Comptes rendus

Caron, Jean-François, Lucien Bouchard. Le pragmatisme politique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, 126 pages[Record]

  • Jessica Riggi

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  • Jessica Riggi
    Doctorante en histoire, Université du Québec à Montréal

Dans ce court essai biographique, le professeur et politologue Jean-François Caron veut montrer que le parcours politique de Lucien Bouchard, qui semble à première vue ambivalent, est en fait empreint de cohérence lorsqu’étudié sous l’angle du pragmatisme. La thèse qu’il défend est simple. Elle stipule que le pragmatisme qui a guidé les actions de Bouchard, loin d’être une forme quelconque d’opportunisme politique, visait avant tout l’atteinte « d’un objectif central, […] en l’occurrence le développement de la nation québécoise et de son peuple » (p. 7). C’est ce que l’auteur soutient dans les trois chapitres qui forment son ouvrage. Dans le premier chapitre, il pose les fondements théoriques de son analyse. En opposition à l’idéalisme, qu’il accole à tort ou à raison au dogmatisme, il décrit le pragmatisme politique comme une doctrine ayant comme leitmotiv l’efficacité, voire l’utilité sociale, des caractéristiques qui la rendent « plus apte à établir des consensus et à pacifier les relations sociales » (p. 16). D’ailleurs, l’auteur prend soin de disjoindre cette forme de pragmatisme de celle dont se réclament les politiciens pour défendre des décisions plutôt idéologiques et électoralistes. Pour illustrer de façon concrète ce qu’il entend par pragmatisme politique, il donne l’exemple du gaullisme en France. Selon lui, les actions du général de Gaulle étaient toutes pensées en fonction de l’intérêt général de la nation française, ce qui justifie le fait que ce président a pu adopter des politiques de droite comme de gauche. Ainsi, à l’instar du général de Gaulle, Bouchard, qui l’admirait, aurait pris l’ensemble de ses décisions politiques dans le but de favoriser l’épanouissement social et économique du Québec. L’évolution de ses positions vis-à-vis de la question nationale et ses choix en matière d’élaboration des politiques publiques le démontrent selon l’auteur. En effet, dans le deuxième chapitre, Caron s’intéresse spécifiquement à la question nationale. Il retrace le cheminement politique de Bouchard de manière à illustrer que, pour cet homme, la souveraineté n’a jamais été une fin en soi, mais plutôt une solution parmi d’autres pour obtenir de nouveaux pouvoirs susceptibles de permettre à la nation québécoise d’être libre de ses choix. Cela explique le fait qu’il ait pu s’associer au Parti conservateur de Brian Mulroney à l’époque du Beau risque, tout comme le fait qu’il ait choisi de démissionner de ses fonctions de ministre et de député lorsque l’Accord du lac Meech fut édulcoré dans la foulée de la publication du rapport Charest. Par ailleurs, dans ce chapitre, l’auteur insiste sur le caractère modéré et prudent de l’homme, caractère qui lui a permis de rassembler une partie importante des Québécoises et des Québécois derrière une question plus consensuelle, stipulant le maintien des liens économiques avec le Canada, lors du référendum de 1995. C’est également cette modération qui a incité Bouchard à adopter sa position sur les conditions gagnantes dans l’éventualité de la tenue d’un troisième référendum sur la souveraineté. Pour le 27e premier ministre du Québec, tenir un autre référendum sans avoir la certitude de la victoire était un non-sens qui risquait d’affaiblir à nouveau le Québec. Quant au troisième chapitre, il traite principalement des politiques publiques qui ont été élaborées au moment où Bouchard était premier ministre du Québec. Il est d’abord question de la lutte contre le déficit que ce dernier a entreprise à partir de 1996. Selon l’auteur, l’ancien premier ministre a fait de l’atteinte du déficit zéro un de ses objectifs premiers afin que le Québec soit capable d’affronter les défis de l’économie-monde du XXIe siècle. C’est cette même préoccupation qui l’a incité à mettre en branle les fusions municipales, fusions qui devaient en …