Ce livre de Robin Gendron, issu de sa thèse de doctorat, s’insère dans le nouveau courant des études franco-canadiennes qui cherchent, depuis une dizaine d’années, à mieux connaître l’histoire des relations entre ces deux pays en dehors des événements de grande affluence historiographique, qu’ont été la Deuxième Guerre mondiale et l’épisode gaulliste de 1967. Il existe maintenant de bonnes études québécoises sur les relations franco-québécoises des années 1950 et 1960, mais celles consacrées au Canada et à la France restent rares. Gendron réveille le lecteur, dès l’introduction, en annonçant qu’il va démontrer que, contrairement à ce qui a été souvent dit, le Canada n’a pas négligé ses relations avec la France de 1945 à 1967 et que son intérêt pour l’Afrique française pendant cette période lui a même permis de limiter les ambitions internationales du Québec par rapport à la francophonie dans les années 1960. Le premier chapitre dresse un bilan de la réaction canadienne face aux tractations françaises à l’ONU pour tenter de limiter les revendications du Maroc et de la Tunisie à l’indépendance. Le Canada, pris entre le besoin de soutenir la France, membre de l’OTAN et partenaire important dans la lutte contre le communisme en Afrique, et d’un autre côté, sensible aux revendications des peuples colonisés, développe une politique ambiguë de grands principes de neutralité, officiellement, et d’aide matérielle à la France, officieusement. Les deux chapitres suivants analysent la politique canadienne face à la guerre d’Algérie et aux événements en Afrique du Nord française de 1954 à 1962. Le Canada, souvent à la demande des États-Unis qui reconnaissent officieusement le droit à l’indépendance de l’Algérie, tente d’amener les autorités françaises vers des discussions multilatérales dans le cadre de l’OTAN en vue d’un règlement du conflit. En 1958, le gouvernement français, épuisé par une guerre qui dure depuis six ans, est prêt à négocier l’indépendance de l’Algérie. La situation devient, en quelques mois, catastrophique pour la France et très inquiétante pour la stabilité de l’OTAN. L’homme de la situation paraît être le général de Gaulle, même si plusieurs pays, dont les États-Unis et l’Angleterre, s’en méfient particulièrement. Le Canada décide de laisser sa chance au coureur et de soutenir du mieux qu’il le peut les efforts de la France, et ce, même si l’attitude souvent paternaliste et colonialiste de la France vis-à-vis du Canada commence à irriter plusieurs diplomates canadiens. La politique canadienne de loyauté forcée à la France lors de la guerre d’Algérie teinte irrémédiablement les relations du Canada avec les pays d’Afrique du Nord pendant cette période. Malgré de nombreuses pressions des Tunisiens notamment, le Canada ne pourra officiellement désavouer la politique d’un membre de l’OTAN toute colonialiste soit-elle. La fin de la guerre d’Algérie représente donc pour le gouvernement canadien un grand soulagement, reste alors à reconstruire ses relations avec les pays africains. Deux autres chapitres sont consacrés aux relations du Canada avec l’Afrique française. Le Canada ne paraît pas très empressé à établir des relations officielles avec les anciennes colonies africaines françaises, devenues alors des pays indépendants. L’arrivée de Pearson comme Premier ministre du Canada change sensiblement les objectifs et donc la politique canadienne vis-à-vis de ces pays. Soutenir des liens avec des pays africains francophones représente plus un prolongement des efforts de Pearson pour améliorer le bilinguisme canadien et soutenir la dualité culturelle canadienne qu’une réaction de contrôle aux ambitions internationales du Québec. Un chapitre est consacré aux discussions acerbes entre le Canada et le Québec pour l’établissement d’un contrôle du gouvernement canadien sur tout accord international que le Québec pourrait passer, concernant l’éducation, avec les pays africains francophones, dans les années 1960. …
Gendron, Robin S., Towards a Francophone Community. Canada’s Relations with France and French Africa, 1945-1968 (Montréal, McGill-Queen’s University Press, coll. « Foreign Policy, Security and Strategic Studies, no 9, 2006), 191 p.[Record]
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Magali Deleuze
Département d’histoire, Collège militaire royal du Canada