L’ouvrage assemblé par Catinca Adriana Stan comporte un titre alléchant mais qui correspond peu à son contenu particulier. On y trouve, en effet, la réunion de plusieurs des mémoires présentés dans le cadre de la consultation menée par le ministère de l’Éducation en décembre 2013 sur le programme d’histoire du Québec en 3e et 4e années du secondaire. Il ne s’agit donc pas d’une étude sur l’histoire nationale « telle qu’elle est enseignée dans nos écoles », mais bien d’un assortiment de points de vue sur ce qu’elle devrait être, points de vue recueillis dans le cadre d’une opération politique menée par le gouvernement Marois pour justifier le rappel du programme adopté en 2006 qu’il jugeait trop centré sur l’éducation à la citoyenneté et pas assez sur la trame nationale traditionnelle de la mémoire collective des Québécois francophones. Cette mise au point étant faite, reconnaissons qu’il s’agit-là d’un ouvrage fort éclairant pour saisir les enjeux de l’enseignement de l’histoire nationale dans le contexte québécois, au terme de plusieurs années d’une intense polémique à laquelle l’auteur de ces lignes a lui-même participé. Contrairement à ce que je m’attendais au départ, il résulte, de la lecture attentive de ces textes, une impression de cohérence et de clarification des enjeux actuels et des arguments appuyant les positions de chacun quant à l’enseignement de l’histoire. Cela tient sans doute à la forme même des textes, des mémoires courts répondant aux mêmes questions soumises dans le document de consultation préparé par les deux « experts », le sociologue Jacques Beauchemin et l’historienne Nadia Fahmy-Eid. De même, la forme « mémoire » impose des argumentaires synthétiques, au ton posé et résultant du recul et de la maturité issus de sept ans de polémique. En somme, à défaut d’apporter de nouvelles perspectives, on trouvera ici un bon compendium des approches sur le sujet et des arguments qui les sous-tendent. L’ouvrage est divisé en trois parties : les mémoires des didacticiens (incluant un texte de Stan elle-même), ceux d’associations diverses (syndicats, conseillers pédagogiques, associations d’enseignants d’histoire, etc.) – dont celui de l’IHAF –, et enfin des textes centrés sur le thème de la nation, qui fut au coeur de la polémique. Une introduction de l’auteure et une « conclusion » – ou plutôt un épilogue en forme de postface – proposée par deux didacticiens de l’Université Autonome de Barcelone complètent l’ouvrage et permettent de mieux interpréter les mémoires reproduits. Passons vite sur l’introduction de Stan, qui propose certaines clés de lecture pour la suite de l’ouvrage, mais qui simplifie parfois à outrance les enjeux du débat en des binômes par trop réducteurs : « historiens vs didacticiens » ou encore « éducation à la citoyenneté vs nation ». Certes, ces dichotomies simplistes ont été mobilisées et même mises de l’avant par les deux « camps » lors du débat, mais il aurait justement été intéressant, me semble-t-il, d’en sortir pour montrer des articulations plus fines de ces différentes dimensions. Les textes qui suivent, que le peu d’espace dont je dispose m’empêche de commenter un à un, permettent de bien cerner les deux postures qui s’opposent ici et qui répondent de manière bien différente à la question fondamentale : pourquoi enseigne-t-on l’histoire à l’école ? Et c’est la réponse à cette question qui détermine en bonne partie le comment enseigner et la place des contenus dans cet enseignement. La position dite des didacticiens – et de certains groupes d’enseignants – qui ont participé au débat s’inscrit dans un courant qui se développe dans la plupart des pays occidentaux depuis au moins les années 1960 et qui valorise …
Stan, Catinca Adriana (dir.), L’histoire nationale telle qu’elle est enseignée dans nos écoles. Débats et propositions, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, 204 pages[Record]
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Jean-François Cardin
Université Laval