Recensions

David Hackett Fischer, Le rêve de Champlain, Sillery, Septentrion, 2011[Record]

  • John A. Dickinson

…more information

  • John A. Dickinson
    Université de Montréal

Les commémorations des premiers établissements français en Amérique du Nord ont donné lieu à une pléthore d’ouvrages sur les fondateurs et leur époque. On pourrait presque dire heureusement, car sans ces fêtes mémorielles, la Nouvelle-France serait inaperçue dans le tourbillon des écrits qui se focalisent sur un passé beaucoup plus récent. Elles servent certes à réveiller la mémoire, mais contribuent-elles vraiment à renouveler les problématiques et la connaissance historique ? C’est, me semble-t-il, la principale question qu’on doit se poser en abordant un ouvrage à caractère scientifique pour un compte rendu dans une revue universitaire. Le Champlain de David Hackett Fischer est un pavé volumineux, marqué par une grande érudition, un style enlevant et qui se veut sans doute la biographie « définitive » de Champlain. La biographie conventionnelle est complétée par un essai sur la mémoire de Champlain et seize « appendices » (en français, on privilégierait « annexes »), pas toujours indispensables, sur une grande variété de sujets allant de la date de naissance aux mesures utilisées à l’époque. L’auteur a beaucoup lu sur son sujet et on ne peut lui reprocher de ne pas bien connaître la littérature scientifique sur la France du tournant du xvie siècle. Comme les sources sur cette période sont limitées, les écrits de Champlain constituent l’ossature essentielle de l’ouvrage, ce qui est tout à fait normal. L’auteur n’a pas réussi à trouver de nouvelles sources qui jetteraient une nouvelle lumière sur ce personnage incontournable des origines du Canada, mais il a intégré des détails que les autres biographes de Champlain ne connaissaient pas ou qu’ils avaient tenus pour moins importants. En ce sens, c’est la biographie la plus complète du fondateur de Québec. On sait peu de choses sur Samuel de Champlain avant 1603. Sa date de naissance demeure un sujet de discussion ; sa religion dans sa jeunesse et l’éducation reçue restent des points ambivalents ; son voyage dans les Antilles est contesté. Cependant, à partir de 1603, nous disposons des écrits du principal protagoniste, qui ne manque pas de se mettre en valeur. Compagnon du sieur de Monts et de Pont-Gravé en Acadie, il contribue à jeter les bases d’une présence française sur la côte atlantique. À la suite de l’abandon de ce projet, il commande à Québec pendant l’hiver calamiteux de 1608-1609. Cette expérience fixe son destin ; désormais, c’est la vallée du Saint-Laurent qui sera au coeur de ses activités. Entre la recherche d’appuis à la cour des Bourbons, de soutiens financiers dans les milieux marchands de l’Ouest français et d’accommodements avec les nations amérindiennes de la Nouvelle-France, il passera un quart de siècle à oeuvrer pour tenter d’assurer une emprise française sur le territoire et sur ses habitants. L’histoire de Champlain est bien connue de tous ceux qui fréquentent tant soit peu les études québécoises : alliances avec les nations du Saint-Laurent et des Hurons qui l’opposent aux Iroquois au sud, notamment au cours de trois batailles (1609, 1610, 1615) ; voyages et cartographie de vastes régions de l’Amérique du Nord-Est qui permettent de dresser des cartes magnifiques de ces territoires ; va-et-vient entre l’Europe et l’Amérique pendant une trentaine d’années qui le met en contact avec les puissances en France et dans le milieu amérindien ; négociations ardues avec des marchands protestants, des missionnaires catholiques et des intérêts privés et publics qui soulignent sa capacité à trouver des compromis (qualité bien canadienne). Champlain est un homme qui a marqué les origines du Canada et qui mérite notre respect. Mais faut-il l’élever en quasi-saint et ne pas envisager des hypothèses moins favorables au « héros » …

Appendices