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Traiter de l’histoire de la ville de Québec, tant du point de vue de la politique que de celui des acteurs et des institutions comme l’écrivent eux-mêmes les auteurs, voilà l’objectif de Québec. Quatre siècles d’une capitale. Un objectif, à vrai dire, franchement et brillamment réussi. Mais le lecteur y découvrira l’histoire d’une capitale plutôt que celle d’une ville. En d’autres termes, il ne s’agit pas ici d’une livre d’histoire urbaine ni d’histoire corporative municipale, bien que tout au long de ses 692 pages on survole les vies publique et politique municipales et les principales transformations physiques et spatiales de la ville. Nous sommes d’abord conviés à la lecture d’un livre d’histoire politique : une histoire de Québec comme capitale nationale.
L’ouvrage est divisé en cinq parties (comptant 24 chapitres) qui suivent la chronologie politique du Québec. Dans la première partie, est analysée la période de la Nouvelle-France, allant de l’année de fondation de la ville en 1608 jusqu’à la Conquête anglaise. Les auteurs passent d’abord en revue les événements et le contexte qui vont mener au choix du site de Québec et à l’établissement du pouvoir colonial puis, ensuite, dressent un tableau de la vie politique qui s’y déroule et de son fonctionnement. Enfin, les auteurs analysent les autres fonctions de Québec, les fonctions religieuse et culturelle et enfin, la fonction militaire. Pendant la période française, nous disent les auteurs, Québec est le coeur de la colonie et tous, alliés comme ennemis, connaissent son importance stratégique.
La seconde partie de l’ouvrage va de la Conquête aux troubles politiques de 1837-1838. Évidemment, sont revus tour à tour l’établissement du gouvernement britannique, l’adoption de l’Acte de Québec puis celui de l’Acte constitutionnel et le contexte politique et parlementaire qui conduit aux Rébellions. Ici, les auteurs abordent le contexte international, tout en relatant avec rigueur et précision les grandes lignes de la politique nationale et locale. Cette période, avec la succession de régimes qui la caractérise, annonce l’établissement de la démocratie libérale.
La troisième partie de l’ouvrage, intitulée « La capitale incertaine », couvre la période allant des Rébellions à la naissance de la Confédération canadienne. Comme son titre le suggère, la position politique de Québec dans la nouvelle hiérarchie des villes et des lieux de pouvoir est incertaine dans le contexte de l’Union. Québec voit disparaître ainsi son rôle central dans la politique coloniale et bientôt canadienne. En 1857, la reine Victoria retient, par exemple, Ottawa comme capitale du Canada-Uni.
La quatrième partie du livre couvre 100 ans d’histoire, allant de 1867 à la fin du régime duplessiste. Les auteurs mettent en lumière le nouveau rôle de Québec comme capitale provinciale, notamment en s’attardant à la construction d’infrastructures liées à la vie parlementaire. Aussi, écrivent les auteurs, jusqu’en 1920 la ville voit ses rapports, avec le Québec en général et Montréal en particulier, évoluer. Entre les années 1920 et 1960, les auteurs montrent comment « Québec, seule capitale d’un État francophone, devient un lieu de rassemblement et de mémoire rayonnant à travers toute la franco-américanité » (p. 465). Mais malgré la richesse de son passé (manifeste notamment par le parc immobilier de ses bâtisses ancestrales), la ville doit néanmoins penser à moderniser son économie, préserver son patrimoine bâti, contrer l’exode de ses habitants et améliorer sa situation financière.
La dernière partie de l’ouvrage, « La capitale du Québec moderne, 1960-2008 », traite du passage de son statut de capitale provinciale à celui de capitale nationale. Les trois premiers chapitres de cette partie couvrent la période 1960 à 1980. On revoit le tumulte et l’effervescence des mouvements d’affirmation nationale et des réformes qui ont accompagné et défini la Révolution Tranquille. Très peu étudiés dans nos manuels d’histoire, le remplacement de l’Assemblée législative par l’Assemblée nationale ainsi que la modernisation de la vie parlementaire et de ses rouages administratifs sont analysés par les auteurs.
Les deux derniers chapitres de l’ouvrage traitent des trois dernières décennies. Ici, les auteurs s’attardent notamment aux enjeux typiquement municipaux. On y analyse également « plusieurs faits d’actualité » qui caractérisent la vie parlementaire et les défis futurs qui s’annoncent (médiatisation de la vie parlementaire, information électronique, positionnement dans le monde…). Les auteurs terminent l’analyse de cette période sur une note optimiste : « La capitale québécoise amorce le XXIe siècle avec une confiance tranquille acquise grâce à ses réussites passées » (p. 572).
Québec. Quatre siècles d’une capitale est un ouvrage magnifiquement illustré et d’une facture visuelle riche et agréable. En quelques mots, c’est un beau livre. Aussi, les auteurs ont su bien équilibrer la part accordée aux faits et la part consacrée à l’analyse de fond, exercice difficile à réaliser dans un bouquin qui s’adresse à un large public.