Qu’est-ce qu’une bonne mort ? Qu’est-ce que bien mourir ? Comment accompagner les mourants? Ce sont là autant de questions auxquelles les sociétés humaines sont confrontées depuis la nuit des temps. Les réponses s’ajustent aux cultures en mouvement, toujours en devenir dans l’espace-temps. En effet, on ne meurt pas et on n’est pas accompagné dans le mourir de la même façon dans les sociétés des chasseurs-cueilleurs que dans les sociétés de culte monothéiste ou encore dans les sociétés hypermodernes et médicalisées. Historiens et ethnologues tentent de documenter ces réalités à partir des traces les plus anciennes, remontant même à la préhistoire et à l’Antiquité, pour rendre compte des attitudes sociales très diverses, antagonistes souvent, convergentes parfois, ayant façonné les moeurs à travers les temps, montrant que rien n’est définitivement acquis en ces matières, que la « morale » gouvernant les façons de faire est fluctuante. Mais encore là, les sociétés ont toujours considéré la mort avec une géométrie variable, suivant que les mourants étaient des enfants, des adultes ou des aînés et selon leur statut social. C’est sur la mort des personnes âgées que les sociétés se sont posé les questions les plus ardues, le registre de solutions apparaissant relativement limité. Simone de Beauvoir (1970), Jared Diamond (2013) et Nadine Bernard (2018) nous rappellent comment certaines sociétés sans écriture et d’autosubsistance ont réglementé l’accompagnement des proches malades et en fin de vie, et plus spécifiquement des aînés, faisant état chez certains peuples désignés « barbares » de pratiques d’élimination et d’incorporation (anthropophagique) que Tacite ou Strabon n’ont pas hésité à juger rebutantes. Toutefois, Nadine Bernard rapporte, au sujet de l’élimination des malades et surtout des plus âgés dans l’Antiquité, que Dans ce type de sociétés, bien représenté par la légende japonaise d’Obasute (Beauvoir, 1970) – dans laquelle il est ordonné aux personnes d’un âge avancé de mourir sur le mont Narayama –, la personne âgée n’est plus maître de son destin, la mort étant provoquée par la convention sociale (à partir d’un âge déterminé), indépendamment de son état de santé. Mais cette même légende montre également que plusieurs ne partageaient ni contentement ni abnégation, l’heure venue. Ainsi, des conventions sociales qui semblent innovantes au premier regard, comme l’aide à mourir, pourraient avoir été normatives dans nombre de sociétés avant l’irruption des religions monothéistes. L’accompagnement des mourants aînés, ou de ceux contraints de mourir par convention sociale, a toujours eu ses propres logiques, allant de la manifestation absolue de piété filiale jusqu’à l’abandon pur et simple de la personne en fin de vie. Or ce qui s’applique pour les plus vieux se justifie difficilement pour les plus jeunes. L’inversion produite par la post-transition démographique au 20e siècle aura été spectaculaire, les vieux et, accessoirement, les adultes, étant désormais les principaux acteurs dans le mourir, alors que la mort des enfants est un événement exceptionnel dans les sociétés occidentales (Thane, 2005). Et de fait, la mort contemporaine d’enfants est perçue comme une tragédie, celle des plus vieux demeurant dans le prévisible et l’attendu (Fortin et al., dans ce numéro). D’ailleurs, la bonne mort peut-elle s’appliquer à ceux qui partent si tôt, ou demeure-t-elle plutôt réservée aux personnes âgées et, accessoirement, aux adultes? Quoi qu’il en soit, l’ensemble des représentations de la « bonne mort », ou du « bien mourir », qu’elles soient anciennes ou nouvelles, qu’elles viennent d’ici ou d’ailleurs, dévoilent autant de regards que de points de vue relatifs et contrastés (Castra, 2015; Cottrell et Duggleby, 2016; Meier et al., 2016; Soom Ammann et al., 2016; Gunaratman, 2013). L’avènement de la Loi québécoise concernant les soins …
Appendices
Bibliographie
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