Abstracts
Résumé
La gauche québécoise peut-elle inventer de nouveaux espaces citoyens à partir des configurations sociopolitiques ouvertes par les technologies de l’information et de la communication (TIC) ? Nous avons repéré trois formes de militantisme à l’oeuvre dans ce nouveau contexte. Un premier militantisme oriente ses actions vers un accès élargi aux moyens techniques. Issus du milieu communautaire, des militants, hommes et femmes, s’assurent que le plus grand nombre puisse utiliser les technologies, les comprendre, les maîtriser, tout en se maintenant à distance des logiques commerciales sous-jacentes au développement technologique. Or, dans un contexte fortement marqué par l’idéologie néolibérale, les milieux communautaires sont aujourd’hui contraints de réorienter leurs modes d’intervention ou de financement, ce qui complexifie leurs actions pour l’accessibilité. Un second militantisme fait plus directement usage des médias. Ainsi, des groupes activistes ont pris l’habitude de publiciser eux-mêmes leurs actions. Par ce moyen, ils proposent une signification globale à leurs actions locales. Ils ont appris à reconsidérer leurs relations aux technologies et à la communication. Face à l’invasion des pratiques publicitaires, certains de ces activistes s’organisent aussi pour subvertir les messages au sein même des espaces de propagande et de marketing. Décriant la privatisation croissante des médias québécois, d’autres initiatives ont émergé pour fournir une option de qualité, portée par des amateurs, mais aussi par des journalistes libérés de leurs contraintes habituelles. Un troisième militantisme s’attaque plus directement à la conception même et à la propriété des dispositifs communicationnels. Ces groupes « activistes de la technique » revendiquent un droit de regard et d’intervention sur la conception et le fonctionnement même des dispositifs sociotechniques qui nous entourent. Ils militent à la fois pour la production de dispositifs au code librement accessible, pour la mise à disposition de biens communs informationnels et pour un libre accès aux connaissances. Comment ces trois formes de militantisme sont-elles reliées ? Dans quelle mesure ces nouveaux militantismes témoignent-ils d’un mouvement global de reconfiguration de l’agir politique ? Ces formes de militance orientées vers la technique peuvent-elles avoir une portée politique à plus long terme ?
Abstract
Is it possible to organize original political action and reinvent citizen spaces within the new media and information technologies (IT) configurations ? We have identified three kinds of activism. The first activism concerns access. These activists, most of them from community groups, try to ensure that as many people as possible are able to use, understand and control information technologies, while trying to stay away from financially inaccessible and culturally uninteresting commercial logics. In a neoliberal context, however, community groups are often forced to shift their mode of intervention or funding strategies. Some groups, having become accustomed to mediating their own voices and actions, have learned how to give them a global reach but also to restructure their relationship to information and communication. This leads us to the second activism, which is related to the media. Fighting against the invasion of advertising, activists have come together to subvert messages within the propaganda and marketing media. Decrying the convergence and the increasing privatization of the media sector, other initiatives have emerged to provide quality alternative media, written by citizens but also by journalists freed from their usual constraints. The third activism is about technology, that is, the nature, and ownership of devices for communication. Techno-activists claim a right for inspection and intervention on how technical devices around us operate and are organized. They also advocate for an information commons and freedom of access to knowledge. How are these activisms related ? To what extent do they reflect a movement of global reconfiguration of political action ? Are the struggles that have been put in place in Quebec perennial and influential ?
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Appendices
Notes biographiques
Anne Goldenberg est docteure en communication (Université du Québec à Montréal) et en sociologie (Université de Nice Sophia Antipolis) et membre du Laboratoire de communication médiatisée par ordinateur (LabCMO). Après s’être intéressée aux figures de l’usager dans des projets sociaux liés à l’informatique en Inde, la politisation des pratiques liées aux approches participatives est devenue son centre d’intérêt en matière de recherche. Logiciels libres, médias citoyens et dispositifs participatifs constituent ses principaux objets d’observation. Dans le cadre de sa thèse, elle a analysé les négociations cognitives et politiques autour de contributions dans les wikis publics. Elle est engagée dans plusieurs projets militants liés à l’entraide en logiciel libre et à l’appréhension critique des médias.
Serge Proulx est sociologue et spécialiste des médias. Professeur titulaire à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, il y dirige le Groupe de recherche et observatoire sur les usages et cultures médiatiques (GRM). Codirecteur du Laboratoire de communication médiatisée par ordinateur (LabCMO) et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages et d’une centaine d’articles scientifiques concernant les médias, les technologies et la communication. Son programme de recherche a pour but d’analyser les transformations des usages médiatiques et les enjeux de l’appropriation sociale des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les sociétés contemporaines en mutation. Il s’intéresse depuis plusieurs années aux formes de militantismes liés à la technique.