Recensions

Michel Lavoie et Denis Vaugeois, L’impasse amérindienne. Trois commissions d’enquête à l’origine d’une politique de tutelle et d’assimilation. 1828-1858, Québec, Septentrion, 2010[Record]

  • Marie-Claude Strigler

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  • Marie-Claude Strigler
    Paris III – Sorbonne nouvelle

Dans son introduction à l’ouvrage, Michel Lavoie présente ces trois enquêtes sur les affaires indiennes, qui ont marqué de façon profonde la politique indienne après la formation de la Confédération en 1867. Les trois rapports s’accordent pour préconiser une politique de « civilisation » des Indiens, qui sont devenus des « Sauvages » dans les rapports Bagot et Pennefather (quelques remarques sur ce terme auraient d’ailleurs été bienvenues.) Les axes de cette politique sont la sédentarisation, l’initiation à l’agriculture, la christianisation et l’éducation. En dépit de l’impatience du gouvernement, qui souhaiterait réduire les coûts liés à l’administration des affaires indiennes, ces rapports insistent pour conserver la coutume de la distribution annuelle des « présents », que les Indiens considèrent comme une « dette sacrée », et pour ne pas supprimer le département des Affaires indiennes, indispensable selon eux à la protection des Autochtones. Le rapport Darling indique que les biens des Indiens sont « quotidiennement pillés par leurs frères blancs » et rapporte, entre autres, les protestations des Indiens contre la circulation des spiritueux, interdite pourtant par les lois françaises et anglaises. Il précise qu’ils sont régulièrement victimes de colons sans scrupules. Une quinzaine d’années plus tard, le rapport Bagot décrit une situation quasiment inchangée. Le gouverneur Bagot déplore qu’il n’y ait aucun moyen de protéger les Sauvages de l’entourage des Blancs. Même la christianisation est source de problèmes, en raison des affrontements entre les différentes Églises pour l’éducation. L’importance grandissante du métissage est soulignée ; les détails abondent sur l’évolution des habitudes quotidiennes et les caractéristiques des diverses tribus. Le gouverneur Bagot fait preuve d’un grand souci de précision en fournissant la liste des biens des Sauvages et une copie des recettes et des dépenses pour telle ou telle tribu. Il insère en outre, dans son propre rapport, des extraits d’autres rapports, ainsi que des échanges de correspondance. À plusieurs reprises, il n’hésite pas à déplorer les effets démoralisateurs et dévastateurs d’une civilisation partielle, qui a effacé la beauté et la noblesse originelles : « Il y a eu quelque vice dans la façon de les traiter ». Le but premier du rapport demandé à Pennefather était, une fois encore, de réduire les dépenses liées au département des Affaires indiennes. Scrupuleusement, le commissaire fournit des renseignements sur les types d’habitat, le matériel agricole et les récoltes, la scolarisation et les programmes, de même que sur le placement, contre leur volonté, du produit de la vente de leurs terres. En toute objectivité, il écrit que certains frais leur sont imputés à tort et qu’il n’est pas tenu compte des indemnités et des intérêts qui leur sont dus, déclarant que c’est une injustice flagrante. À son tour, Pennefather accuse les colons de dépouiller totalement les Indiens ; les droits des Sauvages sont trop souvent méconnus et leurs réclamations sont bien fondées. Néanmoins, si les colons et les marchands trafiquants sont responsables d’un état de servitude et de dépendance, la misère de certains villages résulte de la négligence du gouvernement et du manque de contrôle des surintendants locaux. Quant à l’état des Indiens eux-mêmes, il constate que l’augmentation du métissage introduit une nouvelle hiérarchisation des races ; les langues autochtones tendent à disparaître, comme celle des Hurons de Lorette. Enfin, Pennefather prévoit que la vague grossissante de l’immigration va dépouiller les Indiens du peu qui leur reste, et il s’en inquiète. Les trois rapports sont précis, fidèles et sans complaisance. Ils représentent une source précieuse d’information. L’impasse amérindienne ? Le mot semble juste. Aux yeux des citoyens canadiens, la question autochtone au Canada paraît insoluble. Les quelques ententes qui ont eu lieu …