement l’Europe que l’Amérique du Nord ou tous les autres théâtres où s’est déroulée cette première guerre mondiale. Il aborde avec la même rigueur et profondeur les considérations tant métropolitaines que coloniales qui interviennent dans les décisions et les actions en découlant. Parmi les belligérants s’affrontant sur les champs de bataille européens, nul n’est laissé pour compte sans pour autant négliger les acteurs principaux que sont la France, la Grande-Bretagne et la Prusse. Le lecteur appréciera de même la capacité de l’auteur de bien présenter et analyser les situations particulières des deux grands blocs coloniaux d’Amérique du Nord, incluant la désormais incontournable dimension amérindienne. Ce même équilibre se retrouve dans le traitement thématique de la guerre de Sept Ans. L’auteur navigue avec une remarquable aisance entre le politique, le diplomatique et le militaire, de même qu’entre l’économique, le social et le culturel. Ici également, presque aucun aspect de ce conflit n’est écarté de l’examen et de l’analyse. …