Comptes rendus

DESSUREAULT, Christian, John A. DICKINSON et Joseph GOY, dir., Famille et marché, xvie-xxe siècles (Sillery, Septentrion, 2003), 384 p.LORENZETTI, Luigi, Anne-Lise HEAD-KÖNIG et Joseph GOY, dir., Marchés, migrations et logiques familiales dans les espaces français, canadien et suisse, 18e-20e siècles (Berne, Peter Lang, 2005), viii-324 p.[Record]

  • Pierre Lanthier

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  • Pierre Lanthier
    Centre interuniversitaire d’études québécoises
    Université du Québec à Trois-Rivières

Ces deux ouvrages constituent les premier et troisième volets d’un Programme international de coopération scientifique organisé par le CNRS et consacré aux liens entre les comportements familiaux et les changements économiques en milieu rural. Ce projet, comme le souligne Joseph Goy dans la postface du second volume, fait suite à sept rencontres internationales dont les actes ont été publiés entre 1981 et 1998. Toutes ces rencontres étaient vouées au monde rural, et plus spécifiquement à la reproduction familiale (transmission, exclusion, alliances matrimoniales, etc.). Pour sa part, le présent projet a abouti à trois rencontres entre 2001 et 2003, et réuni des chercheurs de France, du Canada et de Suisse. La première rencontre, tenue à Montréal, a donné Famille et marché… (que nous désignerons désormais sous le sigle FM). La rencontre suivante, qui a eu lieu à Paris, a fait l’objet d’une publication qui a été analysée dans un précédent numéro de la RHAF (59,1-2). Enfin, la dernière rencontre, à Genève, a abouti au second volume que nous devons recenser, Marchés, migrations et logiques familiales… (MMLF). Le projet a rassemblé 31 universitaires des 3 pays, parmi lesquels 21 ont rédigé un article dans chacun des 2 livres. Ces personnes proviennent de plusieurs institutions, au sein desquelles prédominent le CNRS, l’École des hautes études en sciences sociales (Paris), l’Université de Genève et l’Université de Montréal. Les deux ouvrages ont pour objet les rapports existant entre les stratégies de reproduction familiale et les transformations du marché. Ils ont toutefois leurs approches respectives. Le premier concentre son attention sur les liens entre le marché et la famille, tandis que le second approfondit un aspect de ces liens, les migrations en tant que stratégies familiales. Or, il se trouve que la notion de « stratégies familiales » a été malmenée ces derniers temps. Il serait impossible, estime-t-on, de bien saisir les motivations et le degré de conscience des individus et des groupes. L’un des présentateurs des ouvrages, Luigi Lorenzetti, acquiesce, mais persiste à utiliser le concept, auquel il donne une acception dans le long terme : les stratégies familiales sont un cumul de décisions plus ou moins explicites qui finissent par orienter la politique, de même que l’identité de la famille ; il est possible de les reconstituer par une analyse attentive (MMLF, 19). Malgré leurs spécificités, les deux ouvrages couvrent des thèmes qui se rejoignent. Comme il serait fastidieux de reprendre un à un tous les articles, nous ferons une présentation des grands thèmes qui traversent la plupart d’entre eux. L’un des éléments les plus intéressants des deux livres, c’est la volonté de dépasser des idées qui ont longtemps fait autorité au sujet du monde rural. Au-delà de ce que plusieurs désignent comme « rationalité économique », au singulier, les auteurs des deux recueils tiennent à montrer la diversité et la complexité des motivations individuelles et collectives. C’est ainsi que la pauvreté n’est pas la seule raison de quitter le village. Bien des individus issus de familles fortunées prennent eux aussi la route (Derouet, Vivier dans MMLF). L’attrait de la ville joue tout autant, et parfois plus, que la misère dans la décision de partir. C’est ce que montrent les exemples de Français devenus chercheurs d’or en Californie (Foucrier dans les deux livres) ou d’artisans et de domestiques préférant la ville à la campagne (Olson-Thornton dans MF ; Bonnain dans MMLF). Encore faut-il que la ville ait un seuil d’organisation sociale apte à recevoir les migrants (St-Hilaire dans MMLF). Dans le même ordre d’idées, les propos de Jean Meuvret, voulant que le numéraire n’eût aucune utilité dans les campagnes sous l’Ancien Régime, sont sérieusement …