Comptes rendus

OUELLET, Fernand, L’Ontario français dans le Canada français avant 1911. Contribution à l’histoire sociale (Sudbury, Prise de parole, 2005), 547 p.[Record]

  • Gratien Allaire

…more information

  • Gratien Allaire
    Institut franco-ontarien
    Département d’histoire
    Université Laurentienne

Cet ouvrage de Fernand Ouellet représente « la somme de sa carrière franco-ontarienne », selon l’historien Yves Frenette, qui signe la préface. Il se situe nettement dans la lignée des ouvrages de l’historien, par son sujet, le xixe siècle canadien/canadien-français, par son interprétation à saveur anticléricale et antiélitiste, par son approche quantitative et sérielle, par sa dimension aussi (près de 550 pages). La méthode de Fernand Ouellet est bien connue. Ses controverses avec les autres historiens du xixe siècle canadien-français le sont tout autant. On les retrouve dans cette somme sur le Canada français et l’Ontario français, comme s’il souhaitait avoir le dernier mot. L’ouvrage comprend deux grandes parties. La première place « le Canada français et l’Ontario français en perspective » et comprend quatre éléments traités de manière comparative entre Canadiens français et « anglophones » : la démographie, l’agriculture, les villes et l’école. La seconde traite des « disparités ethniques et sociales en Ontario en 1871 » et étudie cinq localités, deux situées dans l’est de la province (Hawkesbury et Alfred), deux autres dans le comté d’Essex au sud (Malden et Sandwich) et une cinquième, urbaine, Ottawa. Ces parties sont précédées, en introduction, de « Considérations sur les recensements publiés et nominatifs » et suivies, en conclusion, d’une analyse de « La régionalisation des Canadiens français en Ontario au xixe siècle ». Ouellet amorce son étude par une critique de ses principales sources, les recensements publiés de 1852 à 1911 pour la première partie et le recensement nominatif de 1871 pour la seconde. Cette analyse s’appuie sur les évaluations antérieures de la qualité des données qu’en ont fait les nombreux historiens qui ont utilisé les recensements pour étudier la société canadienne. Elle rejette la récente thèse de Bruce Curtis selon laquelle « l’imaginaire social des élites ultramontaines canadiennes-françaises » (p. 25) aurait eu une grande influence sur le contenu des recensements de l’époque, pour affirmer que tout ce que Joseph-Charles Taché et son groupe ont pu faire, c’est « de choisir les catégories, de poser les questions et de tenter de les clarifier. » (p. 20) Pourtant, il faut bien le dire, les familiers des questionnaires d’enquête sociale connaissent l’importance des questions et de leur formulation, de même que leur influence sur la qualité des données recueillies. Il en va de même avec les recensements, comme on peut le voir par les discussions actuelles relatives à la langue et aux renseignements obtenus ou à obtenir à son sujet. L’historien consacre un long chapitre à l’« historiographie traditionnelle » qu’il définit comme « un discours sur l’identité nationale », « un propos, tenu entre les années 1830 et 1950, tellement basé sur la race, la religion et la langue que, selon ses tenants, l’enracinement au territoire, l’appartenance à une métropole, l’attachement à la monarchie et la volonté commune de vivre ensemble n’en étaient que le complément » (p. 37). Cette lecture de l’historiographie traditionnelle sert de point de départ à l’analyse historique de Ouellet. Il étudie de près le rôle du clergé et de l’élite dans l’évolution de la société canadienne-française pour en faire les grands responsables des caractéristiques du Canada français et des grandes lignes de son évolution. C’est d’ailleurs pour affirmer ce rôle qu’il choisit de traiter de la natalité, de l’agriculture, des villes et de l’alphabétisation, sujets qui font partie intégrante de l’idéologie « traditionnelle ». Deux exemples, au sujet de la natalité et de l’alphabétisation, serviront à illustrer l’approche de l’historien. Comme l’ont montré les démographes, la fécondité et la natalité ont commencé à baisser au Québec dès le milieu du xix …

Appendices