Comptes rendus

Papineau, Louis-Joseph, Lettres à divers correspondants, 1 : 1810-1845, 2 : 1845-1871 (Montréal, Varia, 2006), 588 p. et 425 p. Texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet.[Record]

  • Renaud Séguin

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  • Renaud Séguin
    Département d’histoire, Université de Toronto

Après avoir publié la correspondance de Louis-Joseph Papineau à son épouse et à ses enfants, Georges Aubin et Renée Blanchet abordent maintenant les missives, mémoires et autres textes destinés à ceux et celles ne lui étant pas apparentés. En consultant une quarantaine de fonds différents provenant de vingt dépôts d’archives, les deux collaborateurs ont réussi la tâche colossale de réunir en deux tomes l’ensemble des lettres, répertoriées à ce jour, que Papineau écrivit à ses adversaires, collègues, amis, clients. Le premier commence par une introduction d’Yvan Lamonde, spécialiste reconnu de l’histoire intellectuelle et culturelle québécoise. Il regroupe également les 223 documents rédigés avant le retour d’exil de Papineau en 1845. Les 163 missives écrites subséquemment, jusqu’à son décès en 1871, forment avec les différents index le deuxième tome des Lettres à divers correspondants. Le travail de présentation d’Aubin et de Blanchet est excellent. Les brefs commentaires historiques qui parsèment les deux ouvrages offrent des repères chronologiques appropriés qui mettent en lumière le contexte de certaines lettres. De même, les notes judicieusement placées en bas de page fournissent de nombreux éclaircissements pertinents, notamment sur des termes moins connus utilisés par Papineau ainsi que sur les événements et les personnes auxquels ce dernier fait allusion. Ces annotations diverses facilitent grandement la consultation de la correspondance colligée et en améliorent d’autant la compréhension. Par ailleurs, les index, chronologique et nominatif, des lettres reçues par Papineau s’avèrent fort utiles. Aubin et Blanchet y ont identifié les divers fonds d’archives où elles sont conservées facilitant ainsi amplement la tâche aux chercheurs. Cette contribution inestimable mérite d’être soulignée. Par son introduction, Lamonde apporte une perspective révélatrice du potentiel analytique de la correspondance publiée. Il y met en lumière « ce que ces lettres apportent d’inédit à la compréhension de la pensée politique de Papineau » (I : 13). Le projet d’union de 1822 lui apparaît comme une étape charnière dans le cheminement intellectuel de Papineau. Ce dernier réalise alors qu’il est utopique de croire en l’impartialité du gouvernement londonien et envisage progressivement l’indépendance comme l’avenir incontournable de sa colonie d’Amérique. Les tumultes politiques qui secouent le Bas-Canada jusqu’à l’explosion de 1837-1838 confirment directement ce constat. L’émeute électorale du 21 mai 1832 et l’acquittement des officiers militaires responsables, selon Papineau, de la mort de trois électeurs innocents constituent une autre étape importante qui le convainc de l’impossibilité d’en arriver à un compromis viable avec les bureaucrates qui jouissent du soutien indéfectible du gouvernement londonien. Les 92 résolutions ne sont donc que l’aboutissement d’une réflexion politique amorcée douze années plus tôt. Les opinions du tribun patriote sur l’avenir de la colonie se radicalisent durant son exil, et ce, malgré les déceptions que Washington et Paris lui réservent. Sa correspondance montre que, réfugié aux États-Unis, il approuve alors le recours à la force puisqu’il recommande de recueillir des fonds pour acheter armes et équipements militaires. À son retour, Papineau est ostracisé par ses anciens alliés mais demeure actif en politique, dénonçant l’Union et le gouvernement responsable cher à ses nouveaux adversaires. Admirateur des institutions américaines, il accueille favorablement le mouvement annexionniste mais l’esclavage et la guerre civile le déçoivent amèrement. Plutôt que de voir sa nation noyée dans la république voisine, il opte finalement pour une fédération continentale où elle devra tenter de survivre. Lamonde termine en déclarant que ce qui isola Papineau « est ce qui le fait notre contemporain en matière de défi » (I : 36). Le propos de cette introduction est fort élogieux à l’égard de Papineau, s’approchant parfois même de l’hagiographie. Elle joue cependant très bien son rôle en permettant au lecteur d’aborder …