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Le propos s’inscrit dans une réflexion plus large sur la dimension spatiale des rites funéraires. En quoi le dispositif architectural constitue-t-il la traduction d’une transformation de la pratique rituelle ? Comment cette évolution elle-même traduit-elle des préoccupations émergentes et annonce-t-elle un changement de paradigme ?

Foucault (2004) et Cuisenier (2006) pointent tous deux du doigt l’importance du corps dans l’évolution du rapport à la mort. Thomas (1985) en fait un des cinq attributs qui caractérisent le rituel, aux côtés de considérations scéniques, temporelles, symboliques et émotionnelles. Selon lui, la présence du corps est une des conditions de la réalisation du rite. Régis Debray (1992) amène aussi un éclairage essentiel sur le sens nouveau du corps de nos jours. Il développe ainsi la manière dont ce dernier devient un centre de gravité qui affirme la visibilité de l’identité. Dans une société dominée par l’image, l’apparition du corps exerce une influence majeure. Cela pourrait nous laisser envisager que la spatialité liée au corps ait un rôle accru. C’est dans ce cadre que nous proposons d’approfondir notre réflexion autour de la scénographie des espaces funéraires comme dernier décor actant le passage du corps vers le monde des morts. Alors que la place de la mort se décline à présent dans de multiples lieux (Clavandier, 2009), notre propos porte principalement son attention sur la spatialité des cimetières, comme architecture qui révèle un rapport à la mort. « Le rituel se passe sur une scène, avec des acteurs, un protocole, une scénographie, des décors, une finalité, le tout dans une temporalité définie. » (Clavandier, 2013) La réflexion menée ici se concentre sur ce que raconte cette scène et ses décors.

Ce que nous entendons par scénographie est le moyen par lequel l’espace architectural invite et guide la pratique rituelle, en conditionnant certains agissements du corps dans l’espace. En effet, si la spatialité et son aménagement constituent une part importante des situations rituelles, l’acceptation par le corps de s’en saisir reste un élément déterminant. C’est en cela que le terme invitation désigne le commencement d’un possible rite, initié par l’espace, mais qui demeure à concrétiser par l’action gestuelle et la parole. Alors que nous parlons là d’espaces et d’objets qui ont une vocation particulière, celle d’accompagner la séparation d’avec le défunt et puis de perpétuer son souvenir, le décor participe au discours. Afin d’étayer cette démonstration, la recherche utilise une approche empirique du travail scénographique réalisé dans une sélection de projets contemporains, majoritairement européens.

Réflexion analogique

L’hypothèse proposée ici part du constat qu’un grand nombre de mises en scène de lieux de sépulture font appel à un imaginaire de la nature. Sans être un fait complètement nouveau, celles que nous identifions comme de nouvelles scénographies traduisent une évolution de la place de la mort dans notre société. Rappelons que le modèle du cimetière-jardin constitue l’idéal scénographique dominant pour les architectes, dans la conception des premières nécropoles françaises, voire européennes (Iszatt-Christy, 2012). Mais, quel est le sens de la référence au jardin aujourd’hui ? Pour mieux en rendre compte, nous allons porter attention à l’usage de figures analogiques pour révéler des intentions architecturales. En effet, ce processus de pensée met en lumière la traduction d’un discours symbolique implicite dans sa résultante esthétique. Ainsi, Jean-Pierre Chupin, dans un article sur l’analogie en architecture, approfondit le rapport qu’entretient Le Corbusier avec la métaphore du crabe dans la conception de la chapelle de Ronchamp. Et que bien que son concepteur laisse trois étranges pistes derrière lui pour satisfaire l’explication[1], l’auteur suggère une dimension plus profonde : « Dans cette opération initiale de la conception, Le Corbusier ne se contente pas d’emprunter au crabe sa coque, il lui emprunte l’éternelle disponibilité de l’habitacle : le transfert porte sur une façon de contenir la vie. » (Chupin, 2000, p. 87) Certes, les projets de cimetières et de dispositifs funéraires auxquels nous nous intéressons paraissent moins éloignés de leur référence analogique, à quelques exceptions près, mais ils méritent néanmoins d’être interrogés au-delà de leur apparence visuelle, fonctionnelle ou constructive. Il nous semble que le message porté est bien celui d’une nouvelle manière de contenir la mort.

Visite romantique au jardin des morts

La sépulture de Jean-Jacques Rousseau, sur l’île des Peupliers au parc d’Ermenonville, illustre un moment d’ancrage du motif du tombeau dans un décor naturel. C’est au milieu du XVIIIe que le tombeau devient une composante majeure de cette composition paysagère, et plus largement du jardin romantique. La visite du tombeau de Rousseau est un but de promenade. Nous pourrions même parler de pèlerinage, car cette visite est parfois ritualisée à des moments propices de la journée, notamment au clair de lune, pour renforcer l’effet romantique de la scénographie (Etlin, 1984). René-Louis de Girardin, marquis de Vaunay, propriétaire d’Ermenonville, est ami et admirateur de Rousseau. Il partage avec lui une philosophie d’un retour à la nature qu’illustre la conception d’Ermenonville. Il fait de ce parc le premier jardin de type anglo-chinois d’Europe. Cette expérience, théorisée dans un ouvrage sur le paysage, guide la manière de composer une nature domptée. Les différentes séquences qui marquent le parcours du promeneur sont ici désignées par tableaux : « Prendre ce que le pays vous offre, savoir vous passer de ce qu’il vous refuse, vous attacher à la facilité et à la simplicité de l’exécution : voilà la règle de votre tableau. » (Girardin, 1979, p. 45) La mise en scène est ainsi parfaitement codifiée. Nous pouvons lire cette même influence au cimetière dit du Père-Lachaise ouvert en 1804 et réalisé dans un jardin existant (Arnaud, 1816). Le passé de ce site n’est en rien un hasard. Cela participe de la stratégie pour asseoir le prestige d’un lieu en s’appuyant sur l’image d’un jardin bien connu des Parisiens, comme celui du père jésuite de la Chaize. Le nom officiel de cet espace funéraire – cimetière de l’Est – n’est d’ailleurs jamais vraiment adopté. Il traverse l’histoire sans pouvoir se défaire de sa référence au confesseur de Louis XIV et à son jardin. La conception du Père-Lachaise reprend la codification paysagère initiée par l’expérience d’Ermenonville pour organiser un jardin romantique ponctué de tombeaux (Etlin, 1984) : un lieu à la campagne, d’où nous apercevons en toile de fond la ville de Paris. Il faut mentionner qu’avant même l’ouverture du cimetière, plusieurs architectes ont porté des visions prospectives pour l’image du cimetière moderne (Iszatt, 2021). Ces dernières ont également exploité l’image du jardin, tantôt à la française, tantôt à l’anglaise, à l’italienne ou à l’anglo-chinoise. Quoi qu’il en soit, malgré des visages différents, ces esquisses de projets convergeaient vers une réinterprétation de la nature. Dans cette période, l’idée d’un cimetière romantique prédomine, sans doute parce qu’elle révèle une vision très idéalisée, encore peu fragilisée par la réalité de fonctionnement des espaces funéraires modernes. L’usage du champ lexical de la nature traduit aussi cette espérance d’un possible apaisement dans le champ du repos ou le jardin des morts. Dans les périodes suivantes, les paysages pris en référence évoluent. Ce sera plutôt la forêt pour les pays du nord de l’Europe, le parc pour les pays anglo-saxons (Auzelle, 1965)[2], et parfois même des modèles hybrides[3] (parc, forêt, architectural). Malgré une persistance de la réinterprétation d’un paysage naturel, les enjeux évoluent vers des préoccupations urbaines (maintenir des espaces verts dans la ville) ou des préoccupations environnementales. Nous pouvons constater que les imaginaires à l’oeuvre renvoient majoritairement à une nature idéalisée, qui elle-même traduit des préoccupations plus spirituelles.

Le mythe de l’île des morts

Le tombeau de Rousseau, isolé et contemplé sur son île, renvoie à un autre imaginaire : celui de l’île des morts. Cet idéal, illustré de manière saisissante par le tableau de Böcklin, n’est en réalité aucunement pérenne dans un contexte urbain, où la ville finit systématiquement par absorber l’espace funéraire (Iszatt-Christy, 2012). Il retranscrit cependant la volonté d’isolement du territoire des morts, ainsi que la rêverie et le mystère qui auréolent la pensée de l’autre monde (Urbain, 2005). D’un point de vue rituel, cet imaginaire caractérise les spatialisations les plus importantes du rite. Tout d’abord, avec sa périphérie marquée, protégée et infranchissable, il affirme la pérennité du périmètre (Debray, 2012) et impose un parcours à celui qui veut atteindre le lieu. Pas n’importe quel parcours. Une procession lente et silencieuse, solitaire et introspective. Un détachement qui prépare au reste du rituel funéraire. Nous comprenons qu’un moment fort se joue dans le trajet vers l’île. Enfin, l’identification très affirmée de la porte, bien que de dimension très modeste, organise le dernier seuil ou passage vers l’autre monde. Mais plus largement, cette pensée de l’île se réfère aussi à un idéal de maîtrise. Le monde des morts serait clos pour être mieux accepté et compris, tout comme la société :

D’une île, on peut désigner ou dessiner sans hésitation les contours et les frontières ; […] des itinéraires fixes et reconnus qui dessinent une claire frontière entre la zone d’identité relative […] et le monde extérieur, le monde de l’étrangeté absolue. L’idéal, pour l’ethnologue soucieux de caractériser des particularités singulières, ce serait que chaque ethnie soit une île.

Augé, 1992, p. 66

Scène hétérotopique

Cette considération anthropologique rejoint aussi la phénoménologie de la spatialité portée par Bachelard, très conceptualisée, mais peu incarnée (Wunenburger, 2017[4]). Ainsi, comme l’analyse Foucault au sujet de l’oeuvre de Bachelard : « les descriptions des phénoménologues nous ont appris que nous ne vivons pas dans un espace homogène et vide, mais au contraire, dans un espace qui est chargé de qualités, un espace qui aussi peut être hanté de fantasme […] Cependant, ces analyses, bien que fondamentales pour la réflexion contemporaine, concernent surtout l’espace du dedans. » (2004, p. 13-14) Et parmi ces lieux du dehors, l’espace funéraire reste un lieu singulier. C’est un espace extérieur à caractère public alors que pour autant il est chargé de la dimension très privée de l’histoire personnelle de chaque famille. Selon Foucault, le cas du cimetière reste un cas à part, qu’il désigne par la curieuse hétérotopie du cimetière. Il y évoque deux principes fondamentaux de l’hétérotopie qui y sont représentés. Le premier concerne l’hétérotopie de déviation, dans laquelle on place tout ce que la société rejette. Le second principe hétérotopique consiste dans la variation significative de son fonctionnement au fil du temps, impulsé par les changements sociaux. « Chaque hétérotopie a un fonctionnement précis et déterminé à l’intérieur de la société, et la même hétérotopie peut, selon la synchronie de la culture dans laquelle elle se trouve, avoir un fonctionnement ou un autre. » (2004, p. 16) D’une part, la mort reste un sujet tabou faisant du cimetière un lieu que nous souhaitons plutôt tenir à l’écart des vivants. D’autre part, le rôle de cet espace funéraire n’est ni homogène ni continu depuis plusieurs siècles. L’ambition de la lecture scénographique proposée ici n’est donc pas de rendre compte de la variété de situations, mais davantage de mettre en évidence un phénomène de persistance malgré des conditions différentes. La convocation de l’imaginaire de la nature dans l’hétérotopie du cimetière nous ramène, avec des nuances et sous couvert de croyances différentes, à rétablir un sentiment d’apaisement.

La poursuite du raisonnement de Foucault sur les hétérotopies nous intéresse particulièrement lorsqu’il précise tout ce que ces lieux convoquent : « L’hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. C’est ainsi que le théâtre fait succéder sur le rectangle de la scène toute une série de lieux qui sont étrangers les uns aux autres. » (2004, p. 17) Cette réflexion nous permet de conforter l’hypothèse que le cimetière est un lieu isolé, encore plus fortement d’un point de vue symbolique que physique, et qu’il contient en lui-même l’image d’autres lieux. Il convoque l’imaginaire de la nature et de ces paysages plus fortement encore que d’autres imaginaires. Et le sens de cette scénographie à la puissance symbolique fait partie du rite mortuaire. Elle permet de mieux le saisir. Une des notions développées par Pascaline Thiollière, dans sa thèse portant sur les ambiances dans les cimetières urbains, nous semble tout à fait pertinente pour compléter les facettes de cette scène hétérotopique. Elle décrit ainsi le phénomène de suspension du temps qui agit dans ce lieu, modifiant la perception du visiteur qui y pénètre : « l’espace se reconfigure, de nouvelles limites protectrices se forment autour des proches du défunt réunis. L’image de la bulle est employée. Une bulle comme un espace-temps particulier qui se forme là, sur la tombe. Avec ces nouvelles limites, l’accès à l’intime devient possible, le temps est comme suspendu. » (2006, p. 241) 

Un paysage funéraire enfoui

Dans la scénographie des espaces funéraires contemporains, l’un des éléments les plus marquants concerne les dispositifs funéraires utilisés. Leur choix, puis l’ensemble des contraintes qui s’y associent (technique, physique, fonctionnelle, etc.), marquent le décor funéraire. Comme le rappelle Foucault : « c’est à partir du XIXe siècle que chacun a eu droit à sa petite boîte pour sa petite décomposition personnelle. » (2004, p. 16) Le paysage de la mort se compose avec cet état de fait, menant les architectes à proposer une vision engagée sur un terrain sensible. Concevoir un cimetière n’est pas neutre. Que doit exprimer le rassemblement de ces dispositifs mémoriels individuels ? Comment font-ils sens ensemble et à quelle narration cela se rapportent-t-ils? Avec leur projet de cimetière à Igualada (Espagne), les architectes catalans Enric Miralles et Carme Pinós expliquent les prémisses de leur conception et la décision de concevoir un cimetière lui-même presque enterré : « Nous pensions que notre corps organique devait retourner à la terre […] Ils ont voulu nous obliger à mettre le corps dans une boîte et nous, nous pensions que le corps devait retourner à la nature. […] Tu es poussière et tu redeviendras poussière » (Coppans, 2016). C’est en réaction au dispositif hors sol de l’enfeu, traditionnellement utilisé en Espagne, que leur projet est pensé. Le principe de l’enfeu consiste classiquement en une série de boîtes maçonnées empilées les unes sur les autres. Il entretient donc normalement assez peu de relation avec le sol. C’est un rapport réinventé à la terre que proposent les architectes dans le projet d’Igualada. Au lieu d’enfouir les corps, ils créent le sentiment d’enfouissement des enfeus. L’ensemble du projet met en scène l’occultation des cases individuelles dans un dispositif architectural qui forme un paysage. L’architecture semble se dissoudre dans le paysage (fer rouillé, gabion, pans de béton inclinés qui semblent en péril), à l’image du devenir des corps. Le projet architectural amorce ainsi l’idée de la disparition.

La réalisation de Marc Barani à Roquebrune-Cap-Martin (France) présente des traits communs avec celui d’Igualada, quant à l’objectif de se fondre dans le paysage environnant. Avec ses incisions dans la roche, l’espace des sépultures se niche dans la pente. Les enfeus qui le constituent semblent protégés dans l’épaisseur du sol, alors que le regard du visiteur se déploie vers l’horizon. Bien entendu, la présence de la pente et la vue sur la mer sont décisives pour la composition. Mais, la contrainte du dispositif funéraire, bien que moins mise en avant par l’architecte dans sa narration du projet, reste une donnée essentielle qui oriente vers cette proposition enterrée dans la pente. Marc Barani (2022) précise que la grande différence entre son projet de Roquebrune – dans la pente – et son projet de cimetière à Valbonne – dans la forêt –, tient dans la tradition funéraire qui est véritablement différente d’un contexte de projet à un autre. Roquebrune-Cap-Martin, proche de l’Italie, est une commune sur laquelle se pratiquent les enfeus, alors que Valbonne, à peine plus éloignée, est très attachée à la tradition française de l’inhumation. Entre les deux, le paysage fabriqué par le projet est vraiment différent.

Les dispositifs de sépultures, suivant leur rapport physique au sol, modifient la gestuelle du rite. Les enfeus organisent une façade dense et haute dans laquelle chaque défunt correspond à une case superposée à d’autres. Le dépôt des fleurs est très limité ainsi que celui des objets personnels. Au terme d’une longue étude sur les gestes et les postures dans plusieurs situations de dispositifs funéraires différents (enfeu, caveau, jardin du souvenir), Pascaline Thiollière dresse un constat très marqué sur les enfeus dans un cimetière de Barcelone :

Pour les enfeus les plus hauts, l’usage d’une échelle est nécessaire, et les personnes âgées moins mobiles dirigent d’en bas les gestes des plus jeunes. La posture dans laquelle on va pouvoir se recueillir en fixant la niche dépend de sa hauteur. Plus elle est haute, plus le visiteur va devoir se reculer pour trouver une position confortable, et parfois se placer contre le mur d’en face. »

2006, p. 206

Au-delà de la conception architecturale, les enfeus impliquent une distanciation physique du corps du visiteur d’avec le dispositif mémoriel qui influe sur les gestes rituels. À l’inverse, les observations de Pascaline Thiollière sur les caveaux au cimetière de Neuilly permettent de saisir le contraste d’action et de confort : « Les gestes observés relèvent plutôt du jardinage : dépotage, rempotage, arrosage. […] Le regard et la tête sont penchés vers le bas. La plus faible densité et la moindre fréquentation assurent une certaine tranquillité aux visiteurs. » (2006, p. 207)

Le motif de l’alvéole chez Robert Auzelle

Dans Dernières Demeures, l’architecte Robert Auzelle rassemble vingt années de recherche et de réflexions sur les espaces funéraires. Il livre de riches analyses de réalisations inspirantes, ainsi que des outils à visées opérationnelles pour la conception de cimetières. Il y précise sa perception du rôle de la nature dans la conception de ces lieux : « Le contact avec la nature a en effet le pouvoir de détacher l’esprit de certaines contingences immédiates et d’inciter à une méditation qui peut revêtir des aspects philosophiques. » (1982, p. 88) Il confère un rôle central à la végétation dont il explique l’objectif : « Il s’agit de dégager grâce à un accompagnement végétal un ensemble de paysages respirant une atmosphère de recueillement et de paix. […] C’est une solution hybride qui respecte encore mieux le souvenir et le charme des anciens enclos mortuaires. » (1965, p. 212-213) Contre l’anonymat de la case superposée en enfeu, Robert Auzelle formule une vision engagée dès les années 1970. Il explicite ainsi la situation de ce dispositif funéraire particulier : « En apparence, les enfeus ne se distinguent pas des cases superposées des cimetières portugais. […] Leur vocable un peu bizarre traduit exactement ce que l’étymologie du mot sarcophage évoque : dévoreur de cadavre. Cette macabre fonction était, pensait-on, assurée par le matériau poreux dont étaient faites ces cuves de pierre. » (1965, p. 249) Les enfeus sont compacts et particulièrement adaptés aux terrains rocheux ou trop humides. Au cimetière intercommunal de la Fontaine-Saint-Martin à Valenton en France, Auzelle propose ainsi de réaliser des enfeus sur une partie du projet (Duhau, 2017). Intégrées dans une nouvelle topographie, les cases semblent ensevelies dans une mise en scène très végétalisée, qui évoque un paysage vallonné. La dominante végétale s’associe à une sémiotique qui touche la façade. Alors que les enfeus sont traditionnellement assez pauvres esthétiquement, Auzelle dessine les portes des cases avec le motif de l’alvéole[5], leur conférant une dimension poétique. L’attention est ainsi détournée de la dure réalité de la décomposition pour lui substituer une image plus acceptable : celle de la ruche.

Nouvelles ambitions écologiques et effacement du paysage funéraire

Jean-Didier Urbain a démontré comment la société occidentale était attachée à un besoin de conservation (1978) tout autant qu’à un besoin de consommation. Pour lui, le cimetière est le lieu exemplaire de la recherche utopique d’un « corps permanent imaginaire ». Pour éviter l’angoisse de la mort, le paysage funéraire reste particulièrement architecturé et écrit au XIXe siècle. Mais au siècle suivant, ce rapport s’inverse. Ainsi, Urbain (2005) observe avec l’émergence de la crémation une raréfaction des épitaphes ainsi qu’une réduction ou miniaturisation des dispositifs mémoriels. À présent, il est évident que les préoccupations environnementales grandissantes motivent de nouvelles représentations. Dans l’espace des morts, elles peuvent se caractériser par la volonté d’un impact minimal du corps dans la nature. Cela induit par exemple une préparation minimale du défunt (rejet de soins du corps intrusifs, usage de produits et matériels naturels uniquement). Le cercueil ou le linceul peuvent être en matières biodégradables alors que leur forme s’inspire du vivant non humain. Cette pratique de funérailles écologiques tente d’affirmer une vision plus positive de la mort. Il ne s’agit pas uniquement de minimiser l’impact sur l’environnement. Il y a aussi une volonté d’effacement de la brutalité de la mort pour se concentrer sur la puissance créatrice de la nature. Mais, qu’en est-il du décor du cimetière en lien avec cette nouvelle représentation? La mise en scène du paysage funéraire y est très explicite, les lieux naturels sauvages sont plébiscités. Cela constitue une rupture avec l’idée d’une nature domestiquée ou fabriquée jusque-là dominante dans la spatialité des cimetières européens. Les espaces d’inhumations dits naturels, tel Natural Burial Co en Angleterre, illustrent ce changement de paradigme[6]. Cela constitue un exemple parmi tant d’offres similaires qui fleurissent également aux États-Unis depuis 1994 : « Si les intentions du Natural Death Center étaient d’abord de guider les familles vers une gestion plus autonome et personnelle des funérailles, les conservation burial […] mettent clairement en avant l’aspect écologique de leurs motivations. Combinant les principes de l’inhumation naturelle et la restauration écologique. » (Thiollière, 2006, p. 59) En proposant toutes sortes de cercueils dégradables, l’entreprise pose le premier jalon du dispositif. Elle met également à disposition plusieurs sites aux paysages différents qui se rapprochent d’un verger, d’une clairière, d’une prairie et d’un bois. Ces sites sont évoqués comme une « belle campagne anglaise » ou encore « des espaces totalement sauvages favorisant la biodiversité tant floristique que faunistique » (Natural Burial Co., 2023). L’architecture en est exclue. Après l’inhumation dans une fosse creusée à la main, le corps disparaît dans ce décor, sans véritable marquage. Cette traduction nous semble aller dans le sens d’un constat sociologique quant à l’invisibilité ou l’illisibilité des étapes de la mort et du deuil dans la société (Clavandier, 2013). Concernant le déroulement des funérailles, il semble que la notion de nature se traduise par un flou quant à l’usage de l’espace : « Les parcelles de sépulture peuvent être sélectionnées personnellement et choisies à l’avance. Le jour du service, il n’y a pas de contraintes de temps. […] Tout le monde est invité à visiter et à se souvenir dans un environnement naturel vraiment magnifique. Et tous sont en sécurité en sachant qu’un merveilleux héritage restera. » (Natural Burial Co., 2023) La notion de limite et de passage n’étant pas exprimée dans cette conception, l’espace donne peu d’indices aux acteurs du rituel pour se positionner et savoir comment agir. Or, nous savons que le rituel s’appuie sur une codification reconnaissable et que l’invention n’est pas si aisée : « Pour le deuil, à la différence peut-être des mariages et des naissances moins porteurs d’angoisse […] on a du mal à réinventer des choses. Sans doute également que notre société de consommation est plus prompte à accompagner des évènements heureux. » (Clavandier, 2013) Le principe des Natural Burials met en question la capacité à accueillir le rite dans un lieu si neutre, dans lequel aucune des conditions spatiales spécifiques n’est mise en oeuvre. L’entreprise précise qu’un seul service est réalisé par jour pour donner aux familles la liberté de s’approprier le lieu, sans contrainte de temps. Des chaises peuvent être installées pour réaliser un service complet sur place, avec ou sans musique. Il est aussi possible d’apporter un pique-nique pour célébrer son défunt. En soi, cela n’est pas une pratique innovante, car courante dans diverses cultures (chinoise, malgache, mexicaine…). Dans le cas des Natural Burials, c’est la nature du décor qui semble suggérer le rituel et non la référence à une pratique traditionnelle. Par ailleurs, cette disposition est présentée comme un confort. Mais, elle est également imposée par l’absence totale de gestion spatiale des flux. La faisabilité d’un tel dispositif n’est réservée qu’à des territoires majoritairement ruraux soumis à de faibles pressions démographiques.

Les dispositifs mémoriels des sites de Natural Burial Co., rares éléments qui permettent de rappeler l’emplacement de l’inhumation, ne font pas référence au défunt, à sa vie ou à sa mort. Ils sont remplacés pour partie par des nichoirs à oiseaux ou à chauve-souris, par des abris à insectes désignés comme boîtes de nature, qui offrent un abri à d’autres formes de vie. En lieu et place d’une invitation au rituel, le projet propose une invitation à la nature. Ces produits commerciaux suggérés aux familles comme des supports de mémoire se détachent de la référence au corps ou à l’identité du disparu. Ils ne sont pas détournés de leur usage d’origine. Alors que la pierre tombale marque un périmètre qui renvoie en permanence à l’acte d’inhumation et à la position horizontale du corps défunt, le nichoir évite la référence au sol pour attirer le regard vers le ciel. La gestuelle de commémoration en est fortement modifiée. Il ne s’agit plus de se présenter face à une stèle, tête baissée, mais de lever les yeux vers le ciel. Les boîtes de nature sont complétées par des bancs du souvenir, qui offrent une posture contemplative au visiteur. Il est assez clair dans la description des lieux que la volonté est de profiter de la vue : « une belle nouvelle section a ouvert ses portes, offrant des vues exceptionnelles. De plus, le cimetière offre la nouvelle Cherry Glade où un cerisier est planté pour commémorer chaque enterrement de restes incinérés qui a lieu dans cette zone. Dans les années à venir, cela deviendra une mer de fleurs à des moments clés de l’année » (Natural Burial Co., 2023). La saisonnalité devient le point central de cette mise en scène de la vie floristique et faunistique.

Ce paysage de nature est à l’image des défis actuels : « L’enjeu majeur désormais est de penser et imaginer les conditions soutenables d’une vie sur terre qui menace d’épuisement […] Concevoir de tels milieux habités requiert des coexistences, équilibres, adaptations, réinventions et re-créations entre natures et artifices, cultures urbaines et agricoles, écosystèmes et anthropisation. » (Bonnet et al., 2012, p. 185) La mort n’échappe pas à ce nouvel équilibre. La tendance à réinvestir le cimetière avec de multiples formes de vie ne découle pas que d’un impératif écologique. Ce qui pourrait être considéré comme une coexistence penche en faveur d’une invisibilisation de la mort.

Scénographier la disparition du corps

L’effacement assumé du paysage funéraire dans les scénographies écologiques de la mort a pour corollaire une intensification du rituel agissant sur le corps ainsi qu’une importance accrue de tous les objets liés à sa mise en sépulture. Avec les funérailles vertes, la question du devenir du corps intervient comme un acte très engageant. Ce choix personnel traduit une prise de position, un message envoyé à la société et aux proches : celui de limiter l’empreinte du corps sur l’environnement. Et alors que le dispositif mémoriel n’est pas clairement identifié comme véritablement nuisible à l’environnement, l’idée de funérailles écologiques s’associe à la disparition de l’architecture. Un nouveau décor de la mort commence à apparaître en Occident, en traduction de cette manière de penser. Bien que ces initiatives restent assez minoritaires, elles présentent une tendance à orienter le discours sur la valorisation du vivant non humain. Plusieurs initiatives récentes nous montrent une évolution de la narration liée au dernier vaisseau de la dépouille. Comme l’indique Gaëlle Clavandier, le cadavre est une référence au réel : « Ersatz de vie, signe de mort, le cadavre est par définition ce qui dit le mieux le processus de la mort. Il est médiation et loge en son sein des sentiments et intentions contradictoires : ostentation et occultation, sensibilité et indifférence, craintes et assurance, désir de se séparer et souhait d’union éternelle. » (Clavandier, 2009, p. 43) Les réflexions qui suivent, au travers de spatialités particulières, éclairent ces oscillations dans lesquelles le corps joue un rôle central.

Recompose : le corps comme un compost

La démarche de Katrina Spade (Recompose, 2023), dans la continuité des Natural Burials, assume des ambitions environnementales fortes. Architecte de formation, elle a mis plusieurs années à concrétiser et à faire légaliser dans l’État de Washington un procédé de transformation du corps en compost[7]. Elle explique ainsi ses motivations d’un retour à la nature : « The soil created returns the nutrients from our bodies to the natural world. It restores forests, sequesters carbon, and nourishes new life[8]. » Deux points nous intéressent spécifiquement dans cette proposition. D’une part, les gestes rituels induits par ce procédé. D’autre part, la spatialisation mise en oeuvre pour traduire l’idée d’un retour à une simplicité naturelle. Concernant les rites, l’intérêt de la démarche est d’inviter les proches à accomplir des gestes de préparation du corps simples et personnalisés. Chacun peut ainsi apporter des fleurs de son jardin ou des végétaux que le défunt appréciait. Comme une sorte d’offrande et de mise en beauté du corps, le rituel met à distance les éléments techniques de préparation du corps tels que pratiqués par les professionnels du funéraire. L’action a une triple valeur : participer à la mise en oeuvre du compost, apporter un soin au corps, préparer le moment de la séparation. Il s’agit d’un dernier au revoir. Katrina Spade évoque la dimension olfactive de ce moment grâce à des végétaux qui ont une odeur agréable ou apaisante. Concernant la spatialisation, ce sont les caissons individuels de compost, superposés tels les enfeus, désignés par « vaisseaux », qui composent les façades du décor. Nous y retrouvons le motif de l’alvéole en façade de chaque caisson, avec une double lecture possible de cette référence. Nous pouvons y entendre l’attachement à la vie de la faune, comme figure forte de la nature. Mais aussi l’image d’une communauté qui tire sa force de l’ensemble des individus qui la compose. Un motif qui contient donc à la fois une dimension individuelle et collective. Le motif de l’alvéole n’a aucun sens seul. Il ne peut être compris que par son accumulation. Plus encore que dans le projet de Robert Auzelle, l’alvéole est le décor qui rend acceptable l’idée de la décomposition. Si tout le concept repose sur la valorisation du corps qui devient compost, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un corps familier.

Le projet de Katrina Spade est pensé pour répondre à des situations urbaines. Nous comprenons que la réflexion technique et compacte du dispositif permet de répondre à un manque de place ou d’espace naturel en ville. Le projet rassemble ainsi des capsules de compost hors sol et des espaces de cérémonies au sein d’un complexe abrité. Il n’y a en fait aucun contact avec une nature réelle.

Variations autour du corps, début d’une autre manifestation de la vie

Dans une perspective écologique, l’idée même du cercueil traditionnel tend à perdre la place centrale qu’il avait. Bien sûr, il existe l’option des cercueils fabriqués avec des matériaux biodégradables (carton, osier, bambou), mais dont la représentation formelle ne raconte rien de différenciant avec les funérailles classiques. Focalisons notre attention sur des propositions formelles qui ont une dimension scénographique. Nous observons l’émergence de deux types de formes. Toutes deux prennent pour référence l’imaginaire de la nature avec une certaine nuance qui a son importance. Nous trouvons en effet des réinterprétations faunistiques (cocon, nichoir) à côté de références floristiques (graines, forêt, champ de fleurs, etc.). Ainsi, la créatrice de Cocoon, Liza Li, évoque formellement l’idée de la transformation alors que la matière proposée accompagne la dégradation du corps : « Notre cercueil est en bambou et la forme est un cocon. Nous avons choisi le bambou, car il est vert et c’est un matériau dégradable. Tout comme les papillons brisent les cocons et renaissent enfin, nous croyons que seuls leurs corps sont enlevés aux morts, mais leurs âmes renaissent à nouveau. » (DesignBoom, 2020) À l’instar de l’alvéole et du nichoir, la référence mobilisée est celle de la faune.

Floral Message (Hulshof, 2012) est un cercueil biodégradable (carton et papier mâché), imaginé par la designer Hedwig Hulshof[9]. Sa conception invite à pratiquer des gestes inédits lors du dernier au revoir. Les proches peuvent écrire un mot personnel ou un souvenir, en utilisant le support du faire-part de décès. Le carton-message est ensuite plié en forme de fleur, conservant la discrétion de son contenu, puis placé sur le cercueil. Ainsi, le défunt est rendu à la nature, recouvert de fleurs. Le concept initie une gestuelle individuelle qui prend de la profondeur collectivement avec l’image du champ de fleurs. Par ailleurs, la proposition encourage le rapprochement avec le corps du défunt. Le rite imaginé est constitué par un objet (le papier qui devient fleur), une série de gestes (écrire, plier, déposer), une parole (remplacée ici par la graphie du message). Nous pouvons considérer que le cercueil est l’élément principal de cette scénographie. C’est lui qui incite à la réalisation de l’action rituelle. Il offre la combinatoire d’une référence animale, avec le cocon, et d’une référence florale, avec le message.

Conçu par l’artiste Diddo, Project Womb (2011) remet en cause la position traditionnelle du corps dans le cercueil, pratiquée dans l’Occident moderne. Conteneur d’impressions et du souvenir, la capsule funéraire qui héberge des données à télécharger, à partager et à mettre à jour par les proches, développe une forme assez basique, une sorte de coque. La référence se distingue des autres, faisant écho à la naissance de la vie humaine : « les cercueils rectangulaires sont peu naturels et hostiles. Pour moi, le design de l’utérus est en harmonie avec la vie et la nature. » La proposition agit à la fois sur la posture du corps et sur la géométrie du réceptacle, proposant la mort comme une image miroir de la naissance. Cette mise en scène du corps mort renvoie au cycle de vie. Ce que fait aussi le cocon, en se rattachant davantage à l’idée d’une vie transformée qu’à celle d’une rupture.

Le concept Seeding tente quant à lui d’établir un nouveau rapport entre les hommes et la Terre, en restituant à la nature l’énergie consommée au cours de sa vie. Il est soutenu par la designer Prang Lerttaweewit (2013) qui concentre une part importante de son travail sur la place de la nourriture dans la société. L’idée assume la volonté d’un détachement du matérialisme et d’une remise en cause à la fois du mémorial et du deuil traditionnel occidental. L’attention est détournée sur le geste de fabrication artisanale qui apparaît lui-même comme un rite de remplacement. Pour honorer les morts, des jacinthes d’eau sont récoltées dans une rivière, qu’elles contribuent par ailleurs à assainir. Elles sont ensuite tissées soigneusement sur une structure de rotin. La production de cette enveloppe, à l’apparence d’une cacahuète, participe à développer un savoir-faire local. La bonne ventilation du contenant permet de favoriser la décomposition. Le symbole utilisé est dans ce cas plutôt lié à la flore. L’inhumation y est proposée comme un geste de don à la nature. L’image de la fabrication d’une nouvelle vie se substitue là encore à celle de la décomposition.

Le projet Capsula Mundi [10] développé depuis 2003 par deux Italiens, Anna Citelli et Raoul Bretzel, se présente comme une autre alternative aux enterrements classiques (Capsula Mundi, 2003). Ils évoquent comme moteur de projet un rejet de la spatialité des espaces funéraires classiques : « Le cimetière ne sera plus plein de pierres tombales, mais sera une forêt sacrée. » C’est donc une préoccupation pour le décor de la mort qui motive le projet, faisant appel à un motif récurent : celui de la forêt. Cette urne, à la morphologie d’un oeuf, va nourrir la pousse d’un jeune arbre. Il est bien question de design. Comme en témoigne la présentation du prototype dans des événements tels que l’exposition Italian Design Day en 2017, puis Broken Nature : Design Takes on Human Survival et Architecture and Design en 2019. Le regard se concentre sur l’esthétique de l’objet et la réinvention d’un autre rapport à la terre. La pousse de l’arbre va devenir l’objet d’attention et de soin. Ainsi, autour de sa croissance, ce sont d’autres gestes qui prendront le relais.

Avec des perceptions et des sensibilités propres, chacun des projets considérés dans cet article réinvente un rapport à la nature. Les images de ces projets écologiques sont belles, mais parfaitement déconnectées, pour certaines, de la condition urbaine ainsi que des contextes de situation d’urgence qui peuvent advenir sans prévisibilité. En effet, les villes soumises à de fortes pressions démographiques ne peuvent se permettre la mise en place de paysages aussi étalés pour un nombre très restreint de défunts. Cette réalité correspond donc très bien à une situation rurale ou éventuellement périurbaine. Tout comme le cimetière-jardin du début de la période moderne, les scénographies naturelles de la mort contiennent l’image d’un idéal. Toutefois, il convient d’apporter les précautions nécessaires concernant l’impulsion de ces bouleversements. À l’inverse de la tendance du cimetière-jardin, la disparition actuelle du paysage funéraire n’est pas portée par les architectes. C’est là une différence notable dans l’évolution des nécropoles. L’invisibilisation que nous observons est majoritairement l’illustration d’une nouvelle offre commerciale (designers, entreprises funéraires…) s’ajustant à des attentes écologiques. Auzelle, Barani, Piños et Miralles, tout en proposant un paysage qui dialogue avec la nature et exprime une vision forte du rapport au corps, donnent à l’architecture le rôle premier de la scénographie. Alors, l’effacement architectural n’est-il pas simplement l’illustration d’une commande sur laquelle les architectes sont moins sollicités ? Un champ d’investigation et de conception qui échappe à la discipline architecturale. Si les références analogiques à la nature constituent bien un point de convergence de ces différentes approches, les traductions spatiales étudiées sont toutes particulières, car elles répondent à des situations spécifiques.