Les collectifs regroupant des textes d’universitaires, de journalistes, de professionnels et de proches d’un personnage politique ne sont pas toujours d’une lecture facile en raison de leurs propos souvent difficiles à unifier. Force est de reconnaître que le collectif tiré du colloque « René Lévesque. Homme de parole et de l’écrit », tenu le 4 novembre 2011, fait exception à la règle. Pourquoi ? Parce qu’il remplit bien sa promesse de nous présenter un René Lévesque sous un angle méconnu, soit celui d’un personnage qui avait cette capacité « tout à fait unique d’expliquer, de raconter, d’analyser, de convaincre, et ce, par une prise de parole engagée et par une écriture tonique » (p. 7). De fait, affirment Alexandre Stefanescu et Éric Bédard, il serait erroné de considérer qu’il y a eu deux Lévesque, l’un journaliste et l’autre politicien. Du correspondant de guerre au journaliste vedette de Radio-Canada, au ministre libéral de l’« équipe du tonnerre » jusqu’au premier ministre souverainiste, on retrouve un seul personnage qui a la même passion d’expliquer, d’informer, de partager ses convictions (p. 7). Et que dire de l’image d’un René Lévesque brouillon ? Selon Yves L. Duhaime (texte de clôture), il s’agit là d’un véritable mythe. « En fait, il était toujours minutieusement préparé. » (p. 154) Par ailleurs, Jean-Louis Roy (texte d’ouverture) rappelle qu’au-delà des mots dits et des mots écrits par René Lévesque, ce qui importait pour lui était leur signification dans l’action. « Ce discours sur l’émancipation de la nation et subséquemment sur la souveraineté constamment élargie des femmes et des hommes d’ici, des créateurs et des entreprises d’ici, n’est pas qu’un simple discours. Il constitue une ardente obligation. » (p. 19) Du Lévesque de la radio, Aimé-Jules Bizimana (« René Lévesque, reporter de guerre ») et Pierre Pagé (« René Lévesque et l’invention d’un style radiophonique ») font ressortir les talents du reporter pour le récit. « Un récit percutant qui se déploie dans le reportage avec un style vivant », soutient Bizimana, (p. 67). Mais également, ajoute Pagé, pour son style de parole qui savait jouer « des effets linguistiques du changement de tonalité qui cherchait à surprendre, à attirer l’attention par le contraste et à intensifier le sentiment de proximité avec l’auditeur en employant des expressions du parler populaire, celui des régions ou celui des milieux ouvriers et industriels » (p. 92). Du Lévesque de la télévision, Marc Laurendeau (« René Lévesque et la télévision ») nous démontre qu’il a été l’un des premiers à en maîtriser les particularités, par « une créativité surprenante et à créer un lien quasi personnel avec un large éventail de la population » (p. 98). « La véritable force de René Lévesque aura été d’amener un climat d’intimité à la télévision. Il ne s’adressait pas à une foule mais à chaque téléspectateur individuellement », précise Laurendeau. (p. 99) Même si nous l’avons à peu près tous oublié, Lévesque a été chroniqueur entre 1966 et 1976 pour différents médias. Il y a publié près de 1400 chroniques ! Éric Bédard et Xavier Gélinas notent que de tous les premiers ministres, René Lévesque est celui qui a le plus écrit. Dans ce genre journalistique où il se démarque également, il joue sur tous les spectres : « celui du pédagogue, de l’ironiste, du pamphlétaire ou du justicier, du tendre, du poète, voire du prophète qui s’exprime par métaphores, de l’observateur qui s’interroge, du témoin qui se confie… » (p. 34) René Lévesque a enfin exploré le genre littéraire particulier qu’est l’essai. Selon Anne Caumartin (« René Lévesque, essayiste »), c’est à travers les principes …
STEFANESCU, Alexandre et Éric BÉDARD (dir.), René Lévesque. Homme de parole et de l’écrit (Montréal, VLB éditeur, 2012), 173 p.[Record]
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Alain Lavigne
Département d’information et de communication, Université Laval