Comptes rendus

D’AVIGNON, Mathieu, Champlain et les fondateurs oubliés. Les figures du père et le mythe de la fondation (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008), 540 p.[Record]

  • Gaston Deschênes

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  • Gaston Deschênes
    Historien

Issu d’une thèse de doctorat, l’ouvrage de Mathieu d’Avignon « s’inscrit dans le contexte d’un courant historiographique récent de déconstruction des mythes fondateurs » (p. 3) et veut expliquer « pourquoi l’histoire et la mémoire [ont] retenu le nom de Champlain comme étant celui du “fondateur” de Québec », oubliant les prétendants anciens et nouveaux à ce titre : Pierre Dugua de Mons, qui a investi dans le commerce des fourrures, le capitaine Dupont-Gravé, qui a négocié l’alliance franco-indienne de 1603 à Tadoussac, le chef montagnais Anadabijou, qui était partie à cette alliance, et le roi Henri IV, son homologue lointain… L’hypothèse de l’auteur est que Champlain a sciemment contribué à nourrir le mythe en orientant ses récits vers sa propre personne dans le but de construire une image de « fondateur unique ». Dans le premier chapitre (« Champlain : à l’origine du mythe de la fondation ? »), Mathieu d’Avignon présente et examine les récits de Champlain. Il s’intéresse particulièrement aux différences entre la première version des voyages de 1603 à 1618 (éditée en 1603, 1613 et 1619) et celle que Champlain publie sous une forme abrégée dans la première partie de son édition de 1632. Son analyse vise à démontrer que Champlain a voulu occulter le rôle des Montagnais (« l’alliance » de 1603), de Dugua de Mons et de Dupont-Gravé. Après s’être fait le « héros de ses récits » (p. 124 et ss.) et avoir remplacé des « nous » par des « je », il ne lui restait plus à attendre que les historiens oublient de consulter ses ouvrages antérieurs et « tombent dans le piège mis en place […] à la fin de sa carrière d’auteur » (p. 228). Dans les trois chapitres suivants, l’auteur étudie l’effet du « piège ». Il passe d’abord en revue les auteurs qui ont présidé à « la naissance d’un héros français » et à « l’édification du mythe des origines » (les Jésuites, Lescarbot, Sagard, Sixte Le Tac, Le Clercq, Bacqueville de La Potherie, Charlevoix, Kalm), puis les historiens qui ont contribué à « la consolidation du mythe » (Bibaud, Garneau, Ferland, Laverdière, Sulte, Dionne, Groulx) et enfin trois auteurs qui témoignent d’un renouvellement du « récit des origines » (Desrosiers, Trudel et Victor Tremblay). Les historiens anglophones, qui ont produit les plus imposantes biographies de Champlain, ne sont malheureusement pas inclus dans le corpus étudié. Il n’est pas question ici de réexaminer point par point la démonstration exposée dans le premier chapitre mais, au terme de cette année de fêtes sur laquelle l’ombre de Dugua de Mons a constamment plané, il apparaît opportun de se pencher sur son cas et plus particulièrement sur les quelque 18 mois qu’il a passés avec Champlain en Acadie. Peut-on vraiment affirmer, comme l’écrit l’auteur à cinq reprises (p. 101, 110, 122, 160, 500, dans des termes à peu près semblables), que Champlain « supprime un grand nombre de passages décrivant les actions de Dugua, passe du “nous” au “je” et s’attribue même à l’occasion des actions accomplies par son ancien supérieur » ? Les ouvrages de Champlain sont des récits de voyages et non des « récits des origines », comme Mathieu d’Avignon les décrit, ce qui lui permet de dire ensuite que ces récits ne sont pas objectifs ou exhaustifs. Aucun des ouvrages de Champlain n’avait la prétention de faire l’histoire générale des explorations ou des établissements français en Amérique (comme ce sera le cas ultérieurement pour Charlevoix, par exemple), et de distribuer les lauriers. Que Champlain parle de lui n’étonne guère ; qu’il soit le héros de …