Professeur de philosophie à la retraite, Raymond Bélanger a produit un ouvrage qui représente de toute évidence la somme d’années de recherches minutieuses sur le pionnier François Bellanger, maçon français devenu seigneur dans la Nouvelle-France du XVIIe siècle. Il faut reconnaître que l’auteur fait bien plus qu’un travail de généalogiste, il fréquente avec beaucoup d’habileté le territoire de l’historien. En effet, ce type d’ouvrage ne satisfait que très rarement les attentes des historiens professionnels qui ne voient pas toujours l’intérêt pour ces travaux d’érudition où l’analyse fait souvent défaut. Or, le livre de Raymond Bélanger est bien plus que l’histoire d’un autre « ancêtre » de la Nouvelle-France. L’objectif de l’ouvrage est explicite et ambitieux : à travers l’exemple de l’immigrant François Bellanger, comprendre le processus de mobilité sociale ascendante qui caractérise la Nouvelle-France. Pour y arriver, il invite à une réflexion sur les institutions de cette époque, dans lesquelles Bellanger fera ses preuves avant d’accéder à la dignité seigneuriale. De toute évidence captivé par son sujet, l’auteur n’en demeure pas moins rationnel et, comme il l’annonce en introduction, multiplie les indices pour tenter d’approcher un « degré de vérité ». S’il se permet certaines hypothèses, il résiste le plus souvent à l’extrapolation lorsque les sources sont absentes. Le livre se décline en 7 parties et 13 chapitres d’inégales longueurs. Il s’inscrit dans la longue durée, au-delà de la vie de François Bellanger, pour s’intéresser ensuite à sa descendance et à son fief jusqu’au milieu du XIXe siècle, perspective judicieuse qui non seulement permet de connaître la vie de l’ancêtre Bellanger, mais de la situer dans le contexte historique de la Nouvelle-France. À cette trame chronologique imposée par la biographie se superpose une analyse thématique. La première partie, intitulée « L’individu », présente François Bellanger en tant qu’immigrant, en particulier les parties les plus nébuleuses de son existence. Le chapitre 1 se penche sur les questions non résolues de son statut social et de ses origines en France. On ne sait avec certitude où il est né ni l’identité de ses parents, ce qui pose bien entendu problème lorsqu’on souhaite comprendre l’ampleur de son ascension sociale au Canada ! L’auteur présente les débats qui ont opposé les généalogistes sur ces questions, puis présente la famille de l’épouse de Bellanger, Marie Guyon, connue avec beaucoup plus de certitude. Dans le chapitre 2, Raymond Bélanger traite des conditions d’engagement et d’arrivée de l’ancêtre Bellanger au Canada. Le chapitre 3 s’emploie à raconter la traversée de l’Atlantique en 1634. Ici, l’auteur fait preuve d’une réelle maîtrise de l’art du récit ; malgré l’absence de certitude sur le moment de son arrivée, il tente une reconstitution du groupe d’individus qu’a côtoyés Bellanger sur le navire. La description qu’il donne (p. 38-39) de ceux qui ont possiblement été de la traversée avec lui en 1634 est saisissante par le nombre d’individus appelés à s’élever socialement dans la petite société de la Nouvelle-France qui naît à peine ; François Bellanger est l’un d’eux. On peut cependant reprocher à l’auteur son enthousiasme un peu débordant lorsqu’il affirme que « plusieurs sont portés par un rêve de monter dans l’échelle sociale »… Au chapitre 4, l’auteur présente ses différents lieux de résidence : Beauport, Beaupré, puis L’Islet. Globalement cette première partie, sans être inintéressante, risque de susciter modérément l’attention des historiens qui y verront souvent de longues digressions présentant davantage d’intérêt pour les multiples descendants de Bellanger (par exemple savoir si Bellanger était ou non du nombre des moissonneurs de 1636 à Beauport…). La seconde partie s’intéresse à l’homme public ou au « bâtisseur de pays …
Bélanger, Raymond, François Bellanger. Seigneur de L’Islet-de-Bonsecours (Québec, Presses de l’Université Laval, 2010), 445 p.[Record]
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Benoît Grenier
Université de Sherbrooke