Note critique

Les combats du frère Marie-Victorin[Record]

  • Yves Gingras

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  • Yves Gingras
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal

Le monde intellectuel québécois de l’entre-deux-guerres a été marqué par deux grandes figures dont le parcours et les idées sont contrastées : Lionel Groulx et Marie-Victorin. Le premier, né en 1878, est fils de cultivateur, fait ses études classiques, devient prêtre, enseigne dans un collège et occupe ensuite un poste de professeur d’histoire à l’Université de Montréal. Le second, né en 1885, est fils d’un marchand prospère de Québec, fréquente l’Académie commerciale dirigée par les Frères des écoles chrétiennes pour devenir ensuite un des leurs et se consacrer à l’enseignement primaire et secondaire avant d’être propulsé sur la scène universitaire. Là où Lionel Groulx clamait « Notre maître le passé », Marie-Victorin aimait à rappeler cette phrase qu’il avait lue chez Léonard de Vinci : « Ne soyons pas dupes du passé. » Au Québec, leurs noms sont aujourd’hui justement immortalisés et font partie de la mémoire collective grâce à des rues, des boulevards, des prix et des institutions éponymes. Si l’on se tourne vers les rayons des bibliothèques pour trouver leurs oeuvres ou les travaux qui leur sont consacrés, on constate par contre un déséquilibre important : alors que Groulx a trouvé des chercheurs qui se sont penchés sérieusement sur son oeuvre et ont travaillé à l’édition de sa correspondance et de son Journal, Marie-Victorin a été plus négligé par les historiens. Il y a vingt ans déjà, profitant du centenaire de la naissance de Marie-Victorin, j’avais suggéré que cet événement était propice à la publication de son Journal. Mieux vaut tard que jamais et il faut se féliciter que le frère Gilles Baudet, lui aussi de la congrégation des Frères des écoles chrétiennes, qui avait eu l’heureuse idée de publier il y a trente-cinq ans déjà le beau recueil des lettres de Marie-Victorin à sa soeur aînée, Adelcie, Mère Marie-des-Anges, nous offre enfin aujourd’hui, fruit d’un travail de collaboration avec Lucie Jasmin, ce document précieux que constitue le journal intime que le fondateur du Jardin botanique de Montréal a tenu entre 1903 et 1920, années cruciales de sa formation spirituelle et intellectuelle. Leurs annotations permettent de mieux identifier des volumes, des lieux géographiques, des institutions et surtout des personnages et des événements qui ne sont que mentionnés dans le Journal et que les notes présentent plus en détail. Cinq appendices fournissent au lecteur l’arbre généalogique de la famille Kirouac, les biographies de chacun des membres de sa famille et des Frères des écoles chrétiennes mentionnés par Marie-Victorin dans son journal, le mode de fonctionnement de leur Institut et enfin, la liste des pièces insérées par Marie-Victorin dans son journal et qui ne sont pas incluses dans cette édition. Une bibliographie des publications du frère, des ouvrages écrits sur lui, des archives et autres ouvrages consultés de même qu’un index des noms propres complètent le tout. L’ouvrage est également parsemé de nombreuses photographies originales. Les éditions critiques de correspondances ou de journaux intimes sont habituellement accompagnées d’une introduction qui situe le personnage dans son époque de façon à en faciliter la lecture et l’interprétation. L’absence d’une telle introduction dans ce journal de plus de huit cents pages justifie que nous comblions ici cette lacune. La présente note critique analysera donc non seulement le contenu du journal lui-même mais rappellera aussi, brièvement, l’ensemble de la carrière de Marie-Victorin. La carrière de Marie-Victorin se divise ainsi naturellement en deux périodes : avant et après 1920, année où il est nommé professeur de botanique à la toute nouvelle Faculté des sciences de l’Université de Montréal. Sa vie publique de 1920 à 1944, année de sa mort tragique le 15 juillet …

Appendices