Abstracts
Résumé
L’analyse du répertoire diffusé à l’époque pionnière de la radio soulève un problème de définition des genres. L’éventail des musiques dites « intermédiaires » que proposent les diffuseurs met en évidence la porosité entre les musiques classique et populaire. Cette musique hybride devient un produit de consommation culturelle largement accessible, mais elle se situe dans un contexte où la radio est tributaire du discours esthétique étanche porté par l’intelligentsia, ces défenseurs de la « bonne musique ». L’origine de ce courant provient d’un puissant groupe de pression américain, le « Make America Musical ». Il a infiltré le discours porté par les élites québécoises qui ont utilisé, sans toutefois être conscientes de son origine, la même rhétorique : la valorisation d’une certaine musique classique au détriment de la musique populaire. Les directeurs radiophoniques ont dû tenir compte de l’impact médiatique que pouvaient susciter leurs choix musicaux. Comment en sont-ils arrivés à contourner ce discours ? En rendant poreuses les frontières musicales étanches défendues par ce mouvement américain entre les différents genres musicaux, la radio a réussi à créer un genre musical radiophonique typique. Cette stratégie offrant un dégradé subtil des genres musicaux a permis à la radio de se développer et de conquérir un large public, au nom de la « démocratisation de la culture ».
Abstract
An analysis of the musical repertoire broadcast in the early days of radio raises the question of how genres were defined. The range of so-called “intermediary” music played by the broadcasters highlights the porous boundary between classical and popular music. This hybrid genre became a widely accessible cultural commodity, but it existed in a context where radio supported an aesthetically watertight elite discourse that reflected the perspective of the defenders of “good music”. This current of thought originated with a powerful American lobby : Make America Musical (MAM). It unconsciously influenced the discourse of Quebec elites, who adopted the same rhetoric : the promotion of a certain form of classical music over popular music. Station managers had to consider the potential impact of their musical choices. How did they manage to sidestep this discourse ? By making porous the otherwise watertight boundaries between the musical genres defined by the American movement, radio stations managed to offer their own category of accessible music. This strategy created a subtle gradation of musical genres, allowing radio to develop and win over a wide audience in the name of a “democratic culture”.