IntroductionL’avenir (probable) du passé : le risque et l’histoire du Québec[Record]

  • Magda Fahrni and
  • Martin Petitclerc

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  • Magda Fahrni
    Université du Québec à Montréal

  • Martin Petitclerc
    Université du Québec à Montréal

Au moment même d’écrire ces lignes, le ministre québécois de la Santé nous rappelle l’importance de la vaccination pour contrer le risque épidémiologique d’une nouvelle pandémie liée à la grippe de souche A (H1N1). Le mois dernier, c’était le commissaire à la lutte contre la corruption, dont relève la fameuse Unité permanente anticorruption, qui disait espérer pour 2014 que les organismes publics « se dotent de plans de gestion du risque » pour cibler les « zones de vulnérabilité » au crime de la corruption. On débat également depuis quelque temps de la crise des caisses de retraite au Canada, des rendements que l’on doit attendre en fonction des risques associés aux placements sur les marchés financiers tout comme des enjeux de la protection des individus contre le risque social de la vieillesse. En 2012, un documentaire québécois a soulevé de nombreuses questions sur les risques sanitaires et environnementaux associés à l’exploitation d’une centrale nucléaire. Lors des manifestations contre le G20 et contre la hausse des droits de scolarité, nous avons assisté à des arrestations abusives puisque les policiers auraient mal évalué le « risque réel de préjudice imminent » posé par les manifestants. Enfin, on se souvient toujours des pertes de cinq milliards de dollars de la Caisse de dépôt et placement du Québec, attribuables à une mauvaise gestion des risques associés au papier commercial adossé à des actifs lors de la crise financière de 2008. Une part grandissante de la gestion des affaires humaines se prête donc à une analyse en matière de risque. Bien sûr, la généralisation de cette notion dans le discours public et, comme nous le verrons, dans les sciences humaines et sociales ne doit pas tromper : elle n’épuise pas le sens de l’expérience humaine contemporaine malgré ce qu’en disent certains théoriciens de la « société du risque ». En effet, comme l’a montré clairement l’historiographie, notre degré de conscience à l’égard des risques qui nous entourent n’est pas ce qui nous distingue fondamentalement des sociétés passées. Le potentiel heuristique du concept de risque n’est donc pas illimité, bien qu’il soit important comme nous le verrons dans ce dossier. Plutôt que de fonder une nouvelle théorie de la modernité, nous envisageons tout simplement le risque, ici, comme un angle d’analyse stratégique permettant d’éclairer certains enjeux négligés du passé et du présent. L’origine de la notion de risque remonte à la naissance de l’assurance maritime à la fin du Moyen Âge. Elle désignait alors la probabilité d’un accident en mer et les pertes financières qui lui étaient associées. Progressivement, la notion a été élargie pour rendre compte de la probabilité que se produise un événement accidentel ayant des conséquences dommageables pour un individu ou une collectivité. Envisagé ainsi, le risque permet de structurer un questionnement large sur la façon dont les individus et les groupes font intervenir une certaine conception de « l’avenir probable » afin de justifier leurs actions (ou leur inaction…) dans le présent. Alors que la pratique de l’histoire nous invite à postuler un lien causal direct entre le passé et le présent, cette prise en compte de « l’avenir probable du passé » nous semble porteuse pour la recherche historique. Une réflexion théorique, voire épistémologique, reste à faire pour bien fonder cette hypothèse. En attendant, les articles de ce dossier donnent quelques pistes concrètes pour amorcer cette réflexion. Peu utilisée en histoire, la notion de risque est devenue très importante dans les sciences humaines et sociales. Il est bien sûr impossible de rendre compte de l’ensemble de cette littérature dans cette introduction. C’est pourquoi nous avons fait le choix de nous …

Appendices