Abstracts
Résumé
Les jeunes, que l’on dit amnésiques et déficitaires sur le plan de la culture historique, ne sont pas sans posséder une certaine vision de l’histoire du Québec. Quelle est cette vision ? Est-elle différente selon que l’on est francophone, anglophone ou allophone ? Évolue-t-elle après que les jeunes aient suivi le cours d’histoire nationale ? Quelle est l’importance effective de ce cours dans la structuration d’une mémoire historique collective chez les jeunes Québécois ? Voilà autant de questions abordées dans cet article, premier résultat d’un grande recherche en cours.
Abstract
Young people, who are accused of being woefully uninformed when it comes to historical culture, are not without a certain vision of Quebec history. What is that vision ? Does it vary according to whether someone is francophone, anglophone or allophone ? Does it evolve after a young person has taken the national history course ? What is the real importance of this course in structuring a collective historical memory among young Quebeckers ? Such are the questions discussed in this article, which is the first result of a larger, ongoing research project.
Article body
Ce travail s’inscrit dans la foulée d’une recherche amorcée vers la fin des années 1990 et visant à explorer la mémoire et la perception qu’ont les jeunes Québécois de l’expérience historique québécoise[1]. Par rapport à nos enquêtes précédentes sur le sujet[2], celle qui alimente le présent article marque un certain nombre d’avancées. Plutôt que de nous restreindre aux seuls jeunes Québécois d’héritage canadien-français vivant dans l’agglomération urbaine de Québec, nous avons inclus, dans notre nouvelle enquête, des jeunes Québécois de différentes traditions culturelles et linguistiques – francophone, anglophone, allophone et même autochtone. L’enquête nous a par ailleurs permis de rejoindre des jeunes vivant dans la métropole ou en région, des jeunes évoluant dans des milieux interculturels et polyglottes ou dans des milieux plus homogènes sur le plan culturel et linguistique, et des jeunes possédant une seule ascendance culturelle affirmée ou assumant plusieurs ascendances culturelles complémentaires[3]. À notre connaissance, il n’existe pas, au Québec tout au moins, d’enquête comparable à celle-ci qui ait une aussi grande ampleur[4].
Le présent article puise à une partie du nouveau corpus élargi. Il offre, selon certains paramètres et aux fins de répondre à des interrogations précises, une première description et interprétation des récits amassés et des données colligées au cours des années scolaires 2003/2004 et 2004/2005, auprès de plus de 2000 élèves de 4e ou 5e secondaire, dans 17 établissements d’enseignement du Québec.
Bien que le corpus recueilli permette d’aborder plusieurs volets de la mémoire que conservent les jeunes Québécois du parcours historique de leur société d’appartenance ou de référence, nous nous en tiendrons ici à deux questions majeures intéressant tous ceux qui sont préoccupés par l’enseignement de l’histoire, l’éducation à l’histoire et l’assimilation des connaissances historiques à l’école :
Y a-t-il des différences significatives dans les connaissances et perceptions des jeunes de 4e et de 5e secondaire relativement à l’expérience historique québécoise[5] ?
Sur la base des données recueillies et à partir des tendances observables, est-il possible de déceler ou d’établir un impact quelconque du cours d’histoire nationale dans la structuration de la mémoire des jeunes Québécois concernant l’histoire de leur société ?
On comprendra que l’étude proposée témoigne d’une recherche en progression et que les hypothèses avancées, au terme de l’analyse de nos résultats, ont une valeur exploratoire surtout.
À propos de l’enquête
Objectifs
L’objectif de l’enquête était d’investiguer la mémoire qu’ont les jeunes Québécois de l’histoire du Québec. Il est commun de dire que les jeunes en général, et que les jeunes Québécois en particulier, ne connaissent à peu près rien de l’histoire de leur collectivité[6]. Cette assertion se vérifie amplement si on interroge les intéressés sur des aspects particuliers ou anecdotiques du passé du Québec. Le diagnostic est moins vrai si, en leur offrant le temps et l’espace nécessaires pour réaliser l’exercice, on leur demande de raconter l’histoire du Québec comme ils l’entendent ou la possèdent. Dans ce cas, des visions partielles ou fournies de ce que fut le passé du Québec sont mises en forme, une histoire plus ou moins charpentée de l’aventure historique du Québec est proposée, le récit ample ou réduit d’un parcours historique est élaboré. Ce sont ces visions, histoires et récits, plus ou moins rudimentaires ou développés, qu’il nous importait de cerner grâce à l’enquête. Pour atteindre notre objectif, nous avons mis au point une méthode originale, lourde en temps de saisie et d’analyse des données, mais efficace et probante par les résultats qu’elle autorise.
Méthode
Pour accéder à la mémoire du Québec de nos locuteurs, nous leur avons proposé, sans autre préambule, de répondre à une question tout à la fois simple et générale : « Décrivez, présentez ou racontez, comme vous la savez ou vous vous en souvenez, l’histoire du Québec depuis le début. » Aux fins de réaliser l’« épreuve », nous avons alloué à nos répondants une période de 45 minutes. Aucune autre prescription que celle d’exécuter sérieusement l’exercice ne leur a été donnée. Afin de classer les copies selon différents paramètres, nous avons par ailleurs demandé aux répondants de nous informer de certaines facettes de leur identité personnelle : âge, sexe, langue maternelle, lieu de naissance, etc. Il va sans dire que nous n’avons jamais cherché à connaître les noms de nos locuteurs. Pour finir, chaque répondant devait indiquer comment, selon lui, s’était forgée sa vision de l’histoire du Québec et quelles sources d’information l’avaient inspiré ou influencé. Il devait également, en une phrase ou une formule, résumer ce qu’il estimait être le sens de l’aventure historique du Québec jusqu’à maintenant.
S’il nous est parfois arrivé d’être présent en classe au moment de l’enquête, la très grande majorité des récits récoltés l’ont été grâce à la collaboration empressée d’enseignants oeuvrant dans les écoles rejointes. Précisons qu’il ne fut ni simple ni facile d’obtenir la collaboration des commissions scolaires ou directions d’écoles à l’enquête. Notre incapacité à conclure des ententes avec certaines administrations explique d’ailleurs que nous n’ayons pu rejoindre toutes les clientèles visées, ce qui nous aurait permis de constituer un corpus de récits plus complet, diversifié ou représentatif. À vrai dire, c’est l’intérêt personnel d’enseignants ou de directeurs d’école envers notre projet qui explique que nous ayons réalisé l’enquête dans certains établissements plutôt que dans d’autres. Sauf exception, les enquêtes ont été menées en septembre 2003 ou 2004[7], auprès de groupes d’élèves fréquentant des classes d’histoire et ce, en 4e comme en 5e secondaire[8]. Sur les 17 écoles ayant accepté de participer à l’enquête, quatre sont situées sur l’île de Montréal, quatre sont implantées à Québec ou dans sa banlieue et deux sont localisées sur la Côte-Nord. Les autres écoles, à raison d’un établissement par région, sont situées en Gaspésie, en Montérégie, au Saguenay-Lac–Saint-Jean, en Outaouais et dans le Centre du Québec.
Le tableau 1 fournit plusieurs renseignements essentiels sur les particularités des écoles et de leurs élèves où nos enquêtes ont été réalisées et sur le moment de récolte des récits. Faute de place, nous ne décrirons pas en détail les informations contenues dans ce tableau. On rappellera simplement qu’à Québec, le milieu linguistique dans lequel évoluent les jeunes, et ce, nonobstant leur langue maternelle ou la langue dans laquelle ils reçoivent un enseignement, est généralement francophone. On précisera aussi que, dans le cas d’une école de Montréal (MTL 1), l’enseignement est donné en anglais et en immersion française. On signalera également que l’un des établissements montréalais offre à ses élèves l’option du système éducatif français (MTL 3). On mentionnera de même que deux écoles montréalaises sont localisées dans des milieux où l’anglais est omniprésent (MTL 1 et MTL 2), que deux autres écoles (MTL 3 et LAV) ont pignon sur rue dans des milieux où le français prédomine et qu’une dernière école (MTL 4) est située dans un milieu plus hétérogène du point de vue linguistique. On indiquera enfin que l’un des établissements de la région de la Côte-Nord (CTNO 1) donne ses cours en français, mais accueille des enfants autochtones parlant leur langue maternelle ; que les écoles codées ESTR et CTRQ sont situées dans de petites agglomérations rurales de l’Estrie et du centre du Québec ; et que l’établissement identifié par le sigle MGIE est localisé dans une ville de taille moyenne en train de devenir banlieue éloignée de Montréal.
Tableau 1
Caractéristiques des écoles et des élèves ayant participé à l’enquête
* Les enquêtes réalisées auprès des élèves de 4e et de 5e secondaire ont été respectivement menées en septembre et novembre 2004.
Le tableau 2 rend compte de la répartition des récits récoltés par école participante classée selon la région géographique et le niveau d’étude. Il indique également la proportion respective de ces récits dans le corpus total. Différents points ressortent. On voit d’abord que la répartition des récits colligés ne respecte pas la distribution réelle de la population sur le territoire québécois. Le nombre de récits provenant de la région de Montréal (île de Montréal et Laval) est inférieur à ce qu’il devrait être, compte tenu du nombre de textes récoltés dans l’agglomération de Québec et dans les autres régions. On constate également qu’un peu moins des deux tiers des copies (63 %) proviennent d’élèves de 4e secondaire et que le reste (37 %) est le produit d’élèves de 5e secondaire[9]. Nous admettons sans réserve qu’il eût été préférable de recueillir plus de récits rédigés par des jeunes habitant la grande région de Montréal. Nous reconnaissons de même que le fait d’avoir obtenu plus de copies composées par des élèves de 5e secondaire aurait rehaussé la qualité de notre corpus. Cela dit, ces lacunes – qui découlent des contraintes mentionnées plus haut touchant à la conclusion d’accords avec les administrations scolaires – n’invalident pas nos analyses. Le nombre considérable de copies recueillies et les phénomènes de redondance observés dans les récits nous permettent en effet de soutenir que le fait d’avoir grossi le nombre de répondants sur l’île de Montréal ou en 5e secondaire n’aurait probablement rien ajouté de significatif à notre compréhension de la mémoire que conservent les jeunes Québécois de l’histoire du Québec, cela du point de vue des contenus autour desquels cette mémoire est structurée autant que du point de vue du fonds commun et des différences qui la marquent selon les caractéristiques culturelles spécifiques des répondants[10]. Dans un texte précédent, nous avions fait valoir que la mémoire historique des jeunes, relativement à l’expérience historique québécoise, procédait de leur appartenance ou identification à un groupement culturel ou référentiel spécifique (par exemple les Québécois d’héritage canadien-français) bien davantage qu’elle n’était conditionnée par quelque autre critère (lieu de résidence ; revenu des parents ; caractère privé ou public de l’école ; etc.)[11]. L’extension de notre enquête à toute la province de Québec, plutôt qu’à la seule région de la capitale nationale, donne à penser que cette observation est fondée.
Tableau 2
Nombre de récits par niveau et par école participante classée selon la région géographique (tous niveaux scolaires confondus)
Le tableau 3 reprend les données de base du tableau 2, mais les ordonne selon les deux critères du revenu des parents et de la langue d’enseignement dans l’institution fréquentée. Diverses constatations ressortent. D’abord, il est évident que la distribution linguistique des copies recueillies n’est pas proportionnelle au nombre effectif de locuteurs francophones ou anglophones au sein de la société québécoise[12]. Mais elle s’en rapproche[13]. Cela dit, dans la mesure où les anglophones sont, au Québec, surtout concentrés dans la région de Montréal, le tableau 3 fait état d’une représentation exagérée des anglophones venant de l’agglomération de Québec et des « autres régions » par rapport à ceux de Montréal. Le même problème d’une représentation disproportionnée, cette fois des écoles accueillant des enfants de familles aisées au détriment des écoles recevant des enfants de familles à revenu moyen ou faible, est également visible au tableau 3[14]. Encore une fois, nous ne croyons pas que ces distributions imparfaites cassent nos analyses. Cela dit, il est évident que l’ajout de nouveaux récits – provenant d’enfants de familles à revenu moyen ou faible, notamment – pourrait avoir comme résultat de fortifier la valeur de nos assertions.
Tableau 3
Nombre de récits par école participante classée selon la langue d’enseignement et le revenu familial (tous niveaux scolaires confondus)
Autre constatation importante découlant du tableau 3. Parce que nous n’avons pas, pour chaque école ou pour l’ensemble des établissements classés selon leurs attributs particuliers (région, revenu de la famille, langue d’enseignement, milieu linguistique), recueilli un nombre égal ou même rapproché de répondants provenant de 4e ou de 5e secondaire, les descriptions et mises en relations effectuées dans l’article ne peuvent avoir de portée scientifique et de prétention analytique que générales. Si, par suite des tendances d’ensemble observées, on peut ainsi affirmer que les élèves de 5e secondaire ont une mémoire plus fournie de l’expérience historique québécoise que leurs camarades de 4e secondaire, il n’est pas possible d’aller plus loin dans notre démarche d’analyse, par exemple de comparer la mémoire historique des élèves des deux niveaux selon des variables précises ou d’évaluer l’importance de ces variables dans la composition de leur mémoire historique. Il faut insister sur un point majeur : notre étude consiste en un exercice de mise en parallèle générale – non pas de comparaison systématique et ciblée – des récits d’élèves de 4e et de 5e secondaire. La distinction est notable.
Avant de passer à l’étape de la présentation du contenu des récits, il faut encore ajouter quelques précisions. D’abord, le nombre de récits étudiés correspond au nombre de copies que nous avons considérées valides. Aux fins de notre recherche, une copie valide est celle où l’on pouvait retrouver soit un « récit », soit une réponse à la question : « Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique du Québec, qu’écririez-vous personnellement ? » C’est dire que les copies ne comportant ni récit ni réponse à cette dernière question ont été écartées de l’analyse. Au total, nous parlons d’un nombre inférieur à 1 % du corpus total, ce qui est négligeable. Par ailleurs, il est arrivé dans certaines écoles que le nombre de copies dépasse les 200 pour un seul niveau d’étude, les enseignants ayant décidé, pour des raisons de « justice distributive », de soumettre tous les élèves d’un même niveau (par exemple tous les élèves de 4e secondaire) à l’enquête. Afin de ne pas déséquilibrer nos moyennes générales à la faveur, chaque fois, des écoles généreuses en récits, il a été décidé qu’un maximum de 150 copies par niveau et provenant d’une même école seraient choisies au hasard et conservées en vue de l’analyse. Autre point : si la majorité des élèves ayant répondu à l’enquête ont présenté leur histoire du Québec sous la forme d’un récit balisé par une chronologie plus ou moins exhaustive, il ne faut pas penser que la forme de ce récit obéissait à des canons littéraires élaborés. Dans certains cas, le « récit » se voulait une simple et brève énumération d’événements, de personnages ou de processus[15]. Dans d’autres cas, peu abondants toutefois, il prenait une forme illustrative, sorte de bande dessinée embryonnaire. Dans d’autres cas encore, toujours modestes par leur compte, le récit était à toutes fins utiles réduit à une ligne du temps – ce qui ne veut pas dire que pareille expression de mémoire ne soit pas évocatrice d’une vision structurée de l’histoire du Québec et ne rencontre pas, de ce fait, une certaine définition de ce qu’est un récit[16]. Signalons enfin que seul un petit nombre de répondants a résisté à la prescription de réaliser l’exercice avec soin. De manière globale, les textes colligés ont été produits à la suite d’une réflexion sérieuse de la part des élèves, plusieurs d’entre eux – surtout en 4e secondaire – exprimant leur frustration de « ne pouvoir en écrire davantage faute de connaissance[17] ».
Présentation des résultats de l’enquête
Les tableaux figurant aux pages suivantes rendent compte du travail d’indexation effectué sur l’ensemble des récits produits par les élèves de 4e ou 5e secondaire et intégrés à notre corpus[18]. Dans un premier temps (tableau 4), nous établissons une mise en parallèle générale, par niveau d’études, du contenu événementiel et thématique des récits. La même opération est répétée au tableau 5, dans le cas cette fois des personnages mentionnés. Le tableau 6 fait état de certains aspects structurants des récits des élèves. Au total, la démarche permet de noter, voire d’inventorier, les perceptions et connaissances des jeunes (nous parlons d’adolescents fréquentant l’école secondaire) relativement à l’expérience historique québécoise[19]. Elle permet aussi d’apprécier l’évolution de ces perceptions et connaissances entre la 4e et la 5e année du secondaire, soit avant et après que les élèves aient suivi le cours d’histoire nationale. Une remarque s’impose toutefois ici : à l’encontre de ce qu’elle suggère, la démarche effectuée nous interdit de prétendre que, à ce stade de notre recherche, nous ayons pu cerner ou mesurer l’impact effectif du cours d’histoire nationale dans la structuration de la mémoire des jeunes relativement à l’histoire du Québec. Pour y parvenir, il aurait fallu observer un même groupe d’élèves et comparer leurs récits de l’histoire du Québec avant et après qu’ils aient suivi le cours d’histoire nationale. Compte tenu des tendances observables, on peut cependant inférer, à la suite de notre enquête, de l’impact apparent du cours d’histoire nationale sur la mémoire des jeunes. Cela dit, il faut admettre que la formation d’une mémoire historique collective tient d’un processus fort complexe et que plusieurs facteurs entrent en jeu dans ce processus, ce sur quoi nous reviendrons.
Précisons enfin que de ne pas avoir étudié les mêmes élèves changeant de niveau scolaire a constitué un avantage aux fins de cette recherche. On peut en effet concevoir que l’étude longitudinale d’une cohorte aurait entraîné beaucoup de distorsion dans les « récits » des jeunes. Soumis à l’enquête pour une deuxième fois, certains élèves auraient composé leur nouveau récit dans le sillage ou le brouillage du premier ; d’autres auraient réagi au test de l’interrogation comme on répond à une question d’examen ; d’autres encore, plus futés peut-être, auraient anticipé l’épreuve et se seraient ajustés ou préparés en conséquence. Le fait d’avoir suscité et obtenu des récits d’élèves dans un contexte de surprise et d’improvisation relative nous autorise à croire que nous nous sommes placés dans la position de saisir ce qui, dans le flux des connaissances auxquelles les jeunes sont exposés, constitue le précipité de ce qu’ils retiennent, précipité dont on peut penser qu’il est ou qu’il devient le fonds sur lequel se construit leur mémoire de l’expérience historique québécoise.
Contenu événementiel et thématique des récits
Le tableau 4 illustre à quel point le récit des élèves de 4e secondaire est, par rapport à celui des élèves de 5e secondaire, focalisé sur les débuts de l’histoire du Québec. La proportion de ceux qui, en 4e secondaire, s’aventurent au-delà de l’épisode de la Conquête en insistant sur un événement en particulier est au plus de 12 % (l’événement en question est celui de la fondation du Canada en 1867). Cette situation tient possiblement à trois facteurs : au fait que plusieurs élèves avaient déjà bénéficié, au moment de l’enquête, de quelques leçons d’histoire, ce qui augmentait leur confiance au regard des périodes couvertes par leur récit (Amérique précolombienne, découvertes, colonisation initiale), mais les rendait hésitants par rapport à d’autres périodes historiques ; au fait que les intéressés ont décidé de commencer leur histoire par le début en multipliant les détails, ce qui ne leur a guère laissé de temps pour aborder des périodes plus actuelles ; au fait que la culture historique des élèves de 4e secondaire est maigre plutôt qu’étoffée. Cela dit – et la chose paraît importante, car aucun répondant n’avait au moment de l’enquête reçu de leçon sur cette thématique –, plus de la moitié des élèves de 4e secondaire (53,4 % précisément) ont fait état du rapport de force entre les Français et les Anglais à l’époque de la bataille des Plaines d’Abraham[20]. Par exemple[21] :
« Les Anglais se sont battus avec les français pour le Québec. » [MTL 3 - S4 - 29] ;
« Les anglais s’attaquèrent à la Nouvelle-France et au Canada. Malgré la bonne résistance des français, les anglais gagnèrent, si l’on peut dire, cette guerre. » [OUT - S4 - 19] ;
« Je me souviens de la guerre entre les français et les anglais. Cela se situait sur les plaines d’abraham. » [OUT - S4 - 20] ;
« Les français batais contre les anglais mais les anglais était beaucoup plus nombreux et beaucoup mieux équiper que les français. » [SGLSJ - S4 - 103].
Tableau 4
Mention événementielle ou thématique dans les récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)
Parmi les événements les plus cités et les thèmes le plus souvent mentionnés par les élèves de 4e secondaire, signalons la « présence des Amérindiens », « Christophe Colomb », la « venue de Jacques Cartier », la « fondation de Québec par Champlain », tout ce qui est lié à la « colonisation », ce qui porte sur les « relations entre Européens et Amérindiens » et ce qui touche aux « rapports de force entre les Français et les Anglais ». Les rébellions de 1837-1838, la fondation du Canada, les deux Grandes Guerres et la crise de 1929, la Révolution tranquille, la crise d’octobre, l’émergence du Parti Québécois et les deux référendums entrent également dans la série des événements nommés par les élèves. Mais la proportion de ceux qui font état de ces événements est faible. On sent toutefois, dans ce qui s’apparente à une véritable série événementielle, la présence en germe d’une vision du Québec qui s’arrime au topique général de l’« affirmation du Québec comme découlant de sa relégation plus ou moins grande dans l’histoire à la suite de sa relation souvent perdante avec l’Autre ». Nulle surprise d’ailleurs de retrouver le thème de l’« affirmation du Québec » dans 17 % des récits des élèves de 4e secondaire, que ce thème soit exprimé par le dessin du fleurdelysé, par l’évocation des rébellions de 1837-1838 dans une perspective d’émancipation nationale[22], ou, le plus souvent, par la mention du « nationalisme » ou de la « souveraineté[23] ». Il est d’autres thèmes ou mentions qui, se rattachant d’une manière ou d’une autre à cette problématique historiale, reviennent avec une certaine insistance chez ces jeunes dont les connaissances historiques, rappelons-le, ressortent du moindre plutôt que de l’abondance. Ces thèmes incluent notamment les « rapports politico-socio-linguistiques[24] » et la « spécificité francophone du Québec[25] ». On peut penser – ce que montre d’ailleurs l’évolution du récit chez les élèves de 5e secondaire, nous le verrons – qu’il s’agit là de topiques structurants de la mémoire et de la vision qu’ont les jeunes Québécois de l’histoire de leur société.
Il appert également que les jeunes de 4e secondaire reconnaissent que le progrès a marqué l’histoire québécoise. Parmi les thèmes abordés dans les récits des élèves, celui qui touche à la « condition féminine » reste marginal par rapport à d’autres thèmes. Enfin, on demeure coi devant la relégation quasi complète du thème de la religion et de celui de l’Église (réunis sous la rubrique « Présence religieuse ») dans la période qui suit le Régime français. S’il est vrai de dire que l’histoire religieuse a été singulièrement secondarisée, voire délaissée, dans l’enseignement de l’histoire du Québec depuis un certain temps, il semble que tout ce qui relève du religieux passe mal chez les jeunes. Compte tenu peut-être de l’ambiance largement laïcisée qui règne au Québec depuis une génération, il semble que les élèves se montrent indifférents à cette thématique ou sont difficilement capables de saisir le caractère fondamental de l’expérience spirituelle qui marquait, en leurs temps, la vie de leurs prédécesseurs.
Par rapport au récit des élèves de 4e secondaire, celui des élèves de 5e secondaire laisse deviner une progression marquée dans le nombre des événements signalés et la diversité des thèmes abordés. Si le récit des élèves de 5e secondaire reste focalisé sur les découvertes, l’installation française et l’entreprise de colonisation (un concept fort bien appris par eux), on peut voir à quel point ils sont nombreux, à ce niveau, à disserter sur les périodes plus actuelles de l’histoire du Québec. De manière générale, la proportion des élèves de 5e secondaire qui, par rapport à ceux de 4e secondaire, mentionnent des épisodes contemporains de l’histoire du Québec va du simple au double, sinon plus, ce qui n’est pas négligeable. On constate de même à quel point, chez les élèves de 5e secondaire, les événements ou thèmes relatifs aux rapports de force Français-Anglais (dans le sens d’une « agression anglaise »), aux rébellions de 1837-1838, à l’union des deux Canadas, aux tensions entre « Français » et « Anglais » ou à celles entre le Québec et le Canada, à l’idée d’une « assimilation des francophones », au thème de l’« affirmation du Québec », etc., sont exploités aux fins de la construction de leur récit de l’histoire du Québec[26]. Puisque la tendance est générale et qu’elle s’observe également chez les élèves de 4e ou 5e secondaire provenant d’une même école[27], il y a lieu de croire que le cours d’histoire nationale tel qu’il est structuré par le MELS, tel qu’il est mis en pratique par les enseignants ou tel qu’il est compris par les élèves, du moins jusqu’à sa révision récente, favorisait ou rendait possible l’acquisition d’une vision de l’histoire du Québec orbitant autour du noyau basique de l’affirmation d’une nation dans le cadre d’un rapport de force avec l’Autre souvent vu à travers la figure générique de l’Anglais. Sans prétendre que seul le cours d’histoire nationale est à l’origine de cette situation, d’autant que les élèves de 5e secondaire manipulent plus facilement les concepts et sont davantage intéressés par les questions politiques que leurs cadets de 4e secondaire, on peut penser qu’il constitue une variable explicative importante.
Personnage cités
Les données portant sur les personnages cités (tableau 5) font ressortir, chez les élèves de 4e secondaire autant que chez ceux de 5e secondaire, la notoriété de Cartier et de Champlain dans l’histoire québécoise. On peut penser que l’un et l’autre personnages, chacun à sa manière, est associé à une vision d’inauguration ou de fondation, de commencement formel ou de genèse, un peu comme l’est Christophe Colomb, du reste[28]. Nous l’avons dit plus haut, ce qui distingue les élèves de 5e secondaire de ceux de 4e secondaire, c’est la capacité des premiers à embrasser l’aventure québécoise dans une temporalité beaucoup plus longue. Dans ce contexte, nulle surprise de retrouver, au nombre des personnages les plus cités par les élèves de 5e secondaire, des figures appartenant à l’histoire contemporaine du Québec, nommément Maurice Duplessis et René Lévesque. Notons également la présence sentie, chez les élèves de 4e secondaire en particulier, du couple formé de Wolfe et Montcalm, le premier étant immanquablement associé au deuxième dans le cadre de la mention de l’un des épisodes considérés comme centraux dans l’histoire du Québec, soit la bataille des Plaines d’Abraham[29]. De manière générale, il semble y avoir une certaine logique (pré)narrative derrière la mention des personnages figurant au tableau 5 : parmi les dix figures les plus citées, six appartiennent résolument à l’époque des explorations (Cartier, Colomb), à celle de la fondation (Champlain, De Maisonneuve) ou à celle du développement initial (roi de France, Talon) ; deux autres (Wolfe l’Anglais et Montcalm le Français) sont associées à un premier moment de rupture avec un état existant des choses – sorte de détournement de destin ; etdeux autres encore sont associées à un nouveau moment de rupture historique, cette fois dans le sens d’un retournement positif de situation (Duplessis/Grande Noirceur, Lévesque/Révolution tranquille et ses prolongements). Pourrait-on penser que cette matrice (pré)narrative à trois phases : début prometteur, détournement négatif d’un destin et retournement positif de ce destin, constitue le noyau fondamental autour duquel, déjà en 4e secondaire mais d’une manière bien plus franche en 5e secondaire, est « protostructurée » la mémoire qu’ont les jeunes Québécois de l’aventure québécoise dans le temps ? On peut le supposer.
Tableau 5
Mention d’un personnage dans les récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)
Autres caractéristiques des récits
Sans nullement sombrer dans l’émotivité, le récit des élèves de 5e secondaire (tableau 6) est beaucoup plus « engagé » ou orienté que celui des élèves de 4e secondaire (indice de prise de position de 0,546 par rapport à 0,162)[30]. Ce diagnostic se confirme lorsqu’on découvre que 31,5 % des récits provenant d’élèves de 5e secondaire est configuré, dans l’une de ses dominantes, selon une trame politique, c’est-à-dire que l’accent est mis sur les dirigeants, les traités et les événements à teneur politique, par exemple les rébellions, les élections et les référendums. Chez les élèves de 4e secondaire, cette proportion n’est en effet que de 8,4 %, ceux-ci ayant tendance à structurer leurs récits autour d’une intrigue davantage sociale, en insistant par exemple sur le mode de vie des colons ou sur les conditions du peuplement originel. Il semble également que les élèves de 5e secondaire s’identifient plus facilement ou largement avec le Sujet collectif qu’ils mettent en scène dans le théâtre de leur histoire (« Nous les Québécois »), cela à hauteur de 33,4 % contre 23 % chez leurs cadets. De même, l’Autre apparenté à l’Anglais se rencontre plus souvent chez les élèves de 5e secondaire que chez ceux de 4e secondaire (24,3 % contre 14,4 %).
Tableau 6
Caractéristiques structurantes des récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)
Mentionnons pour terminer que, chez les élèves de 5e secondaire comme chez ceux de 4e secondaire, le cadre géoréférentiel dans lequel se déroule l’histoire du Québec coïncide avec le territoire politique du Québec. D’autres références territoriales apparaissent bien sûr dans les récits des élèves des deux niveaux. Mais ces références sont moitié moins nombreuses que la référence au/du Québec. Fait à signaler, les références territoriales propres au Canada ne figurent pas au coeur du cadre géoréférentiel des jeunes. Il semble que le récit de l’aventure québécoise exprime chez les élèves une espèce d’identité territoriale plutôt focalisée sur le Québec[31]. En observant les données relatives aux élèves de 5e secondaire, on peut tout de même constater à quel point le fait d’avoir suivi le cours d’histoire nationale semble élargir le cadre géoréférentiel des jeunes.
Bilan et conclusions
Quel bilan établir et quelles conclusions tirer de l’analyse des récits récoltés ?
D’abord une remarque : il faut faire montre de prudence interprétative à l’égard des données figurant dans les tableaux précédents. Si l’analyse à laquelle nous avons soumis les récits se veut crédible parce que menée de manière attentive, systématique et nuancée, il reste que ce sont des impressions fortes, des tendances apparentes et des hypothèses que cette analyse nous permet de découvrir ou d’amener au moulin de la réflexion. À la suite de notre recherche, nous ne pouvons ressentir le plaisir de celui qui atteint le registre des conclusions finales ou des démonstrations incontestables. Cela dit, nous n’avons aucune crainte d’affirmer que nos données fondent scientifiquement un certain nombre de présomptions interprétatives parmi lesquelles se trouvent les suivantes :
Sauf chez les nouveaux venus au Québec, dont on peut supposer qu’ils sont largement ignorants de l’histoire de leur société d’accueil, les élèves qui arrivent en 4e secondaire et qui suivent le cours d’histoire nationale ne sont pas dépourvus de connaissances sur l’histoire du Québec. Mais ces connaissances sont généralement rudimentaires et focalisées sur les temps initiaux de l’« histoire du Québec » (Amérique précolombienne, explorations, découvertes, structuration de la société coloniale). Elles sont de plus hésitantes et imprécises[32]. À 14 ou 15 ans, il appert qu’une proportion assez faible d’élèves est capable de faire état d’épisodes appartenant à l’histoire postconfédérative du Québec. Dans ce cas, c’est la Révolution tranquille[33], d’une part, et le processus général d’affirmation nationale des Québécois, d’autre part, qui constituent le repère et l’arbre articulant leur vision de l’aventure québécoise. On peut certainement penser que les élèves qui, au début du cours d’histoire nationale, réussissent à embrasser l’aventure québécoise dans sa temporalité longue sont les plus cultivés ou ceux dont l’esprit historique ou la sensibilité historique sont les plus développés. À leur manière, ils forment déjà une petite aristocratie « d’historialistes » en herbe, laquelle – d’autres données de notre enquête le montrent – se retrouve davantage, cela sans surprise, chez les élèves fréquentant des écoles privées ou provenant de familles aisées.
La connaissance dont font état les élèves de 4e secondaire relativement à l’histoire du Québec tire probablement sa source des enseignements qu’ils ont reçus au cycle primaire, dans le cadre de leçons de sciences humaines[34]. Cette connaissance provient également, sans doute, de ce qui, dans le cours d’histoire générale précédemment suivi en 2e secondaire, peut être mobilisé aux fins de la construction d’une histoire du Québec. Troisièmement, il est clair que les élèves tirent profit des connaissances acquises lors de visites aux musées ou dans des lieux historiques, à l’occasion du visionnement de films ou de téléséries, à la suite de discussions avec les parents ou les grands-parents, etc. On sait à quel point les sources d’information historique auxquelles s’abreuvent les jeunes sont nombreuses et diversifiées[35]. Dernier point mais non le moindre : il est certain qu’une partie des élèves de 4e secondaire connaît déjà, sans nécessairement les maîtriser, quelques-uns des noyaux énonciatifs basiques propres au régime historial et mémoriel de la communauté d’identification à laquelle ils appartiennent[36]. La preuve la plus forte fondant cette assertion vient de la mise en parallèle des récits de jeunes francophones, anglophones, allophones et autochtones[37]. Ces récits sont en effet composés et organisés différemment les uns des autres aux chapitres de leur contenu et structure. Certes, il ne s’agit pas de laisser croire qu’entre le récit de jeunes Québécois d’héritages culturels et linguistiques différents (les francophones et les anglophones par exemple), il n’y a pas de lieux communs ou de passerelles narratives. Par ailleurs, on exagérerait en prétendant que les récits de tous les membres d’un même groupement identitaire (par exemple les Québécois d’ascendance canadienne-française) obéissent à un canevas interprétatif unique. Rien n’empêche : on observe une différence dans l’orientation générale des récits selon que l’on a affaire à des jeunes d’héritage linguistique ou culturel dissemblable, différence qui peut être toutefois amoindrie ou accentuée par l’enseignant en classe. Ce constat permet d’affirmer qu’il existe probablement des cadres sociaux à la mémoire historique individuelle des jeunes, cadres renforcés ou altérés par le maître d’école (on parlera ici d’effet d’enseignant). Dans cette perspective, on se demande quelle est la marge de manoeuvre effective laissée au spécialiste d’éducation historique pour modifier une perception acquise (souvent hors de la classe) du passé. Peut-on espérer sortir d’une matrice de sens, y compris par l’éducation historique et l’enseignement à l’école ? Il y a lieu de croire que oui, si la chose est voulue et si des efforts majeurs sont consentis pour se dégager d’un récit particulier de l’expérience historique d’une société[38].
À l’évidence, le cours d’histoire nationale de 4e secondaire influe – de manière assez forte, semble-t-il – sur le niveau de connaissances des jeunes et sur la vision qu’ils ont de l’histoire du Québec. Non seulement les élèves de 5e secondaire sont en mesure d’étendre dans le temps leur récit de l’histoire du Québec, mais ce récit est beaucoup plus élaboré et assuré qu’il ne l’était antérieurement. (À noter qu’il est également plus politisé, sans toutefois sombrer, sauf exception, dans l’affectivité). Nous admettons sans réserve que des études plus poussées seraient nécessaires pour démontrer cette assertion, et surtout pour mesurer l’impact effectif du cours d’histoire nationale sur la mémoire des jeunes relativement à l’histoire du Québec. Il demeure que les données recueillies constituent autant de preuves circonstancielles de cet impact.
Que le cours d’histoire nationale joue un rôle apparemment aussi important dans la formation, l’extension et la complexification d’une mémoire du passé québécois est une constatation importante, voire encourageante, pour ceux qui, à différents niveaux, interviennent dans l’éducation historique des jeunes à l’école. Le cours d’histoire nationale apparaît en effet comme un moyen central d’intervention et un lieu majeur de conformation de la vision et la conscience qu’ont les jeunes Québécois de l’histoire de leur société d’appartenance. Il est probablement de bon augure que le cours d’histoire nationale, rebaptisé « Histoire et éducation à la citoyenneté », soit maintenant offert en deux ans plutôt qu’en une seule année. Nonobstant les critiques entendues, l’effet de renforcement obtenu aura censément un impact positif sur la quantité des connaissances assimilées par les élèves de même que sur la qualité de cette assimilation[39]. Désormais, on peut penser que l’apprentissage des jeunes sera de l’ordre de la compréhension critique de processus historiques plutôt que – ou tout autant que – de l’ordre de la simple ingurgitation passive d’informations factuelles. Évidemment, il reste à voir si l’effet du cours durera et si ce cours, dans son contenu et ses orientations, se révélera novateur à l’usage.
La vision qu’ont les jeunes Québécois de l’histoire du Québec est-elle acceptable ? Grâce à notre enquête, nous savons que de dire qu’elle est simpliste ou simplificatrice n’est pas une réponse satisfaisante. Pour au moins le quart des jeunes Québécois, cette vision est déjà forte dans sa sobriété. Elle est forte parce qu’elle est structurée d’une manière cohérente, logique et socialement convenue, si ce n’est attendue. Elle est surtout conforme à la problématique historiale qui irrigue abondamment les veines narratives de la mémoire collective des Québécois. Cette problématique, on la connaît parce qu’elle a fait l’objet d’études, présente le Québec selon l’idée ou sous l’image d’une petite société contrainte et contrariée dont le parcours fut difficile, qui a souvent pâti de l’action menée contre elle par des Autres puissants, y compris les « Autres » qui l’habitent, et qui demeure comme empêchée de se réaliser selon un destin normal, préconçu ou anticipé[40]. En fait, la problématique de l’aventure québécoise telle qu’elle est répercutée par et dans la mémoire collective des Québécois, en particulier chez ceux qui sont d’héritage canadien-français, repose sur le socle de quatre mythistoires primaires : l’histoire d’une quête de soi, l’histoire d’un destin dévié, l’histoire de la faute à l’Autre et l’histoire d’une survivance[41]. Bien que seule une analyse approfondie de la dynamique structurante des récits des élèves permettrait de confirmer ici notre sentiment – et nous y viendrons –, il appert que la vision que les jeunes présentent de l’histoire du Québec correspond à peu près à l’espace du pensable balisé par ces quatre mythistoires. Or, c’est cet emprunt mythistorique qui paraît inquiétant, car le fait de suivre le cours d’histoire nationale n’amènerait pas les élèves, apparemment, à se détacher de ces mythistoires ou à les critiquer, mais à les reprendre plutôt et les endosser, ce qui, de notre point de vue, constitue un échec de la raison éducative devant de la passion de l’identité.
Appendices
Note sur l'auteur
Jocelyn Létourneau est membre de la Société royale du Canada, de l’Institute for Advanced Study (Princeton, N.J.), lauréat de la Fondation Trudeau et, à l’Université Laval, est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire du Québec contemporain et directeur du grand projet « Les Canadiens et leurs passés » (ARUC-CRSH).
Notes
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[1]
Nous remercions Jean-François Conroy, Patricia-Anne de Vriendt, Julie Lavigne, Ulysse Ruel et Alexandre Turgeon pour l’aide apportée à l’indexation des récits et à la compilation des données.
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[2]
Voir Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan, « Mémoire et récit de l’aventure québécoise chez les jeunes Québécois d’héritage canadien-français : coup de sonde, amorce d’analyse des résultats, questionnements », Canadian Historical Review, 85,2 (juin 2004) : 325-356.
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[3]
Par jeunes, nous entendons ici des individus âgés de 14 ans et plus qui, au moment de l’enquête, fréquentaient un établissement scolaire (école secondaire, cégep, université). Pour des raisons d’accès aux locuteurs et de disponibilité des répondants, nous avons en effet emprunté la voie de la sollicitation en classe, la plus simple, la moins coûteuse et l’une des plus fertiles dans les circonstances. À noter que s’il est possible de préciser l’âge minimum de nos locuteurs, il est plus difficile d’indiquer l’âge maximum de nos répondants, les clientèles universitaires incluant des personnes d’âges variés. Cela dit, l’immense majorité des individus ayant participé à l’enquête avaient entre 15 et 25 ans. Dans le cas du présent texte, nous avons affaire à des jeunes âgés presque exclusivement de 14, 15, 16 ou 17 ans.
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[4]
L’enquête la plus exhaustive qui ait été menée au Québec sur la question de la conscience historique des jeunes, au sens du rapport qu’ils entretiennent avec l’histoire, est celle qu’a effectuée Jean-Pierre Charland. Voir son ouvrage Les élèves, l’histoire et la citoyenneté : enquête auprès d’élèves des régions de Montréal et de Toronto (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003). Voir aussi Jacques Caouette, « Les représentations des élèves de quatrième secondaire de la Polyvalente Le Carrefour de Val-d’Or concernant l’histoire », mémoire de maîtrise, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, 2000. Mentionnons également les travaux de Marie-Laure Julien, « La mémoire collective : récits de cégépiens concernant les représentations du parcours historique franco-québécois », mémoire de maîtrise (sociologie), Université du Québec à Montréal, 2005, et de Francine Audet, « Mémoire du Québec, conscience historique et conscience politique chez les jeunes Québécois de niveau collégial », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 2006.
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[5]
La présente recherche a été réalisée avant la refonte du cours d’histoire nationale par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS). Il serait intéressant de voir, d’ici deux ou trois ans, si l’orientation du cours « Histoire et éducation à la citoyenneté » modifiera ou non la mémoire que possèdent du Québec les jeunes habitants de la province. À cet égard, notre enquête offre assurément des données intéressantes pour étudier l’impact du nouveau programme d’histoire sur les visions et perceptions, par les jeunes Québécois, de l’expérience historique de leur société.
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[6]
Les sondages publiés par le Dominion Institute du Canada et par l’Association d’études canadiennes, dont les résultats sont commentés ad nauseam dans les journaux et les magazines, renchérissent à qui mieux mieux sur ce mantra qui nourrit un discours social s’autoalimentant des certitudes qu’il sécrète.
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[7]
Sauf en ce qui touche à LAV, les enquêtes effectuées auprès des élèves de 4e secondaire ont été réalisées avant la mi-septembre. En 5e secondaire, les enquêtes ont été menées en septembre à l’exception de CTNO 1 (décembre) et de OUT et LAV (novembre). Sauf en ce qui concerne OUT, les enquêtes ont été réalisées en même temps auprès des élèves de 4e ou de 5e secondaire.
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[8]
En 4e secondaire, toutes les enquêtes ont été menées dans des classes d’histoire à l’exception de ESTR (classe d’anglais) et de QUE 4 (cours d’éthique). Il en est de même en 5e secondaire, sauf dans les cas de GASP (classe de français), de CTRQ, de CTNO 2 et de LAV (classes d’économie) et de ESTR (classe d’anglais).
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[9]
Précisons qu’il a été possible d’obtenir, dans la majorité des écoles, des copies d’élèves provenant de l’un et l’autre des deux niveaux d’études. Nous ne procédons toutefois pas à leur comparaison dans cette note de recherche.
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[10]
À noter que, dans le cadre de cette note de recherche, nous n’exploiterons pas nos données pour cerner les différences mémorielles des jeunes suivant leur appartenance linguistique ou culturelle.
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[11]
J. Létourneau et S. Moisan, « Mémoire et récit de l’aventure québécoise… », loc. cit.
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[12]
Dans ce texte, nous considérons comme locuteur francophone un jeune qui fréquente un établissement où la langue principale d’enseignement est le français ; idem dans le cas du locuteur anglophone.
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[13]
Sur 2074 répondants, 1649 sont inscrits à l’école française (79,5 %) et 187 à l’école anglaise (9,1 %). Deux cent vingt-huit jeunes (11 %) fréquentent une institution où l’enseignement se donne en anglais et en immersion française. Au recensement de 2006, 79,6 % des Québécois (81,4 % en 2001) avaient le français comme langue maternelle, 8,2 % (8,3 %) avaient l’anglais et 12,2 % (10,3 %) avaient une langue tierce comme langue maternelle.
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[14]
La distribution des écoles selon le critère du revenu des parents a été établie en fonction des données figurant dans le « Palmarès 2003 des écoles secondaires du Québec » de la revue L’Actualité, 28,18 (15 novembre 2003) : supplément de 44 p. D’après ces données, le revenu familial moyen pour l’ensemble des écoles du Québec s’établissait à 55 840 $, l’écart-type étant de 13 700 $. Sur la base de ces deux indicateurs, nous avons établi qu’un revenu familial élevé était supérieur à 70 000 $, qu’un revenu familial moyen était compris entre 40 000 $ et 69 990 $, et qu’un revenu familial faible était inférieur à 39 990 $.
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[15]
Par exemple : « Jacques Cartier ; Samuel de Champlain ; Dollard des Ormeaux ; les indiens ; algonquins ; iroquois ; Christophe Colomb ; les patriotes » (MTL 1 - S4 - 56). À noter que la même « simplicité narrative » s’est retrouvée dans un grand nombre de copies recueillies par Carla Peck, Stuart Poyntz et Peter Seixas, « Agency in Students’ Narratives of Canadian History » [En ligne], http://www.cshc.ubc.ca. Pour ce qui est de notre corpus, les récits remis par les élèves de MTL 2 font état d’une composition particulièrement télégraphique, mais se veulent riches en informations.
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[16]
Rappelons la définition du récit aux fins de référence : une relation orale ou écrite de faits vrais ou imaginaires qui peut prendre la forme de l’exposé, de l’histoire, de la narration, du rapport, de la nouvelle, du roman, de la fable, de la légende, du mythe, de la chronique, de l’historique, des annales, etc. Un récit peut être véridique, fidèle, détaillé, télégraphique, circonstancié, mensonger, infidèle, etc. Un récit sert à narrer, raconter, rapporter, relater, et ainsi de suite.
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[17]
Il faut mentionner que plusieurs récits provenant de l’école de l’Estrie (4e secondaire) nous ont semblé peu soignés, les élèves, semble-t-il, n’ayant pas apporté tout le sérieux attendu à l’enquête. Cela dit, il n’est pas toujours facile de déterminer, dans une copie où le récit se réduit à quelques phrases seulement, ce qui tient de l’ignorance et ce qui vient de l’insouciance. Mentionnons pour terminer que nous ne pouvions pas nous attendre à ce que tous les élèves produisent un récit nourri de l’histoire du Québec. Si certains en étaient incapables faute de connaissances appropriées, d’autres ne le pouvaient pas parce que l’histoire du Québec est un domaine qui, au même titre que les mathématiques ou la chimie par exemple, ne les intéresse tout simplement pas.
-
[18]
Le travail d’indexation des textes a été effectué manuellement. La mise au point d’un système efficace et fiable de traitement des copies a exigé deux lectures extrêmement attentives du corpus. La première lecture a permis de repérer toutes les informations dignes d’intérêt et susceptibles de faire l’objet d’une compilation et d’une codification éventuelles aux fins d’analyse. À cette étape de notre démarche, des listes considérables de personnages, d’événements, de contextes, d’évocations explicites, de mentions quelconques, de citations sporadiques, etc., ont été dressées. Il est vite apparu que ces nomenclatures étaient impossibles à traiter tellement elles étaient nombreuses. Par ailleurs, elles risquaient de nous amener à identifier tous les arbres de la forêt mémorielle des jeunes Québécois, cela jusqu’au point de l’insignifiant, en nous faisant perdre de vue la perspective générale de cette forêt mémorielle, ce qui était bel et bien l’objectif recherché. Forts de l’expertise accumulée lors de notre première « confrontation » avec les textes, nous avons effectué une deuxième lecture intégrale du corpus. C’est à partir de cette nouvelle lecture que nous avons procédé au regroupement et au classement d’informations sous des rubriques ou des titres signifiants, en prenant garde de ne pas éliminer quelque mention ou particularité importante. À noter que les données figurant dans les prochains tableaux indiquent le pourcentage de textes où, par rapport au corpus total de récits recueillis, un événement, un personnage, un thème, une mention, une situation, un lieu, etc., est cité, évoqué, rapporté ou signalé.
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[19]
Précisons qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’affirmer que, par les récits récoltés, nous avons saisi tout ce que savent les jeunes à propos de l’histoire du Québec. Stimulés autrement, les intéressés auraient en effet déballé plus de connaissances encore. Ce que nous pouvons prétendre cerner, c’est ce qui constitue ou ce qui se rapproche de la mémoire instrumentale, fonctionnelle ou immédiate que possèdent les jeunes à propos de l’expérience québécoise dans le temps. Il s’agit de cette mémoire ou vision qui leur vient à l’esprit lorsqu’ils sont dans une situation où ils doivent réagir à une demande d’activation générale du fonds mémoriel global qu’ils possèdent.
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[20]
Signalons à cet effet qu’il n’est pas rare que des élèves attribuent aux Français la victoire de la bataille des Plaines d’Abraham. Cette confusion découle bien sûr d’une méconnaissance de l’histoire. Celle-ci, toutefois, n’est pas totale : l’élève sait que la bataille fut importante, mais ignore ou ne se rappelle plus qui en fut le vainqueur. Or, puisque aujourd’hui le français est la langue d’usage la plus répandue au Québec, il en déduit que les Français ont dû triompher hier des Anglais. Cette vision des choses se rencontre assez fréquemment dans les récits des élèves de MTL 3, MTL 1 et QUE 4. Exemple : « There was a war between french and english AND I THINK that the french won that war because in Quebec people speak more french than english. I’m really not sure. » [QUE 4 - S4 - 45].
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[21]
Les extraits provenant du corpus de copies ont été reproduits intégralement, sans correction linguistique.
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[22]
« [Les patriotes] se battirent pour libérer le Québec des Anglais mais furent pendus. » [QUE 2 - S4 - 74].
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[23]
« Plus tard encore, le Parti Québécois commence à parler de souveraineté. » [QUE 1 - S4 - 88].
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[24]
« The English took control of Quebec that day, but the bulk of the population was french and they never stopped fighting. » [MTL 2 - S4 - 3].
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[25]
« Malgré ce fait [la Conquête], nous avons réussi à conserver la langue française. » [MGIE - S4 - 108].
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[26]
Citons simplement deux exemples pour illustrer notre propos : « Les 13 colonies voulait le territoire de la Nouvelle-France donc ils ont fait la guerre et les 13 colonies ont gagné… » [SGLSJ - S5 - 2] ; « Le premier objectif des Anglais : assimiler les canadiens. » [LAV - S5 - 3].
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[27]
Répétons que, faute de place, nous n’avons pas entrepris ici l’étude comparative des récits d’élèves des deux niveaux provenant d’une même école.
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[28]
La présence de Christophe Colomb parmi les personnages cités tient sans doute à plusieurs raisons : au fait qu’il y ait confusion entre la découverte de l’Amérique et la découverte du Québec ; au fait que Colomb soit une figure très connue de l’histoire de la civilisation occidentale, figure sur laquelle on insiste d’ailleurs beaucoup en 2e secondaire, sinon au cycle primaire ; au fait que, pour certains élèves, l’histoire du Québec a quelque chose à voir avec le processus de découverte des Amériques ; au fait qu’il y ait une certaine méprise entre Jacques Cartier et Christophe Colomb. À noter qu’un sondage récent réalisé auprès de 1006 Québécois révélait que 27 % des répondants attribuaient la découverte du Canada à Colomb plutôt qu’à Cartier. Jean-Marc Léger, « Les cancres de l’histoire ? », Journal de Montréal, 14 mai 2008.
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[29]
À noter (tableau 4) la progression connue par l’emploi de l’expression « la Conquête » chez les élèves de 5e secondaire et la diminution, chez ces mêmes répondants, du nombre d’occurrences de l’expression, plus descriptive et moins chargée politiquement, de « la Bataille des Plaines d’Abraham ».
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[30]
L’« indice de prise de position » ou de « politisation » d’un récit nous permet de rattacher ce récit à un imaginaire politique caractérisé ou à une option politique affichée de la part du locuteur. Selon notre système, un indice nul (0) signifie que l’élève est détaché du récit qu’il offre de l’histoire du Québec. Sa subjectivité, du point de vue du vocabulaire utilisé et non pas du point de vue des faits qu’il rapporte (on ne peut nier par exemple que les Britanniques ont défait les Français lors de la bataille des Plaines d’Abraham en 1759), n’est pas apparente. Un indice négatif (allant de -0,5 à -3 dans notre échelle) signifie qu’un répondant présente les anglophones comme ayant été victimes des francophones, qu’il condamne le nationalisme québécois ou qu’il s’affiche ouvertement comme Canadien. Selon cette logique, l’indice -3 – le plus fort – ferait état d’un récit où les francophones apparaîtraient comme des oppresseurs, où le nationalisme québécois serait associé à une entreprise coupable et où le fédéralisme canadien serait dépeint sous un jour exclusivement positif et salutaire pour la province de Québec. (Ex. : « The bills are because french people are assholes and they think their better. » [MTL 1 – S5 – 6]). A contrario, un indice positif exprime l’identification du répondant à une vision du Québec dans laquelle l’indépendance politique apparaît comme l’aboutissement inéluctable de l’entreprise de libération nationale des Québécois. Suivant notre système, l’indice +3 – le plus élevé – témoignerait d’un récit où le propos du répondant serait empreint d’émotivité, où la figure du « bon Franco » et celle du « méchant Autre » (le plus souvent l’Anglais) seraient tranchées et où l’indépendance du Québec apparaîtrait comme inévitable et salvatrice. (Ex. : « L’ennemi anglais avait envahi les terres de Nouvelle-France. Ils forcèrent des paysans à quitter leurs terres. Nous avons continuer à combattre les Anglais mais que peuvent faire des paysans contre une armée. Les français de France nous ayant abandonné à notre sort nous avons dû assumer notre rôle de peuple vaincu […] Ensuite vint ceux qui voulaient un Québec libre, ceux qui voulaient leur propre pays mais sans résultat » [QUE 1]. Signalons que s’il est arrivé, de façon rarissime, de lire un récit de type « nationaliste neutre » (un récit structuré et orienté par l’idée de souveraineté, mais dont le propos ne retient aucun élément de victimisation), il a été attribué à cette prestation un indice nul de politisation.
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[31]
Le réflexe interprétatif serait de dire ici : normal, la question posée invitait les élèves à raconter l’histoire du Québec. Or, le fait est que dans le cas d’au moins une école anglophone de Montréal (MTL 2), les références territoriales canadiennes ont été pratiquement aussi nombreuses que les références territoriales québécoises.
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[32]
Fait à souligner, les élèves qui paraissent les moins hésitants dans leur récit de l’histoire du Québec sont ceux dont l’indice de politisation du propos est le plus élevé. Le cas des élèves de QUE 1 est éloquent à ce chapitre.
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[33]
À noter que la Révolution tranquille apparaît pour les élèves de 4e secondaire comme une espèce de vignette se suffisant à elle-même. Nulle surprise ici : l’épisode de la Révolution tranquille fonctionne, dans l’imaginaire québécois (et dans l’imaginaire des jeunes aussi, peut-on penser), sur le mode d’un mythistoire avant tout.
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[34]
On sait que certains enseignants initient les enfants à l’histoire du Québec en mettant l’accent sur les relations entre Amérindiens et Européens. Souvent, la visite de musées locaux ou nationaux, comme dans le cas de la ville de Québec, enrichit d’ailleurs les enseignements prodigués par les maîtres. Nous admettons qu’une recherche spécifique, menée auprès des jeunes du primaire, serait nécessaire pour mieux asseoir nos hypothèses. Signalons cependant le travail de Christophe Caritey, « L’apport du manuel scolaire et ses limites dans la formation de la mémoire historique. Application à l’étude de la Nouvelle-France de 1608 à 1663, dans le cadre du Québec de 1929 à 1983 », thèse de doctorat (histoire), Université Laval, 1992.
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[35]
C’est ce que montre sans réserve les données accumulées dans l’enquête sous la rubrique « Comment s’est forgé votre récit de l’histoire du Québec ? ».
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[36]
À ce sujet, voir l’article de J. Létourneau et S. Moisan, « Mémoire et récit de l’aventure québécoise… », loc. cit.
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[37]
Faute de place, nous n’avons pu faire état de cette mise en parallèle dans le cadre du présent article.
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[38]
J. Létourneau et S. Moisan, « Mémoire et récit de l’aventure québécoise… », loc. cit., 352ss.
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[39]
Comme l’ont indiqué Michèle Dagenais et Christian Laville, « Le naufrage du programme d’histoire nationale. Retour sur une occasion manquée, accompagné de considérations sur l’éducation historique », RHAF, 60,4 (été 2007) : 517-550, il faut être ignorant du contexte de la classe et des contraintes pédagogiques pour prétendre que le cours réformé d’histoire délaissera ou marginalisera les connaissances au profit des compétences. En fait, le débat touchant à la réforme du programme d’histoire portait bien davantage sur la structuration thématique du cours « Histoire et éducation à la citoyenneté », dont on a dit qu’il « dénationaliserait » la mémoire du Québec des jeunes Québécois, que sur l’insistance du ministère à privilégier les compétences sur les connaissances – ce qui est par ailleurs tout à fait contestable. À ce sujet, voir Jocelyn Létourneau, « Faut-il craindre une autre histoire du Québec ? », Thèmes canadiens/Canadian Issues (automne 2006) : 86-90.
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[40]
Pour une (re)confirmation de la présence toujours forte de ce canevas narratif dans l’imaginaire historial et la mémoire collective des Québécois (d’héritage canadien-français), voir Hervé Fisher, Québec imaginaire et Canada réel : l’avenir en suspens (Montréal, VLB éditeur, 2008), chap. 2.
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[41]
Jocelyn Létourneau, « Mythistoires de losers : au coeur du roman historial des Québécois d’héritage canadien-français », Histoire sociale/Social History, 39,77 (mai 2006) : 157-180.
List of tables
Tableau 1
Caractéristiques des écoles et des élèves ayant participé à l’enquête
Tableau 2
Nombre de récits par niveau et par école participante classée selon la région géographique (tous niveaux scolaires confondus)
Tableau 3
Nombre de récits par école participante classée selon la langue d’enseignement et le revenu familial (tous niveaux scolaires confondus)
Tableau 4
Mention événementielle ou thématique dans les récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)
Tableau 5
Mention d’un personnage dans les récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)
Tableau 6
Caractéristiques structurantes des récits, par niveau, ensemble des établissements (en pourcentage)