Comptes rendus

BARRIÈRE, Mireille, L’Opéra français de Montréal. L’étonnante histoire d’un succès éphémère (Montréal, Fides, 2001), 355 p.[Record]

  • Hélène Paul

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  • Hélène Paul
    Département de musique
    Université du Québec à Montréal

L’ouvrage de Mireille Barrière se situe dans le cadre d’une large étude entreprise pour l’obtention d’un doctorat en lettres de l’Université Laval. Déposée en 1989, la volumineuse thèse privilégie l’aspect sociologique et fait ressortir l’interaction des influences américaine, anglaise et française sur les mécanismes sociaux de mise en place des spectacles d’opéra dans la métropole canadienne à une époque mouvementée de son histoire. Les années 1893-1896 ont été particulièrement marquantes pour l’évolution du théâtre et de l’art lyrique au Québec, notamment en raison de la gigantesque somme de travail réalisée par l’Opéra français de Montréal, cette troupe fondée par des citoyens désireux d’établir sur des bases solides et définitives l’art lyrique dans leur ville, permettant à celle-ci de reconquérir « un espace trop largement dominé par une minorité anglophone agissante » (p. 17). Devant l’absence de travaux sur la question, Mireille Barrière a entrepris une recherche exhaustive sur l’Opéra français de Montréal. Le résultat est un ouvrage rigoureusement documenté, écrit dans un style riche, vivant et accessible pouvant satisfaire une grande diversité de lecteurs. Dès l’introduction, l’auteure précise que « [c]ette histoire de l’Opéra français de Montréal a été conçue comme une petite fresque sociale » dans laquelle se « rejoignent l’économique, le social, le politique, le culturel et le religieux » (p. 16). La perspective chronologique est respectée tout au long du volume divisé en trois parties correspondant aux saisons d’activité : 1893-1894, 1894-1895, 1895-1896. Chacune d’elles est subdivisée en 5 chapitres aux titres évocateurs, tels « Notre opéra français, nous l’aurons » (chapitre 1), « Des premières, une grève, un carnaval » (chapitre 3), « Comme les grandioses scènes parisiennes » (chapitre 13) ou « Rideau ! » (chapitre 15). L’Opéra français de Montréal n’ayant « vraisemblablement pas légué d’archives » (p. 17), les principales sources d’information sont les journaux ainsi que plusieurs périodiques, notamment L’Orchestre, organe de la Société d’Opéra français, Canada-Revue, Le Coin du feu, Le Réveil, Le Passe-Temps, etc. S’il a permis d’établir le calendrier des activités, cet important corpus met également en lumière les débats d’idées et d’opinions véhiculés dans les critiques et comptes rendus. Les opinions de deux mélomanes avertis reviennent régulièrement : celles de l’avocat Horace Saint-Louis (sous le pseudonyme de Lord Gnett à partir de 1895), chroniqueur à La Patrie, et d’Henri Roullaud, d’abord à Canada-Revue puis, au journal Le Monde, sous la signature de Jean Badreux. Le point de vue féminin est largement représenté par Météore (Joséphine Marchand-Dandurand) dans Le Coin du feu et Françoise (Robertine Barry) dans La Patrie. Quant à la presse anglophone, elle apporte un point de vue essentiel à la compréhension de cette mosaïque culturelle qu’est déjà Montréal à la fin du xixe siècle. Les textes d’Alfred Bienvenue dans The Montreal Gazette, « presque toujours favorable à la troupe » (p. 45), et ceux de William E. Burgess (Paul Pry) du Montreal Daily Herald confirment ou infirment les idées véhiculées par les autres journaux de différentes allégeances. Parmi les autres sources consultées, Mireille Barrière attire l’attention sur les archives juridiques qui lui ont permis d’étudier les pièces déposées en preuve aux dossiers, pièces qui « plus que les jugements, [...] mettent enfin à la portée du chercheur une foule de données [...] autrement [...] introuvables. » (p. 18) Relativement simple dans ses grandes lignes, l’histoire au quotidien de l’Opéra français de Montréal fourmille d’événements et de rebondissements pouvant faire perdre le fil conducteur de son évolution. Des repères chronologiques étant souhaitables, un bref historique en fin d’ouvrage rappelle les principales étapes de son parcours. Le projet prend …