Abstracts
Résumé
Cet article examine la volonté de certains artistes d’agir à l’intérieur d’un réel à l’état brut, non plus imaginé ou utopique. Les interventions artistiques ayant pris forme dans des contextes urbains, sociaux et politiques ou ayant misé sur des collaborations avec des communautés sont particulièrement marquantes au Québec depuis les dernières décennies. Relevant de la praxis, c’est-à-dire de la possibilité d’agir à partir de, dans et sur sa propre réalité, sa propre culture, de telles démarches artistiques adopteraient la posture de l’ethnologue. Cette analogie permettrait de mieux saisir comment l’art reformule son rapport à la réalité, mais aussi comment il interroge sa propre contemporanéité. Dans un premier temps, cet article fait un retour sur trois textes fondamentaux pour contextualiser cette posture de l’artiste ethnologue et son potentiel d’action sur la réalité : « L’auteur comme producteur » de Walter Benjamin, « The Artist as Anthropologist » de Joseph Kosuth et « Portrait de l’artiste en ethnographe » de Hal Foster. Il introduit également une nouvelle figure, celle de l’artiste archéologue qui cherche à mettre au jour des vestiges matériels non pas tant pour déterrer le passé que pour creuser le présent. Dans un deuxième temps, cette double posture est analysée en relation avec une étude de cas. Depuis ses premières collectes de poussière à la fin des années 1990, Raphaëlle de Groot mène des enquêtes de terrain, utilise les méthodes et les outils de l’ethnologue et de l’archéologue et s’intéresse aux mêmes sujets : elle choisit un lieu, pénètre sa culture et l’étudie, apprend son langage, tisse des liens avec des communautés et sollicite la participation des gens. Une fois les premières étapes de fouille et de cueillette complétées, elle conserve les traces de ses projets, procède à des classifications et présente les résultats sous forme d’archives.
Abstract
The article examines the desire of some artists to pursue their work directly within concrete reality, rather than within an imagined or utopian world. In recent decades, there have been particularly striking artistic interventions in Quebec that have taken place in urban, social and political contexts, or that have been based on community collaborations. As a form of praxis – that is to say, as an opportunity to act both within and upon the artist’s own reality and culture – these artistic endeavours seem to adopt an ethnological approach. This analogy helps to better explain how art reformulates its relationship to reality while questioning its own contemporaneity. The article begins by reflecting on three fundamental texts in order to contextualize this idea of the artist as ethnologist and its potential for facilitating action within concrete reality : “The Author as Producer,” by Walter Benjamin ; “The Artist as Anthropologist,” by Joseph Kosuth ; and “The Artist as Ethnographer, ” by Hal Foster. This reflection also introduces the notion of the artist as archaeologist, who seeks to uncover material remains, not so much as a way of unearthing the past than excavating the present. Secondly, the article analyses this dual artistic perspective through a case study. Since the 1990s, when she made her first collections of dust, Raphaëlle de Groot has been using field surveys and other methods and tools of ethnology and archaeology, while showing an interest for these subjects. Thus, she selects a site, penetrates and studies its culture, learns its language, establishes links with its communities and solicits people’s participation. Once the artist completes the initial stages of excavation and collection, she conserves the vestiges of her projects before classifying and presenting the results in archival form.