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Depuis leur première parution en 1781, les Mémoires de Pouchot n’ont pas connu de réédition en français (il en existe deux en anglais). Catherine Broué et les autres membres de l’équipe du Septentrion font donc oeuvre utile en rendant plus accessibles les écrits que ce militaire grenoblois consacra à « sa » guerre de Sept Ans et aux Amérindiens. Officier du régiment du Béarn, Pouchot vécut ce conflit loin de Québec, principalement au fort de Niagara, et connut quelques mois de captivité new-yorkaise. Rapatrié en 1760, il eut le temps de « disposer les matériaux » (p. 21) de son récit avant de trouver la mort en Corse, dans une embuscade, en 1769. Un éditeur anonyme se chargea d’annoter et sans doute de peaufiner le texte. Ingénieur de formation, Pouchot s’attarde surtout aux fortifications et aux transports – et, bien sûr, aux actions auxquelles il participa. Autour des forts de la frontière, la lourde logistique européenne se trouve bien souvent embourbée, sinon frappée de cécité dès qu’elle ne peut plus compter sur les services de renseignement amérindiens. C’est avec minutie et une certaine froideur administrative que l’officier décrit les événements. Mais ce Monsieur Pouchot a beau se présenter à la troisième personne, son parti pris d’auteur est bien présent. Aussi voit-on transparaître : son ardent désir de répondre aux accusations de malversation dans le ravitaillement des troupes, un certain attachement au Canada, colonie si méconnue en France « qu’on s’est félicité de sa perte » (p. 23), une curiosité ethnographique doublée d’amertume quasi romantique devant le déclin des populations amérindiennes. S’adressant au public non spécialiste, l’édition reproduit les notes infrapaginales de l’éditeur de 1781, soucieux de « garantir de l’éponge de l’oubli » (p. 18) ce récit riche en leçons pour les campagnes à venir. L’équipe éditoriale y a ajouté des notes marginales sur les principaux personnages, les toponymes, etc., un index, quelques illustrations, ainsi qu’un bref texte de présentation signé C. Broué. Dans l’ensemble, le travail d’édition est soigné. Signalons malgré tout quelques défauts de finition : la note 1 manquante, la note marginale qui apparaît à quatre pages de la première mention du terme qu’elle définit (p. 235, 239), ainsi que plusieurs coquilles, dont celle de la page 306 qui permet à Lemoyne de Bienville, mort octogénaire, d’atteindre l’âge de 107 ans… Les illustrations auraient été plus parlantes si elles avaient été identifiées. La quasi-absence de cartes, en tout premier lieu de la magnifique « Carte des Frontières Françoises et Angloises » qui orne l’édition originale, est regrettable. Mais retenons l’essentiel : sachons gré aux éditeurs d’avoir rafraîchi cette pièce importante du dossier de la fin de la Nouvelle-France.