Quel rôle les Iroquois de la vallée du Saint-Laurent ont-ils joué dans la guerre de la Conquête ? C’est à cette question que tente de répondre l’ouvrage de D. Peter MacLeod. S’appuyant sur une vaste documentation (journaux de campagne, correspondances de divers officiers…), l’auteur tente de réécrire l’histoire de la guerre de Sept Ans du point de vue des Iroquois. Selon lui, tout en s’acquittant de leur devoir d’alliés des Français, les Iroquois participèrent à la guerre avec des objectifs stratégiques bien différents de ceux de leurs alliés. L’auteur rappelle que les Iroquois du Canada, pour qui la guerre contre les Britanniques était désavantageuse sur le plan commercial, ont officiellement participé à la guerre de Sept Ans pour soutenir l’offensive de leurs alliés traditionnels. Sans vraiment définir le fonctionnement de l’alliance franco-amérindienne, il soutient qu’en s’engageant activement dans le conflit, les Iroquois y trouvaient néanmoins leurs avantages : essentiellement la prise de captifs et de « butin » de guerre (armes, vêtements, nourritures). Pour MacLeod, Français et Amérindiens menaient une « guerre parallèle » : tout en combattant conjointement, ils poursuivaient des objectifs militaires différents. Les Français visaient à détruire un fort ou à repousser une armée, alors que les Iroquois se préoccupaient davantage de capturer des ennemis et d’amasser des marchandises. Les batailles de la Monongahela, dans la vallée de l’Ohio en 1754 (chapitre 3), et du fort Carillon, au sud du lac Champlain en 1758 (chapitre 4), illustrent bien cette situation. MacLeod soutient cependant que la guerre de Sept Ans fait naître « un affrontement d’ordre culturel entre les valeurs et les coutumes militaires amérindiennes et européennes » (p. 10). La technique ultraspécialisée des sièges, les capitulations conclues exclusivement entre Européens, et le mépris des officiers métropolitains pour la philosophie militaire amérindienne, sont autant de facteurs qui reléguèrent les Autochtones au second plan, les empêchant d’amasser butin et captifs. En revanche, les Amérindiens pouvaient faire fi des ententes entre Européens et « continuer à se battre jusqu’à ce qu’ils puissent crier victoire selon leurs propres critères » (p. 142). C’est ainsi que l’auteur explique les vols d’armes, de vêtements et de provisions ainsi que le massacre et la capture de militaires normalement protégés par les termes de la capitulation durant les sièges des forts Oswego, sur le lac Ontario en 1756, et William Henry, sur le lac Saint-Sacrement en 1757 (chapitres 5 et 6). En 1759, la situation commence à basculer à l’avantage des Britanniques, qui ont pris Québec et rétabli Oswego tout en menaçant sérieusement les territoires des Iroquois du Canada ; ces derniers ont dû alors revoir leur alliance et entamer des négociations avec les Britanniques. Les trois derniers chapitres de l’ouvrage abordent cette question du revirement de l’alliance iroquoise, tout en mettant en relief le rôle d’intermédiaire joué par les Iroquois des Six Nations. MacLeod soutient en outre que, sans se soucier des objectifs militaires français, les Iroquois du Canada commencèrent à recevoir positivement les propositions de neutralité faites par les Britanniques, à partir de septembre 1759, afin de protéger leur intégrité territoriale. Mais, tout en négociant avec les Britanniques, les Iroquois continuèrent d’entretenir leur alliance avec les Français et même à se battre à leurs côtés jusqu’à la capitulation de Montréal en 1760. Pour l’auteur, cette attitude ambiguë témoigne de l’indépendance des Iroquois dans leurs relations avec les Européens. Même si les Britanniques ne respectèrent pas entièrement les termes de la nouvelle alliance, MacLeod juge qu’ils adoptèrent une attitude conciliante à l’égard des Iroquois, qui n’eurent pas à affronter les troupes britanniques, contrairement aux Abénaquis d’Odanak dont le village fut détruit après qu’ils eurent …
MacLEOD, D. Peter, Les Iroquois et la guerre de Sept Ans (Montréal, VLB éditeur, 2000), 278 p.[Record]
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Maxime Gohier
Département d’histoire
Université du Québec à Montréal