Comptes rendus

Belliveau, Joel, Le « Moment 68 » et la Réinvention de l’Acadie (Ottawa, Les presses de l’Université d’Ottawa, 2014), 362 p.[Record]

  • Nicole Neatby

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  • Nicole Neatby
    Département d’histoire, Saint Mary’s University

Disons d’emblée que l’on ne pourra plus se pencher sur l’histoire du mouvement étudiant canadien ni sur celle du nationalisme acadien sans tenir compte de cette étude. C’est dire l’importance et toute l’originalité de sa contribution. D’un point de vue général, elle confirme à quel point la tendance des historien/nes à penser le mouvement étudiant au Canada comme étant le reflet d’une dualité canadienne, canadienne-anglaise d’une part et québécoise d’autre part, occulte des pans importants de son histoire. En analysant par le menu les convictions et les causes épousées par les cohortes de leaders étudiants acadiens de Moncton entre 1957 à 1969 – notamment ceux de l’Université de Moncton – Joel Belliveau lève le voile non seulement sur le militantisme étudiant d’une région trop souvent ignorée, mais confirme que ces jeunes sont bien de leur temps et vivent au diapason des contestations de la jeunesse occidentale. Il cherche, de fait, à établir comment se sont articulés leur allégeance aux idéaux de leurs semblables ailleurs et leur activisme qui découle spécifiquement du contexte monctonien et de leur identité acadienne. Or, sa contribution la plus significative et tout probablement celle qui suscitera le plus de débat, tient aux nuances de poids qu’il apporte à la thèse avancée par d’autres chercheurs, voulant que le mouvement étudiant soit à l’origine du néonationalisme acadien, l’un donnant naissance à l’autre. S’il ne conteste pas cette parenté, qui a d’ailleurs largement fait consensus, il tient à démontrer toutefois que le mouvement étudiant « précède, et de beaucoup, l’apparition du courant néonationaliste » qui s’inspire d’abord et avant tout des objectifs et des prises de position du mouvement étudiant occidental. Plus encore, l’auteur soutient que jusqu’à la fin des années 1960, les étudiants les plus militants étaient antinationalistes. C’est en fournissant une analyse fine et nuancée du discours étudiant sur la longue durée, tiré entre autres de la presse étudiante et des documents provenant du fonds d’archives de Pierre Perrault, réalisateur du film L’Acadie, l’Acadie ? ! ?, qu’il a su découper cette décennie au sens large en trois périodes. Il confirme du coup à quel point la culture politique étudiante évolue et se transforme de façon remarquable et en peu de temps. Au cours de ces années, soutient Belliveau, les étudiants de Moncton développent leur identité propre à titre d’étudiants et en viennent à se percevoir comme un corps social autonome avec une vision du monde qui les distingue. On peut dire qu’en cela ces jeunes suivent un parcours très comparable à celui de leurs collègues ailleurs au pays. Ils adoptent aussi des causes et les idéologies de la « nouvelle gauche », adhèrent à des théories anticolonialistes et appuient la participation démocratique au sein des universités ainsi qu’une augmentation du financement universitaire et étudiant, pour ne nommer que celles-là. Or, selon Belliveau, c’est en 1964-1965 que naît le premier mouvement étudiant acadien – l’année de la première manifestation étudiante au Nouveau-Brunswick depuis la Seconde Guerre mondiale – contre une augmentation des frais de scolarité à Fredericton. C’est aussi à partir de cette date, et jusqu’en 1967, que les leaders étudiants de Moncton adhèrent à ce qu’il baptise « l’idéologie de la participation modernisatrice ». C’est dire qu’ils vouent une confiance sans réserves à l’État providence, seul capable à leurs yeux de mener à bien la modernisation et le progrès de leur société et d’assurer une participation citoyenne démocratique aux affaires publiques. Ils endossent tout particulièrement les nouvelles politiques entérinées par le gouvernement de Louis Robichaud – premier Premier ministre acadien de la province. Mais, en contrepartie, l’engagement prioritaire qu’ils accordent aux valeurs démocratiques et libérales fait …