Comptes rendus

Dumont, Micheline, Pas d’histoire les femmes ! Réflexions d’une historienne indignée (Montréal, Éditions du remue-ménage, 2013), 223 p.[Record]

  • Élise Detellier

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  • Élise Detellier
    Historienne

« Le patriarcat continue sa domination. C’est ce constat qui est à l’origine de mon indignation. » (p. 218). Ainsi se termine le recueil de textes intitulé Pas d’histoire les femmes ! Réflexions d’une historienne indignée, écrit par Micheline Dumont, pionnière de l’histoire des femmes au Québec. Ces quelques mots résument très bien l’ouvrage composé de seize textes écrits au cours des quinze dernières années et dont la longueur varie de deux pages à une cinquantaine. Dès l’avant-propos, Dumont affiche clairement ses couleurs : c’est sa colère – assumée et légitime – qui a guidé l’écriture de ses textes témoins d’une « histoire des femmes comme combat non gagné » (p. 15). C’est donc en tant qu’historienne et militante féministe que Dumont nous livre ses réflexions fort inspirantes au sujet de l’histoire des femmes et de sa place toujours négligée dans l’histoire académique et populaire. Dans la première partie « Le féminisme est-il soluble dans le nationalisme ? » (p. 17), Dumont commence par se demander si l’histoire nationale peut tenir compte de la réflexion féministe (p. 19-45). Elle explore quatre exemples tirés de l’histoire du Québec : le retrait du droit de vote des femmes par les patriotes, l’influence du discours nationaliste sur les revendications féministes de la première moitié du XXe siècle, le sexisme du discours nationaliste radical des années 1960 et la lenteur dans la mise en place des points peu nombreux concernant les femmes dans le débat sur la souveraineté. Avec ces quatre exemples, Dumont conclut à l’importance de comprendre la logique selon laquelle le nationalisme et le féminisme s’opposent « de façon irrémédiable » (p. 44). Elle en explique ainsi les rouages : « cette logique qui empêche de réconcilier féminisme et nationalisme comprend la tendance générale à “naturaliser” les femmes, l’identification de l’homo quebecensis au masculin, le refus de reconnaître aux femmes le statut de “sujet” de l’histoire, la valorisation d’une approche étroitement démographique de l’avenir de la nation, la réception des préoccupations venues du féminisme comme un “greffon étranger” » (p. 44-45). Dumont poursuit ses réflexions sur l’histoire nationale et le féminisme en affirmant que la laïcité n’est pas une garantie pour les droits des femmes comme on le pense trop souvent au Québec. Elle soutient aussi que, dans les années 1970, « le seul mouvement qui a vraiment produit une petite révolution a été le mouvement des femmes, celui qui est issu des groupes autonomes des femmes » (p. 53). Elle démontre que l’affaire des Yvette représentait une véritable stratégie politique orchestrée par des femmes et contre la volonté des stratèges du Parti libéral. Dumont entreprend ensuite une étude fort intéressante pour savoir de quelle manière les députées de l’Assemblée nationale « affichent ou n’affichent pas leurs rapports avec le mouvement féministe » (p. 64). Elle en conclut que la majorité des députées n’affichent pas leurs liens avec le mouvement féministe, car elles préfèrent une approche humaniste qui représenterait l’ensemble de la population. En fait, l’option féministe marquerait négativement les femmes, alors que, pour les hommes, une décision féministe les marquerait de manière positive. Dumont lève ainsi le voile sur l’un des doubles standards en politique. La deuxième partie de l’ouvrage s’intitule « Cherchons les femmes » (p. 81). Dumont commence par les chercher dans le magazine L’Actualité, alors qu’elle se demande « dans quelle mesure les transformations du mouvement des femmes ont modifié le discours sur le féminisme dans ce magazine » (p. 86). Ses recherches l’amènent à constater que le magazine laisse peu de place aux femmes et que celles-ci sont souvent cantonnées dans une …