Abstracts
Résumé
Cet article examine l’essor de la foresterie au Québec pour décrire les modalités par lesquelles l’État utilise l’activité scientifique afin d’exercer un contrôle sur son territoire. En nous intéressant à une pratique – la reforestation – et à une institution – la pépinière provinciale de Berthierville –, nous proposons une lecture du développement de la foresterie scientifique au Québec où la reconfiguration du paysage forestier permet la mise en place d’un ordre naturel et social. Pour ce faire, nous situons la pépinière de Berthierville à la jonction de deux réseaux : un premier qui fournit le ministère des Terres et Forêts avec un personnel qualifié et une connaissance technique, et un second qui situe la reforestation au centre d’une stratégie pour récupérer le territoire abandonné au mouvement de colonisation et le ramener à un usage productif. L’examen des activités scientifiques du ministère des Terres et Forêts dans la première moitié du xxe nous indique comment la reforestation, une pratique centrale de la foresterie scientifique au Québec, appelle une représentation spécifique de la forêt en regard de l’essence qu’elle promeut – l’épinette blanche – et un façonnement tout aussi spécifique du paysage forestier. La dimension normative de cette pratique et de cette essence se révèle dans le procès de reconquête des terres abandonnées et dans un travail d’encadrement des activités de colonisation.
Abstract
This article looks at the development of scientific forestry in Quebec in order to explain in detail the ways in which the State uses scientific activity to exercise control over its territory. By focusing on one practice – reforestation – and one institution – the provincial nursery in Berthierville –, we propose an interpretation of the development of scientific forestry in Quebec according to which the reconfiguration of the forest landscape facilitated the establishment of a natural and social order. To do so, we situate the Berthierville nursery at the junction between two systems : one that provided the Department of Lands and Forests with trained staff and technical knowledge ; and a second that placed reforestation at the heart of a strategy to reclaim land lost to settlement efforts and return it to productive use. The study of the Department of Lands and Forests’ scientific activities during the first half of the 20th century illustrates how reforestation, a central practice of scientific forestry in Quebec, provided a specific representation of the forest based on the tree species that was promoted – the white spruce – and an equally specific shaping of the forest landscape. The normative aspect of this practice and this species is revealed in the process of reclaiming abandoned land and the regulating of settlement efforts.