Comptes rendus

BRADBURY, Bettina et Tamara MYERS, dir., Negotiating Identities in 19th-and 20th-Century Montreal (Vancouver, University of British Columbia Press, 2005), 336 p.[Record]

  • Denise Lemieux

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  • Denise Lemieux
    INRS-Urbanisation, Culture et Société

Cet ouvrage collectif émane du Groupe d’histoire de Montréal qui, depuis la fin des années 1970, réunit à McGill un groupe interuniversitaire autour de problématiques mettant en lumière des volets de l’histoire montréalaise. La publication explore les liens entre les espaces, le pouvoir et l’identité, en mettant l’accent sur les pratiques des acteurs et les processus révélant les aspects négociés des identités. On y étudie comment ces identités de genre, de classe, d’ethnicité et de religion sont produites et vécues à Montréal entre 1800 et 1950 chez des acteurs spécifiques. Dans ce choix d’acteurs, on veut s’attarder aux Écossais, Anglais, Irlandais et Juifs, ces anglophones oubliés de l’histoire du Québec. L’ouvrage vise des lieux intermédiaires qui ne sont ni des espaces familiaux ni des entités politiques ; on y recherche les situations de liberté et de négociation, sans minimiser les inégalités de ressources et de pouvoirs dont disposent les individus. Le Montréal évoqué sous ces angles comporte au moins trois types de sociétés successives selon les époques ainsi que le présentent avec brio quelques pages de l’introduction (Bradbury et Myers) qui aident à situer ces recherches. Les onze études sont regroupées à l’intérieur de quatre rubriques qui cherchent à donner une structure à l’ensemble ou à éclairer une démarche dont une conclusion aurait pu dégager des fils conducteurs. Ces rubriques sont 1) Le foyer et le hors foyer, 2) La mort, les rites de deuil et le veuvage, 3) La jeunesse, institutions et identités et 4) Vendre et consommer. Dans ce compte rendu, je suivrai ces lieux construits autour d’un prolongement des liens familiaux, d’une sortie de ces liens par la mort, le veuvage, la délinquance, la jeunesse, le célibat, ou de leur substitution par des organismes de contrôle social dont plusieurs reconstruisent symboliquement un foyer. L’article de Sylvie Taschereau sur les petits commerces familiaux caractéristiques de l’ère préindustrielle, mais qui perdurent au xxe siècle, laisse bien voir la prégnance de l’univers familial et de ses valeurs et sentiments dans un mode de vie qui est rythmé par les besoins économiques de la famille et les intrusions des clients dans le temps et l’espace de la famille. Si les activités commerciales réduisent la vie privée de ces familles dont le principal capital est leur capacité de travail, cette proximité est à l’origine d’une faible capacité de négocier leur implication. Ne pas avoir de domicile rend encore plus vulnérables les femmes pauvres, immigrantes ou veuves, qui, pour survivre, s’adonnent à de petits larcins ou à la prostitution. Le portrait qu’en trace Mary Ann Poutanen pour le début du xixe siècle éclaire un contexte de production d’identités négatives. La présence de liens quasi familiaux ou de supports mutuels semble apporter une certaine protection, mais peut aussi s’accompagner de conflits et de dangers. Pour tous les milieux, la mort constitue une rupture de liens familiaux ; les sociétés en organisent la transition par des règles légales et des rites. Le décès du conjoint au début du xixe siècle éclaire l’importance de l’appartenance à une cellule familiale et la transformation du statut des femmes qui deviennent veuves. En tenant compte des conditions définies par la Coutume de Paris et offertes par la Common Law, de l’existence ou non de contrats de mariage ou de testaments, Bettina Bradbury poursuit l’analyse détaillée de quatre cas de veuvage pour des femmes de culture et de conditions économiques différentes. Selon la présence de dettes ou de richesses, des choix doivent être faits dans les jours qui suivent le décès. La veuve peut refuser ou accepter l’héritage, exercer la tutelle de ses enfants mineurs, racheter certains …